Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2003, présentée pour la SARL CHALON 92, dont le siège est Chemin de Clertant Montaigu (39570), par Me X..., avocat associé, du Barreau de Chalon-sur-Saône ; la SARL CHALON 92 demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 001063-001065 en date du 15 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice 1993 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période correspondant à l'année 1993 ;
2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;
3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SARL CHALON 92 soutient que :
- par application du 2ème alinéa de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, l'administration a la charge de la preuve de la sous-estimation qu'elle allègue, du prix de cession du lot n° 58, de l'ensemble immobilier acquis par la société, à l'un de ses associés, M. Z... X ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, cette preuve ne pouvait résulter de la seule comparaison avec la vente du lot n° 55 du même immeuble, à un autre client, sans aucune référence aux prix du marché ; en outre, les deux opérations concernent des biens dissemblables, par leur destination, leurs équipements et les frais annexes à leur cession ;
- la requérante oppose au service ses instructions 7 A 61 du 10 septembre 1996 et 13 L 1513 du 1er avril 1995 à ce sujet ;
- la commission départementale des impôts n'a pas motivé son avis, en méconnaissance de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales ; cette situation équivaut à une absence de consultation, selon l'instruction 13 O-1271 du 1er décembre 1990 en son n° 25 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'avis de la commission départementale des impôts est suffisamment motivé ; il entérine d'ailleurs l'accord des intéressés sur le prix mentionné ;
- la preuve de la sous-estimation du prix de cession du lot n° 58, a été apportée par confrontation avec l'ensemble des ventes conclues sur les autres lots ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller.
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL CHALON 92, créée le 2 avril 1992, afin d'exercer l'activité de marchand de biens, a acquis un bâtiment sis à Chalon-sur-Saône comportant 9 appartements, dont elle a entrepris la rénovation avant de procéder, durant l'année 1993, à sa revente par lots ; qu'en raison de la mévente de certains lots, ceux-ci ont été acquis par les deux associés, MM. Y... et Z... X ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la vente, pour 300 000 F, du lot n° 58 à M. Y... X, par acte du 10 mai 1993, avait été conclue à un prix sous-évalué, et que la privation de recettes ainsi constatée révélait un acte anormal de gestion de la société ; qu'en conséquence, ses bases de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ont été rehaussées par référence à la valeur réelle du bien revendu, fixée à l'issue de la procédure contradictoire engagée avec la contribuable, à 410 000 F ; que la SARL CHALON 92 fait régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Besançon qui a refusé de lui accorder la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1993, et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période en cours lors de la vente litigieuse, consécutifs au chef de redressement sus-analysé ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte de l'examen de l'avis, émis par la commission départementale des impôts le 1er décembre 1999, sur la demande de la société contribuable, que ce document analyse les données de fait et les appréciations des intervenants relatifs à la valeur du lot immobilier n° 58, avant de fournir son évaluation ; que la circonstance que celle-ci est identique au montant, déterminé auparavant par la commission départementale de conciliation et, au demeurant, accepté par les intéressés, ne suffit pas à établir que la commission départementale des impôts n'aurait pas, en réalité, motivé sa propre position ; que le moyen tiré de ce que l'avis de cette dernière commission n'aurait pas été motivé en méconnaissance de l'exigence de l'article L. 60-3 du livre des procédures fiscales n'est pas fondé ;
Considérant, par ailleurs, que la requérante ne peut utilement invoquer une instruction 13 O-1211 qui, par son objet, ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale susceptible d'être opposée au service sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'acte anormal de gestion :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations. ; que la cession, pour un prix inférieur à sa valeur vénale d'un bien immobilier par une société exerçant l'activité de marchand de biens constitue un acte anormal de gestion, lequel, dans la mesure où il est établi par l'administration, autorise cette dernière à réintégrer l'insuffisance de recettes ainsi constatée dans les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la cédante ;
Considérant que l'administration a constaté que le prix de cession du lot n° 58 à M. X faisait ressortir une valeur de 2 678 F au mètre carré, alors que cet indice était de l'ordre de 4 800 F à 5 800 F le mètre carré pour les autres contrats de vente ; que si le vérificateur a procédé à une comparaison détaillée avec le seul lot n° 55, ce dernier, au demeurant, revendu à un prix correspondant à 4 910 F le mètre carré, s'avère représentatif de l'ensemble des appartements offerts aux acheteurs ; que les différences relevées par la requérante entre ces deux lots, du point de vue de leur état d'entretien, de leurs équipements ainsi que d'une affectation à usage professionnel du lot n° 55, ne permettent pas de justifier une divergence des prix de vente dans la proportion sus-indiquée ; que cette confrontation des conditions de cession de lots immobiliers, issus du même bâtiment, permettant une appréciation pertinente des prix convenus avec chaque acquéreur, la circonstance que le service n'a pas recherché de références extérieures pour mieux situer les prix du marché immobilier n'a pas été de nature à fausser l'évaluation du lot litigieux ;
Considérant, enfin, que la société ne peut utilement opposer au service, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions datées du 1er avril 1995 et du 10 septembre 1996 postérieures à l'année vérifiée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CHALON 92 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL CHALON 92 la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CHALON 92 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CHALON 92 et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 03NC00641