La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2006 | FRANCE | N°04NC00652

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 01 juin 2006, 04NC00652


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2004, présentée pour M. et Mme Mario X, élisant domicile ..., par Me Bergeron, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-04576 du 14 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2002 par laquelle la chambre régionale des comptes d'Alsace a déclaré non obligatoire la dépense de 1 200 000 F pour le paiement d'un terrain vendu par eux à la commune de Blotzheim ;

2°) d'annuler ladite décision et de condam

ner la commune de Blotzheim au paiement du prix correspondant à l'achat du ter...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2004, présentée pour M. et Mme Mario X, élisant domicile ..., par Me Bergeron, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-04576 du 14 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2002 par laquelle la chambre régionale des comptes d'Alsace a déclaré non obligatoire la dépense de 1 200 000 F pour le paiement d'un terrain vendu par eux à la commune de Blotzheim ;

2°) d'annuler ladite décision et de condamner la commune de Blotzheim au paiement du prix correspondant à l'achat du terrain, assorti des intérêts moratoires, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Blotzheim une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que la décision attaquée n'est pas motivée ;

- que la chambre régionale des comptes ne pouvait légalement asseoir sa décision de refus de mettre en demeure la commune de Blotzheim d'inscrire la somme litigieuse à son budget sur l'avis du service des domaines et sur l'offre de la SAFER ;

- qu'il n'entre pas dans les missions de la chambre régionale des comptes d'apprécier l'intérêt communal d'une opération déjà soumise au contrôle de légalité ;

- que la dépense litigieuse répond à l'intégralité des critères propres à lui conférer un caractère obligatoire, et ne fait notamment l'objet d'aucune contestation sérieuse, à laquelle ne sauraient être assimilées les circonstances que la commune aurait introduit un recours devant une juridiction civile, qu'il existerait un écart manifeste entre le prix de vente et l'estimation du service des domaines, et que le nouveau conseil municipal aurait autorisé la commune à solliciter l'annulation de l'acte de vente, une telle action en nullité étant au surplus vouée à l'échec ;

- que le jugement attaqué est entaché de défaut de réponse à conclusions et est mal fondé au regard de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- que la dette de la commune avait un caractère exigible en application de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales ;

- qu'en présence de la mise en demeure du préfet, il n'y avait plus matière pour la chambre régionale des comptes à apprécier une demande d'inscription au budget ;

- qu'en application de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités locales, la chambre régionale des comptes était incompétente à l'effet de rendre la décision litigieuse, dès lors que l'acte de vente était devenu définitif ;

- que, subsidiairement, si la Cour devait estimer la chambre régionale des comptes compétente à l'effet de statuer sur une éventuelle difficulté sérieuse, un recours devant la juridiction civile ne préjuge pas de l'existence d'une contestation sérieuse quant à la détermination du caractère exigible d'une dépense obligatoire, et le conseil municipal est incompétent pour prescrire au maire de différer le mandatement d'une dépense obligatoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2005 et complété par mémoire enregistré le 30 mai 2005, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens énoncés par les requérants ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2005, présenté pour la commune de Blotzheim, par Me Paulus ;

La commune de Blotzheim conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens énoncés par les requérants ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 28 février 2006 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2006 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par délibération du 4 décembre 2000, le conseil municipal de Blotzheim a décidé l'acquisition au prix de 1 200 000 F de diverses parcelles de terrain appartenant à M. et Mme X, dont la vente a été conclue par acte authentique en date du 8 mars 2001 ; que, toutefois, la nouvelle municipalité issue des élections du 11 mars 2001 a refusé d'ordonnancer la dépense correspondante ; que, saisi par les époux X, le préfet du Haut-Rhin a refusé par décision du 4 octobre 2001 de mandater d'office ladite dépense ; que, cependant, sur recours gracieux, ledit préfet a mis en demeure la commune de Blotzheim de régler la somme litigieuse dans un délai de deux mois ; que, par délibération du 28 février 2002 devenue définitive après confirmation par la Cour du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg rejetant la requête des époux X tendant à l'annulation de ladite délibération, la commune a supprimé les crédits susceptibles de permettre le règlement de cette dépense ; que ces derniers ont alors saisi la chambre régionale des comptes d'Alsace d'une demande tendant à reconnaître le caractère obligatoire de ladite dépense ; que les intéressés relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg rejetant leur requête tendant à l'annulation de l'avis du 17 octobre 2002 par lequel la chambre régionale des comptes a refusé de faire droit à leur demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Blotzheim :

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la compétence de la chambre régionale des comptes :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : «Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département,… soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. Si, dans le délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite» ; qu'aux termes de l'article L. 1612-16 du même code : «A défaut de mandatement d'une dépense obligatoire par le maire… dans le mois suivant la mise en demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci y procède d'office. Le délai prévu à l'alinéa précédent est porté à deux mois si la dépense est égale ou supérieure à 5 % de la section de fonctionnement du budget primitif» ;

Considérant que s'il est constant que ni les dispositions susrappelées de l'article L. 1612-16, ni aucune disposition législative ne subordonne le mandatement d'office d'une dépense obligatoire à la consultation de la chambre régionale des comptes lorsque ce mandement n'implique pas, au préalable, une inscription d'office, il résulte de ce qui vient d'être dit que, lorsque les requérants ont saisi la chambre régionale des comptes d'une demande tendant à constater le caractère obligatoire de la dépense litigieuse, aucun crédit n'était plus inscrit au budget de la commune de Blotzheim permettant le règlement de celle-ci et qu'ainsi ladite dépense devait au préalable être inscrite d'office au budget ; que si, comme il a été dit ci-dessus, le préfet du Haut-Rhin avait, alors que les crédits correspondants n'avaient pas encore été supprimés, mis en demeure la commune de régler la dépense litigieuse, ce qui présuppose qu'il l'avait alors estimée obligatoire, cette appréciation est par ailleurs sans incidence sur la compétence de la chambre régionale des comptes, saisie sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1612-15, pour se prononcer sur le caractère obligatoire d'une dépense non budgétée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la chambre régionale des comptes à l'effet de déclarer non obligatoire la dépense litigieuse dès lors que le préfet du Haut-Rhin avait auparavant mis en demeure la commune de Blotzheim de la régler et que le mandatement d'office d'une dépense obligatoire relève de la compétence du seul représentant de l'Etat doit être écarté ;

En ce qui concerne la motivation de l'avis de la chambre régionale des comptes :

Considérant que l'avis querellé de la chambre régionale des comptes énonce les motifs de droit et de fait sur la base desquels il a été rendu ; que la contestation de la pertinence des éléments pris en considération pour fonder l'avis litigieux est sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de sa motivation ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'avis litigieux :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu'une dépense est obligatoire pour une commune et mettre celle-ci en demeure de l'inscrire à son budget qu'en ce qui concerne les dettes échues, certaines, liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations ; qu'il s'ensuit que la seule circonstance qu'une dépense soit due aux termes d'un acte notarié ne saurait la faire regarder comme obligatoire au sens des dispositions précitées si celle-ci fait l'objet d'une contestation sérieuse ;

Considérant, en deuxième lieu, que la chambre régionale des comptes a estimé que la créance de M. et Mme X, trouvant son origine dans la vente de leur terrain à la commune, faisait l'objet d'une contestation sérieuse de la part de celle-ci dès lors qu'elle avait entrepris devant la juridiction civile une action tendant à la nullité de la vente et qu'il existait un écart substantiel entre, d'une part, le prix fixé par l'acte de vente, soit 9 760 F l'are, et, d'autre part, l'estimation établie le 19 mars 2001 par le service des domaines, soit 504 F l'are, et la proposition formulée par la SAFER, soit 505 F l'are ; qu'en effectuant ce seul constat d'une différence considérable entre le prix consenti et le prix estimé par le service des domaines et la SAFER, la chambre régionale des comptes n'a pas porté d'appréciation sur l'opportunité de l'acquisition du terrain par l'ancienne municipalité et n'a ainsi pas outrepassé ses compétences ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en l'état des éléments qui précèdent, la chambre régionale des comptes, qui ne s'est pas bornée à constater que la créance litigieuse était contestée par la commune de Blotzheim, a pu à bon droit estimer que la dépense dont s'agit faisait l'objet d'une contestation sérieuse de la part de celle-ci et ne pouvait ainsi être regardée comme obligatoire au sens des dispositions précitées ;

Considérant, en dernier lieu, que si les requérants font valoir que la commune de Blotzheim serait infondée à contester la délibération susrappelée du 4 décembre 2000 de son conseil municipal, ne justifierait pas d'un intérêt à agir et ne pourrait invoquer l'exception d'illégalité de ladite délibération, ces moyens, qui concernent la recevabilité de l'action introduite par la commune de Blotzheim devant le juge civil pour obtenir la nullité de la vente, sont inopérants à l'appui de leur requête dirigé contre l'avis susvisé de la chambre régionale des comptes ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et a répondu à l'intégralité de leurs conclusions, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'avis susvisé de la chambre régionale des comptes d'Alsace ; qu'il s'ensuit que leurs conclusions tendant à condamner la commune de Blotzheim au paiement du prix d'achat des terrains stipulé dans l'acte de vente, assorti des intérêts moratoires, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Blotzheim, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme X la somme de 1 000 euros que demande la commune de Blotzheim au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : M. et Mme X verseront à la commune de Blotzheim une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Mario X, à la commune de Blotzheim et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

4

N° 04NC00652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00652
Date de la décision : 01/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : BOCKEL et RIVAUD SCP ; BOCKEL et RIVAUD SCP ; BOCKEL et RIVAUD SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-01;04nc00652 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award