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18/05/2006 | FRANCE | N°02NC01165

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 18 mai 2006, 02NC01165


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2002, présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., par Me Kopp, avocat au barreau de Strasbourg ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801711 du 25 juillet 2002, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 8 000 euros en application de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- la procédure d'...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2002, présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., par Me Kopp, avocat au barreau de Strasbourg ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801711 du 25 juillet 2002, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a suivi une vérification de comptabilité avec la seule copropriété du navire ..., dont le contribuable avait acquis trois parts ; le redressement des bases de l'impôt assigné à ce dernier ne résulte pas du contrôle sur pièces allégué par le service, mais de la vérification de comptabilité sus-évoquée ; par suite, chaque quirataire aurait dû recevoir un avis de vérification ;

- l'administration a méconnu son obligation d'information du contribuable prévue par l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, en ne lui communiquant que les conséquences du redressement opéré sur la comptabilité de la copropriété ;

- cette obligation d'une information complète des copropriétaires du navire résulte également des instructions 13 L-3-92 du 3 juin 1992, et 13 L-4-90 du 8 février 1990 ;

- le tribunal administratif ajoute à la loi une condition non prévue par l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa version alors applicable, en exigeant que l'exploitation du navire ait été effective ; la volonté des copropriétaires d'effectuer un investissement outre-mer, qu'ils ont financé, n'est pas contestable, et la loi ne prévoyait aucune date de mise en service, ni de durée d'exploitation de l'investissement réalisé ;

- cette interprétation de la loi fiscale est confortée par l'instruction 4 A 8-86 du 7 novembre 1986 ;

- à supposer que l'on oppose aux quirataires l'inexploitation du navire, celle-ci devrait être regardée comme un cas de force majeure ;

- l'administration ne pouvait refuser la déduction en charges, d'une facture régulière et inscrite en comptabilité par la copropriété, au titre de l'exercice 1992 ;

- le service ne pouvait imposer les recettes reversées à chaque quirataire selon sa quote-part, pour un navire réputé n'avoir jamais été exploité ; à tout le moins elle devait retenir un montant net de charges ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 10 février 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- l'administration a pu, compte tenu du régime fiscal spécifique des copropriétés de navire et des quirataires mettre en oeuvre respectivement à leur égard, une vérification de comptabilité, puis un contrôle sur pièces, avant de notifier à chaque quirataire ses propres rappels d'impôt sur le revenu ;

- l'instruction 13 L-4-90 qui concerne les sociétés de capitaux n'a pas la portée que lui donne le requérant ;

- l'article L. 48 du livre des procédures fiscales a été respecté dès lors que le contribuable a été avisé des conséquences de la vérification de comptabilité engagée envers la copropriété ;

- le contribuable ne peut bénéficier du régime fiscal prévu, pour les investissements outre-mer, par l'article 238 bis HA du code général des impôts, dès lors que le navire qu'il a financé n'a jamais été mis en exploitation effective ; cette inexploitation ne peut être regardée comme résultant d'une force majeure ;

- la dépense ayant donné lieu à l'établissement d'une facture de 1 018 420 F de la société JET SEA en 1992, n'a pas été justifiée ;

- ce refus de charges déductibles ne remet pas en cause la prise en compte des recettes inscrites également en comptabilité de la copropriété, selon une décision de gestion opposable à cette dernière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- les observations de Me Boultif, avocat de M. X ;

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a acquis le 23 décembre 1991 trois parts de la copropriété du navire ..., créée à la même date et ayant son siège en Guadeloupe ; que dans ses déclarations de revenus des années 1991 et 1992, il s'est prévalu des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts, régissant les investissements réalisés outre-mer, et a imputé sur ses bénéfices industriels et commerciaux sa quote-part des résultats de la copropriété ; qu'il a également déduit, en 1991, le prix d'achat de son quirat à hauteur de 750 000 F ; que l'administration, à l'issue d'une vérification de comptabilité a adressé à la société «JET SEA», gérante de la copropriété précitée, une notification de redressement en date du 13 décembre 1994 ; qu'après avoir procédé à un contrôle sur pièces des déclarations de M. X, le service lui a notifié des redressements relatifs à ses bénéfices industriels et commerciaux et liés à sa qualité de quirataire du navire susmentionné ; que M. X fait régulièrement appel du jugement du 25 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a refusé de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu demeurés en litige, au titre des années 1991 et 1992 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts «Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété» ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : «Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après :… 7° membres des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater» ; qu'aux termes de l'article 61 A du même code : «Les résultats à déclarer par les copropriétés mentionnées à l'article 8 quater sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction de l'amortissement du navire. Les copropriétés de navire sont tenues aux obligations qui incombent à ces exploitants» ; qu'enfin aux termes de l'article 39 E du même code : «Chaque membre des copropriétés de navire mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; pour la détermination des plus values, les amortissements pratiqués viennent en déduction du prix de revient…» ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices industriels et commerciaux imposables d'un copropriétaire de navire doivent être déterminés tout d'abord en fonction des éléments recueillis au niveau de la copropriété, laquelle doit tenir la comptabilité des opérations d'exploitation du navire, dont elle n'a que la jouissance et qui ne figure donc pas à l'actif de son bilan et ensuite au niveau du copropriétaire, lequel doit comptabiliser, outre sa quote-part des résultats de l'exploitation de la copropriété, ses propres opérations patrimoniales d'acquisition des quirats, les charges d'amortissement et le cas échéant d'emprunt supportées à ce titre, ainsi que le produit de leur cession éventuelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : «Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification…» ; que si M. X soutient que l'avis de vérification de comptabilité notifié à la copropriété du navire ... aurait dû être adressé également à chacun des quirataires, il résulte de la loi n° 65-7 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, que selon l'article 14, inclus dans le chapitre IV régissant l'exploitation des navires en copropriété : «La majorité peut confier la gestion du navire à une ou plusieurs personnes copropriétaires ou étrangères à la copropriété…» ; qu'aux termes de l'article 17 de cette loi : «Le gérant à tous pouvoirs pour agir dans l'exercice de sa mission de gestion au nom de la copropriété en toutes circonstances…» ; qu'il est constant qu'en l'espèce, les quirataires ont confié la gestion de la copropriété du navire ... à la société «JET SEA», à laquelle l'administration a adressé son avis de vérification de comptabilité ; que dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet avis de vérification aurait dû être envoyée à chacun des quirataires conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité nonobstant la circonstance que les redressements en litige sont en partie consécutifs au contrôle mis en oeuvre à l'encontre de la copropriété ;

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : «A l'issue… d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations on accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements…» ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les redressements notifiés à M. X sont consécutifs à un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus et ne peuvent être regardés comme directement fondés sur la vérification de comptabilité diligentée au niveau de la copropriété ; que par suite, le moyen tiré de ce qu'à l'occasion de la notification de redressement envoyée au contribuable, le service aurait fourni des indications incomplètes en méconnaissance de la garantie organisée par l'article L. 48 précité, est inopérant ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, le requérant oppose au service l'instruction n° 13 L-3-92 du 3 juin 1992 relative aux contrôles exercés envers les sociétés de personnes, et une note n° 13 L-4-90 du 8 février 1990 qui précise notamment, en ses paragraphes 1.1.4.3 et 1.1.4.4, les modalités des contrôles entrepris, selon les types de sociétés ; qu'il résulte des dispositions sus-rappelées régissant le régime fiscal des copropriétés de navires, que les quirataires ne peuvent être regardés comme des détenteurs de parts d'une société ; qu'il suit de là que le requérant ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de cette doctrine administrative dans les prévisions de laquelle il n'entre pas ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'imputation, au titre de l'année 1991, du prix d'acquisition de trois parts de copropriété du navire :

Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1991 : «I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe… à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité… du tourisme…» ; que sur le fondement de ces dispositions, le contribuable avait déduit de ses bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1991 le prix d'achat de son quirat dans la copropriété du navire ... ; qu'il résulte des constats, non utilement contestés, du service que ce navire, acquis en 1991, n'a pas obtenu le certificat de navigabilité à la suite d'une inspection effectuée lors de sa première venue à son port d'attache de Saint Martin (Guadeloupe) et a rejoint le chantier naval de Fort Lauderdale en Floride (USA), en vue d'aménagements adéquats ; que néanmoins ce navire n'a jamais été mis en exploitation commerciale en Guadeloupe, d'autant que la gérante, la société «JET SEA» s'est trouvée en cessation de paiements dès le 26 mars 1993 ; que dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, et sans ajouter à la loi une condition nouvelle, considérer que ce navire n'avait pu constituer un investissement productif réalisé en Guadeloupe, au sens des dispositions de l'article 238 bis HA précitées ; qu'en l'absence de toute location justifiée de ce bien, demeurent sans incidence sur le redressement opéré les circonstances que l'article 238 bis HA, dans sa rédaction applicable en 1991, ne prévoyait aucun délai pour la mise en service et la durée d'exploitation de tels investissements outre-mer, que des bénéfices ont été enregistrés par la gérante au titre de l'exercice 1992, et que les quirataires ont constamment pris toutes initiatives utiles afin de rentabiliser cet investissement, y compris après la révocation de la gérante en 1993 ; que l'échec de ce projet ne peut, en tout état de cause, être regardé comme imputable à un cas de force majeure, dès lors que l'inadéquation du navire aux normes de navigabilité et l'absence des aménagements adéquats susceptibles de régulariser cette situation, ne constituent pas des faits totalement étrangers à la copropriété ; que le requérant ne peut utilement invoquer une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, relative aux projets que leurs promoteurs n'ont pu réaliser, et qui concerne les dispositions, étrangères au cas d'espèce, relatives aux calculs de la taxe sur la valeur ajoutée récupérable par les redevables ;

Considérant enfin que l'instruction 4A-8-86 du 7 novembre 1986 relative aux investissements effectués outre-mer ne donne pas des dispositions de l'article 238 bis HA, une interprétation différente de celle sus-analysée ; qu'il résulte de ces éléments que le redressement litigieux relatif à l'année 1991, doit être confirmé ;

En ce qui concerne la quote-part des résultats de la copropriété imputée au titre de l'année 1992 :

Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité sus-évoquée, le service a réintégré dans les résultats de l'exercice 1992, de la copropriété du navire ..., une facture émise par la société «JET SEA» et enregistrée le 30 décembre 1992 comme charge déductible, à hauteur de 1 018 420 F ; que le vérificateur a refusé cette déduction après avoir constaté que la facture produite se bornait à alléguer des dépenses d'entretien et de personnel du navire, à titre de reddition de comptes de la gérante, sans aucune justification détaillée des frais ainsi mis à la charge de la copropriété ; que les bases des bénéfices industriels et commerciaux du contribuable ont été rehaussés en conséquence, au titre de l'année 1992, en proportion de son quirat ; que contrairement à ce qu'allègue le requérant, cette déduction en charges ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement en comptabilité d'une facture régulière en la forme ; qu'il incombe à tout exploitant astreint à tenir une comptabilité de justifier dans leur principe et leur montant, les charges qu'il déduit de ses résultats ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à apporter de telles justifications concernant la facture sus-évoquée ; que par ailleurs, demeure sans incidence sur ce refus de charges déductibles, la circonstance que l'administration aurait, concomitamment, omis de réviser en baisse les recettes également enregistrées par la copropriété au titre du même exercice, régies par des dispositions distinctes, et dont les charges en cause ne constituent pas un élément indissociable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaquée, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions du requérant tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à à M. Michel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

4

N° 02NC01165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01165
Date de la décision : 18/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : SCP WACHSMANN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-18;02nc01165 ?
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