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11/05/2006 | FRANCE | N°04NC00604

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 11 mai 2006, 04NC00604


Vu, I), la requête n° 04NC00604, enregistrée au greffe le 8 juillet 2004, présentée pour M. et Mme Michel X, élisant domicile ..., par Me Begin, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0001181 en date du 13 mai 2004 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré ;

2°) de condamner la commune d'Ucerey à leur verser la somme de 64 439,82 euros en réparation dudit préjudic

e ;

3°) de mettre à la charge de ladite commune une somme de 10 000 euros au titre...

Vu, I), la requête n° 04NC00604, enregistrée au greffe le 8 juillet 2004, présentée pour M. et Mme Michel X, élisant domicile ..., par Me Begin, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0001181 en date du 13 mai 2004 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré ;

2°) de condamner la commune d'Ucerey à leur verser la somme de 64 439,82 euros en réparation dudit préjudice ;

3°) de mettre à la charge de ladite commune une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que c'est à tort que le tribunal a relevé qu'ils avaient engagé les travaux au mépris des requêtes en annulation et en suspension de leur permis introduites par leurs voisins ;

- que la commune ne peut sérieusement soutenir avoir été abusée par l'erreur, au demeurant très relative et dont ils ne sont pas les auteurs, affectant les plans annexés à la demande de permis de construire ;

- qu'au demeurant, la circonstance que l'autorité administrative n'aurait disposé que d'informations imprécises ou inexactes sur la situation, la surface ou l'affectation de la parcelle concernée au regard des règles du plan d'occupation des sols, n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- qu'ils n'ont jamais eu l'intention de tromper l'administration et ont été victimes d'une instruction bâclée et de mauvais conseils dispensés par le service instructeur ;

- que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas indemnisé leur préjudice résultant des heures de travail qu'eux et leurs proches ont consacrées au projet et des frais financiers résultant de l'emprunt souscrit ;

- qu'ils sont, en outre, fondés à demander le versement d'une somme de 12 630,47 F correspondant à trois factures d'achat de matériaux devenus inutilisables, d'une somme de 78 510,60 F correspondant aux travaux de démolition de l'immeuble inachevé ainsi que d'une somme de 10 000 euros au titre des troubles de jouissance ;

Vu, II), la requête n° 04NC00624, enregistrée au greffe le 13 juillet 2004, présentée pour la COMMUNE D'URCEREY, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 3 août 2004, et élisant domicile à l'Hôtel de ville 2, rue Fernand Anthony à Urcerey (90800), par Me Branget, avocat ; la COMMUNE D'URCEREY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001181 en date du 13 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros à M. et Mme X en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge de ceux-ci une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les époux X ne sont pas fondés à demander l'indemnisation d'un quelconque préjudice, dès lors que leurs déclarations sciemment erronées ont motivé directement la requête en annulation présentée par leurs voisins ;

- que, subsidiairement, les intéressés ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement en ce qui concerne l'évaluation de leur préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2004, présenté pour M. et Mme X, par Me Begin ;

M. et Mme X concluent au rejet de la requête de la COMMUNE D'URCEREY et aux mêmes fins que leur requête n° 04NC00604 ;

Ils soutiennent que la requête de la commune est irrecevable pour défaut d'habilitation du maire à agir ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mars 2005, présenté pour la COMMUNE D'URCEREY, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient, en outre :

- que sa requête est recevable ;

- qu'elle n'a commis aucune faute en retirant le permis de construire litigieux ;

- qu'ainsi, les travaux entrepris doivent être regardés comme réalisés sans autorisation administrative préalable, alors même qu'ils ont été exécutés avant le retrait du permis de construire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2006 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X, propriétaires d'une parcelle de terrain à Urcerey, ont envisagé d'y réaliser un immeuble locatif de quatre logements ; qu'après rejet le 18 mai 1998 par le maire d'une première demande de permis de construire, motivé notamment, outre par la hauteur excessive de la construction mesurée à l'égout du toit à compter du terrain naturel et l'orientation incorrecte de l'axe des faîtages, par l'insuffisante superficie du terrain d'assiette pour y installer l'assainissement autonome prévu par le projet, les intéressés se sont proposés d'acquérir, de l'autre côté de la rue bordant leur propriété, une parcelle disposant de la superficie nécessaire à cet effet, l'acte d'acquisition étant précisé comme devant intervenir dès obtention du permis de construire ; qu'après avoir notamment fait effectuer une étude d'aptitude des sols de ladite parcelle à l'implantation du dispositif ainsi envisagé, dont les conclusions se sont révélées favorables, la SCI Alexis, représentée par M. X, a, une nouvelle fois, sollicité un permis de construire délivré le 22 octobre 1999 par la COMMUNE D'URCEREY et transféré le 28 novembre 1999 à M. X ; que ledit permis de construire, ayant donné lieu, devant le Tribunal administratif de Besançon, à trois requêtes en annulation, suspension et sursis à exécution déposées le 23 décembre 1999 par les voisins, le maire d'Urcerey a rapporté l'arrêté du 22 octobre 1999 par décision en date du 14 février 2000 ; que, saisi par les époux X d'une demande d'indemnisation de leur préjudice né de cette décision, le tribunal administratif a, par jugement du 13 mai 2004, fait partiellement droit aux conclusions des requérants ; que M. et Mme X et la COMMUNE D'URCEREY relèvent chacun appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. et Mme X et de la COMMUNE D'URCEREY sont relatives aux conséquences dommageables d'une même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête de la COMMUNE D'URCEREY :

Sur la responsabilité de la COMMUNE D'URCEREY :

Considérant, en premier lieu, que, consécutivement à un avis de la direction départementale de l'équipement, estimant fondés de nombreux moyens des requêtes susrappelées déposées par les voisins, tirés de l'incompétence de l'adjoint au maire à l'effet de délivrer le permis sollicité et de la méconnaissance du plan d'occupation des sols et de certaines de ses annexes en ce qui concerne la localisation du dispositif d'assainissement, dont il est prescrit qu'il doit être réalisé sur le fonds faisant l'objet de la construction, l'orientation des axes de faîtage et la hauteur du bâtiment à l'égout du toit, cette dernière irrégularité procédant selon le directeur départemental de l'équipement de plans inexacts fournis par le pétitionnaire, ayant déclaré le terrain d'assiette comme plat alors qu'il présentait, en réalité, une forme concave, le maire D'URCEREY a, par la décision susmentionnée du 14 février 2000, procédé au retrait du permis de construire en retenant l'ensemble de ces motifs ;

Considérant qu'il est constant que la parcelle présentait une forme concave avant l'exécution de tous travaux liés à la construction en cause ; que, toutefois, en admettant même que, comme le soutient la COMMUNE D'URCEREY, M. et Mme X aient sciemment déposé des plans inexacts à l'effet de faire apparaître le respect de la hauteur maximale de 5 mètres à l'égout du toit, une telle fausse déclaration, si elle aurait pu justifier à elle seule le retrait du permis illégalement délivré, ne faisait pas obstacle au dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire et à l'octroi d'une autorisation pour la réalisation d'un projet identique, sous la seule réserve de sa modification sur le point litigieux ; qu'en revanche, l'exigence de réaliser l'assainissement autonome sur le fonds lui-même, dont il n'est pas contesté qu'elle procède effectivement de l'annexe sanitaire au règlement du plan d'occupation des sols, s'oppose définitivement à la réalisation du projet en cause ; que, d'ailleurs, ayant déposé une nouvelle demande pour le même projet, dûment amendé en ce qui concerne la hauteur de la construction, M. X s'est vu, par décision du 2 mai 2000, une nouvelle fois opposer un refus pour méconnaissance de ladite annexe sanitaire, la parcelle acquise de l'autre côté de la rue pour y implanter le dispositif d'assainissement étant, au surplus, indiquée comme insusceptible de se prêter à cet usage en tant que classée en zone NC dont les équipements sont exclusivement réservés à l'activité agricole ; que si les intéressés ont ainsi, que cette erreur revête ou non un caractère intentionnel, commis une faute en communiquant des informations inexactes sur l'aspect naturel de leur terrain, la faute commise par la COMMUNE D'URCEREY en délivrant un permis illégal et insusceptible de régularisation concernant les règles d'implantation du dispositif d'assainissement est à l'origine de l'entier préjudice des requérants en tant qu'ayant seule pour effet de les priver définitivement de la possibilité de réaliser leur projet ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont commencé les travaux de construction ayant fait l'objet du permis de construire dès le mois de novembre 1999 et ont renoncé à les poursuivre dès notification le 24 décembre 1999 des requêtes de leurs voisins ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la requête de la COMMUNE D'URCEREY doit être rejetée et, d'autre part, que M. et Mme X sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a estimé que la faute commise par la COMMUNE D'URCEREY en délivrant un permis de construire illégal devait être atténuée par la faute qu'ils auraient eux-mêmes commise en communiquant des informations erronées ainsi que par l'imprudence dont ils auraient fait preuve en entreprenant les travaux de construction alors que trois requêtes avaient été déposées contre le permis litigieux ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X sont fondés à faire figurer dans leur préjudice indemnisable le coût de l'étude susrappelée d'aptitude du sol du terrain qu'ils ont acheté à fin d'installation d'un dispositif d'assainissement, dès lors que ces frais, s'élevant à 4 824 F, découlent directement des suggestion du service instructeur, consécutivement au refus qui leur avait été initialement opposé, notamment pour insuffisance du terrain d'assiette, de se porter acquéreur d'une parcelle à cette fin ; qu'en revanche, les intéressés ne sauraient demander l'indemnisation du coût d'acquisition et des frais d'arpentage et de bornage dudit terrain, dès lors que la COMMUNE D'URCEREY affirme sans être contredite que celui-ci, que les requérants ne précisent d'ailleurs pas vouloir revendre, a permis aux époux X d'obtenir un appartement dans une ferme qui y est contiguë ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne sont pas en droit de solliciter l'indemnisation du coût des honoraires d'architecte, constituant une dépense engagée antérieurement à l'attribution du permis de construire irrégulièrement délivré ; qu'ils sont en revanche fondés, un tel chef de préjudice étant directement lié à la faute de la commune, à demander l'indemnisation des frais d'édification et de démolition de l'immeuble dont la construction est demeurée inachevée, qui s'élèvent à 104 154,422 F pour ce qui concerne le coût d'acquisition des matériaux de construction et à 78 510,60 F au titre des frais de démolition ; qu'eu égard à ce qui précède, leur préjudice matériel indemnisable s'élève ainsi à 187 488,82 F (28 582 euros) ;

Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme X ne sont fondés à demander l'indemnisation ni des honoraires d'huissier, faute de tout justificatif de tels frais, ni du coût de l'expertise privée intervenue à seule fin d'établir le montant des dommages subis, ni du coût représentatif de la main d'oeuvre prêtée bénévolement par M. X pendant ses congés payés, ainsi que ses enfants et son père retraité ; que les requérants sont, toutefois, fondés à soutenir que l'activité inutilement déployée par M. X pour réaliser la construction en cause ainsi que les troubles de toute nature dans leurs conditions d'existence qu'ils ont subis du fait de l'abandon de leur projet ont engendré un préjudice dont il sera fait une juste appréciation en l'estimant à une somme de 7 500 euros ;

Considérant qu'il s'ensuit que les intéressés sont fondés à demander la condamnation de la COMMUNE D'URCEREY à leur verser une somme de 36 082 euros et à demander la réformation du jugement attaqué en ce sens ;

Sur les conclusions du requérant tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE D'URCEREY une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme X, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la COMMUNE D'URCEREY au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 10 000 euros que la COMMUNE D'URCEREY a été condamnée à payer à M. et Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 13 mai 2004 est portée à 36 082 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 13 mai 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La COMMUNE D'URCEREY versera à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la COMMUNE D'URCEREY et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Michel X et à la COMMUNE D'URCEREY.

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N°s 04NC00604,04NC00624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00604
Date de la décision : 11/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : BEGIN DURLOT DEVEVEY HENRY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-11;04nc00604 ?
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