La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2006 | FRANCE | N°05NC01093

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 20 avril 2006, 05NC01093


Vu le recours, enregistré le 16 août 2005, complété par un mémoire enregistré le 6 février 2006, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300405 - 0300406, en date du 3 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la S.A.S. Croixdis la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1997, 1998 et 1999, ainsi

que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a é...

Vu le recours, enregistré le 16 août 2005, complété par un mémoire enregistré le 6 février 2006, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300405 - 0300406, en date du 3 mai 2005, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la S.A.S. Croixdis la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1997, 1998 et 1999, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ;

2°) de remettre ces impositions à la charge de la S.A.S. Croixdis, à concurrence des décharges prononcées en première instance ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a admis la déduction du bénéfice imposable de la société de charges correspondant aux cotisations versées à l'association Cefilec, qui assure des actions de formation, dans le cadre du groupe « E. Leclerc », destinées en pratique aux salariés envoyés à l'étranger, alors que ces dépenses ne peuvent être regardées comme engagées dans l'intérêt direct de la société contribuable ;

- contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif, il n'est pas établi que le refus de payer ces cotisations aurait entraîné une exclusion du groupe « E. Leclerc » et la résiliation du contrat de panonceau ;

- il est établi que le paiement de ces cotisations relève pour la société d'une gestion anormale ;

- la société ne retire du paiement de ces cotisations aucun intérêt ni contrepartie directe ;

- ces cotisations ne correspondent à aucune prestation rendue par l'association Cefilec à la société Croixdis et il n'existe aucune recette taxable, reçue directement en contrepartie des sommes versées, ce qui interdit la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2006 et le 24 février 2006, présentés pour la S.A.S. Croixdis, représentée par son président en exercice, par Me Lelièvre, de la S.C.P. Dutoit-Fouques-Carluis et associés, avocat, tendant au rejet du recours du ministre et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La S.A.S. Croixdis soutient que :

- compte tenu de la spécificité du réseau des magasins « E. Leclerc » et des obligations de ses adhérents, le tribunal administratif a jugé, à bon droit, que les cotisations litigieuses avaient été versées dans l'intérêt de l'entreprise, qui bénéficie de l'expansion des activités du groupe à l'étranger, rendue indispensable par la concurrence constatée dans la grande distribution ;

- le versement de ces cotisations présente bien pour elle un intérêt, lié à la préservation de l'appartenance au « Mouvement E. Leclerc », alors que leur refus aurait constitué un motif d'exclusion du groupe et de résiliation du contrat de panonceau et que, d'ailleurs, tous les centres Leclerc ont adhéré à l'association Cefilec ;

- le versement de ces cotisations entraîne pour elle des avantages de clientèle et de prix liés au renom de l'enseigne et aux économies et ristournes obtenues grâce au référencement national et à l'utilisation des centrales d'achat à forme coopérative ;

- il existe des contreparties au paiement des cotisations, en matière économique et financière, liées à la contribution des centres exploités à l'étranger aux frais de fonctionnement des centrales d'achat et des structures de production du mouvement en France, et en matière qualitative, liées à une image dynamique du réseau susceptible en particulier d'attirer des salariés motivés et susceptibles de bénéficier de possibilités de promotion interne accrues et d'une meilleure expérience ;

- les dépenses en cause sont, pour les mêmes raisons, nécessaires au sens des dispositions de l'article 230-1 de l'annexe II au code général des impôts ;

- le désistement de l'administration dans une affaire similaire pendante devant la Cour administrative d'appel de Lyon constitue une prise de position formelle de sa part, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- elle serait fondée en tout état de cause à revendiquer le bénéfice de la jurisprudence du Conseil d'Etat selon laquelle un client de bonne foi peut déduire la taxe qui lui est facturée par une personne non assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'il n'est pas manifeste que cette dernière échappe à un tel assujettissement ;

Vu, enregistré le 20 mars 2006, le mémoire en défense complémentaire, présenté comme ci-dessus pour la S.A.S. Croixdis, tendant aux même fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires qu'elle conserve son droit à déduction des cotisations versées à l'association Cefilec nonobstant la circonstance que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle n'a pas bénéficié des prestations fournies par celle-ci ; qu'elle peut se prévaloir de ce point de vue, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative n° 3 D-4-99 du 28 septembre 1999 ;

Vu, enregistré le 22 mars 2006, le mémoire complémentaire, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, par lequel celui-ci déclare se désister purement et simplement de son recours en tant qu'il vise au rétablissement des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions supplémentaires et temporaires à cet impôt, auxquels la S.A.S Croixdis a été assujettie au titre des exercices 1997, 1998 et 1999, à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 20 029,21 euros, et maintenir pour le surplus ses précédentes conclusions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que, d'une part, la société ne pouvait ignorer et aurait dû à tout le moins s'assurer que l'association Cefilec ne lui avait pas facturé à tort la taxe sur la valeur ajoutée à raison des cotisations versées et, d'autre part, n'est en tout état de cause pas susceptible de bénéficier des prestations de formation dispensées par l'association Cefilec ;

Vu, enregistré le 24 mars 2006, le mémoire en défense complémentaire présenté comme ci-dessus pour la S.A.S. Croixdis qui prend acte du désistement de l'administration s'agissant des suppléments d'impôt sur les sociétés et persiste pour le surplus dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président ;

- les observations de Me Lelièvre, avocat de la S.A.S. Croixdis ;

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2006, présentée pour la S.A.S. Croixdis ;

Sur le désistement du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE en ce qui concerne ses conclusions relatives aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés :

Considérant que, par mémoire enregistré le 22 mars 2006, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE déclare se désister de son recours en tant qu'il vise au rétablissement des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions supplémentaires et temporaires à cet impôt, auxquels la S.A.S Croixdis avait été assujettie au titre des exercices 1997, 1998 et 1999, à concurrence de la décharge prononcée en première instance par le Tribunal administratif de Strasbourg pour le montant de 20 029,21 € ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société par actions simplifiée Croixdis, qui exploite un supermarché à Creutzwald (Moselle), sous l'enseigne « E. Leclerc », a déduit de ses résultats des exercices 1997, 1998 et 1999 les cotisations qu'elle a versées à l'association Cefilec, constituée au sein du réseau de sociétés dont elle est membre et chargée de la formation de personnels destinés notamment à être affectés dans de nouvelles unités implantées dans d'autres pays de l'Union européenne ; que, suite à un contrôle sur pièces, la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de cette association, sur laquelle la société avait exercé son droit à récupération, a fait l'objet de rappels pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait régulièrement appel du jugement du 3 mai 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a, en son article 2, accordé à la S.A.S. Croixdis la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces redressements ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271-1 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…) » ; que l'article 230-1 de l'annexe II au même code précise que « La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (…) » ;

Considérant que les dépenses en litige sont afférentes à des cotisations versées à une association ayant pour mission de former des salariés destinés à être ensuite affectés dans de nouvelles implantations du réseau « E. Leclerc » au sein d'Etats membres de l'Union européenne ; que ces actions de formation n'étaient donc pas fournies à la S.A.S. Croixdis et ne peuvent être regardées comme des services nécessaires à l'exploitation au sens des dispositions précitées de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant que la S.A.S. Croixdis ne peut utilement invoquer le désistement de l'administration dans une affaire semblable devant la Cour administrative d'appel de Lyon, qui ne saurait constituer une prise de position formelle de sa part, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant que, si la S.A.S. Croixdis soutient, en invoquant sa bonne foi, qu'elle était en tout état de cause en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été facturée par une personne non assujettie, dès lors qu'il n'était pas manifeste que celle-ci échappait à un tel assujettissement et qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la réalité d'une solution juridiquement plausible, elle ne pouvait, en sa qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et de membre de l'association Cefilec, et eu égard aux liens existant au sein du « Mouvement E. Leclerc », ignorer que ladite association était susceptible de bénéficier des exonérations de taxe prévues en faveur des organismes sans but lucratif et des organismes dispensant des prestations de formation professionnelle continue, respectivement par les articles 261-7-1° b et 261-4-4° du code général des impôts, et devait s'assurer que cette dernière ne lui avait pas facturé à tort la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations en cause ;

Considérant que, dans la mesure où, ainsi qu'il est dit ci-dessus, les prestations de formation offertes par l'association Cefilec sont destinées au personnel devant être affecté dans de nouvelles unités du groupe implantées dans d'autres pays de l'Union européenne, la société requérante n'a pas a priori vocation à en bénéficier ; qu'elle ne saurait dès lors faire valoir qu'elle pouvait déduire les cotisations versées au seul motif qu'elle était susceptible de bénéficier de ces prestations, ainsi que le prévoyait les statuts ; qu'elle ne peut en tout état de cause utilement invoquer de ce point de vue, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction n° 3 D-4-99 du 28 septembre 1999, postérieure à la période d'imposition en litige ;

Considérant que l'administration était par suite fondée à rappeler la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de l'association Cefilec que la S.A.S. Croixdis avait déduite sur le fondement des dispositions précitées de l'article 271-1 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort qu'à l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la S.A.S. Croixdis la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et à obtenir que ces impositions soient remises à la charge de ladite société ;

Sur les conclusions de la S.A.S. Croixdis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par la société Croixdis et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Il est donné acte au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE du désistement de son recours en tant qu'il concerne les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés auxquelles la S.A.S. Croixdis a été assujettie au titre des exercices 1997, 1998 et 1999.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 mai 2005 est annulé en tant qu'il a prononcé, en son article 2, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la S.A.S. Croixdis pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la S.A.S. Croixdis pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 sont remis à sa charge à concurrence de la décharge prononcée par le Tribunal administratif de Strasbourg.

Article 4 : L'Etat versera à la S.A.S. Croixdis une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A.S. Croixdis.

6

N°05NC01093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC01093
Date de la décision : 20/04/2006
Sens de l'arrêt : Désistement
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : DUTOIT, FOUQUES, CARLUIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-04-20;05nc01093 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award