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10/04/2006 | FRANCE | N°03NC00613

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 10 avril 2006, 03NC00613


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 2003 sous le n°03NC00613, présentée pour l'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE, ci-après désigné l'INRA, dont le siège est 147 rue de l'Université à Paris (75338), représenté par son directeur général en exercice, à ce habilité par délibération du conseil d'administration du 10 octobre 2002, par Me Gaucher, avocat ;

L'INRA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01302 du 15 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que le département

de Meurthe-et-Moselle soit condamné à réparer les conséquences dommageables de l'ac...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 2003 sous le n°03NC00613, présentée pour l'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE, ci-après désigné l'INRA, dont le siège est 147 rue de l'Université à Paris (75338), représenté par son directeur général en exercice, à ce habilité par délibération du conseil d'administration du 10 octobre 2002, par Me Gaucher, avocat ;

L'INRA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01302 du 15 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que le département de Meurthe-et-Moselle soit condamné à réparer les conséquences dommageables de l'accident provoqué à la suite de la soustraction frauduleuse de son véhicule par un jeune mineur dont la garde avait été confiée par le juge des enfants au département ;

2°) de condamner le département de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme de 1 026 346,70 francs (156 465,55 euros) avec intérêts à compter du 26 décembre 2000 ;

3°) de condamner le département de Meurthe-et-Moselle à lui verser 10 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le département de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui verser la somme de 1 026 346,70 francs qu'il a été amené à payer à Mme X, M. Y et à la CPAM en réparation des conséquences dommageables de l'accident provoqué par un véhicule automobile lui appartenant qui avait été dérobé par M. Jessy Z et Mlle Kolli A dont la garde avait été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle en vertu d'une ordonnance du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Nancy du 24 mars 1995 en application de l'article 375 du code civil ;

- le département de Meurthe-et-Moselle est civilement responsable de cet accident nonobstant la circonstance que la garde de la jeune mineure Kolli A avait été placée au foyer Clairval géré par l'association REALISE ;

- la responsabilité du département de Meurthe-et-Moselle doit être retenue sur le fondement du risque, subsidiairement sur le fondement de la présomption de faute ou sur celui de la faute en raison des négligences du département dans sa mission de surveillance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2003, présenté pour le département de Meurthe-et-Moselle, représenté par le président du conseil général en exercice, à ce habilité par délibération de la commission permanente du conseil général du 4 juillet 2003, par Me Tadic, avocat ;

Le département de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'INRA à lui verser 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable faute d'être motivée et de comporter un moyen d'appel de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur les erreurs qu'auraient pu commettre les premiers juges ;

- la requête d'appel de l'INRA est également irrecevable faute pour l'INRA de justifier d'un intérêt lui donnant encore qualité pour agir, dans la mesure où par jugement du 22 mars 2001, le juge judiciaire a condamné l'association REALISE et son assureur, la société Winterthur, à le garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme X, M. Y ;

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de l'INRA ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les mémoires enregistrés les 12 janvier 2004 et 23 septembre 2005, présentés par l'INRA qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il conclut, en outre, au rejet des fins de non recevoir qui ont été opposées à la requête et soutient que la responsabilité sans faute du département de Meurthe-et-Moselle est engagée dès lors que le juge des enfants lui a confié la garde d'un mineur dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil ;

Vu, enregistré le 20 janvier 2006, le mémoire présenté pour le département de Meurthe-et-Moselle, représenté par le président du conseil général, par Me Tadic, avocat qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Il soutient que la mineure, auteur de l'accident, avait bien été confiée par ordonnance du juge des enfants au service départemental des affaires sociales en souhaitant son placement au foyer Clairval qui dépend de l'association REALISE qui a une personnalité morale et juridique distincte de celle du département ; que seule cette association avait la garde de la mineure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles 375 à 375 ;8 du code civil ;

Vu l'ordonnance n° 2000 ;916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001 ;373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2006 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, premier conseiller,

- les observations de Me Gaucher, avocat de l'INRA, et de Me Tadic, avocat du département de Meurthe-et-Moselle

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la jeune A Kolli a été confiée par le juge des enfants de Nancy, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prévue par les articles 375 et suivants du code civil, au service départemental des affaires sociales de Meurthe et Moselle ; que l'ordonnance, intervenue le 24 mars 1995 précisait « avec souhait de son accueil au foyer Clairval » lequel est géré par l'association Réalise ; qu'après avoir fugué de ce foyer d'accueil, la jeune mineure Kolli a provoqué, le 9 avril 1995, un grave accident de la route alors qu'elle circulait à bord d'un véhicule volé appartenant à l'INRA, en blessant grièvement Mme X et M. Y qui se reposaient sur un banc après avoir effectué un jogging dans le parc de la Sapinière à Laxou ; que l'INRA, qui a été condamné à indemniser les victimes des conséquences dommageables de cet accident sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 par un jugement du Tribunal de grande instance de Nancy du 22 mars 2001, fait appel du jugement du 18 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que le département de Meurthe-et-Moselle soit déclaré responsable des conséquences dommageables de cet accident et condamné à lui verser la somme de 1 026 346,70 francs qu'il avait été amené à verser aux victimes de l'accident et à la CPAM ;

Sur les fins de non recevoir opposées à la requête d'appel par le département de Meurthe-et-Moselle :

Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La requête … contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge … » ; que, contrairement à ce que soutient le département de Meurthe-et-Moselle, la requête de l'INRA ne se borne pas à se référer à sa demande de première instance mais comporte une critique du motif retenu par les premiers juges pour rejeter sa demande en faisant valoir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que la responsabilité du département ne pouvait être recherchée dès lors que la garde de la jeune mineure avait été transférée à l'association REALISE ; qu'il suit de là, que la fin de non recevoir tirée d'une insuffisante motivation de la requête d'appel doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, que l'intérêt à agir s'apprécie par rapport à l'objet de la demande ; que la circonstance que l'INRA, assigné devant le juge judiciaire pour réparer les conséquences dommageables de l'accident occasionné par son véhicule aux victimes de l'accident, ait appelé l'association REALISE et son assureur la société Winterthur à les garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre par le Tribunal correctionnel, ne le prive pas de son intérêt à agir à l'encontre du département de Meurthe-et-Moselle en recherchant sa responsabilité administrative devant la juridiction administrative ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la décision, par laquelle un juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée, la responsabilité d'organiser, diriger, contrôler la vie de ce mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont un département se trouve investi lorsqu' un mineur a été confié à un service qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que si le juge des enfants a la faculté d'assortir la remise d'un mineur au service départemental de l'aide sociale à l'enfance auquel il en confie la garde d'un souhait concernant l'établissement dans lequel il sera placé, une telle circonstance demeure sans incidence sur la responsabilité de plein droit qui incombe au département à raison des faits dommageables commis par ce mineur effectivement placé dans l'établissement ainsi mentionné, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu la mission éducative confiée au département ; qu'ainsi, en vertu des principes énoncés ci-dessus, le département de Meurthe et Moselle, à qui la garde de la jeune A Kolli avait été confiée, par une décision du juge des enfants de Nancy, doit être regardé comme investi de la responsabilité d'organiser, contrôler et diriger à titre permanent le mode de vie de ce mineur à la date du sinistre, nonobstant la circonstance que ladite décision indiquait « avec souhait de son accueil au foyer Clairval », ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus ; qu'il suit de là, que l'INRA est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur l'unique moyen tiré de ce que la garde de la mineure avait été transférée à l'association REALISE, gestionnaire du foyer, pour rejeter sa demande, et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué et la condamnation du département de Meurthe-et-Moselle à réparer l'intégralité du préjudice financier qu'il a supporté ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'INRA est fondé à demander la condamnation du département de Meurthe-et-Moselle à l'indemniser à concurrence de la somme de 1 026 364, 70 francs (156 465,55 euros) au titre des sommes qu'il a été condamné à verser aux victimes et à la CPAM, majorée des intérêts légaux à compter du 26 décembre 2000 ; qu'il y a lieu, toutefois, de subordonner le paiement de cette indemnité et des intérêts à la subrogation du département de Meurthe-et-Moselle à concurrence de la somme correspondante, dans les droits que l'INRA tiendrait à concurrence des condamnations que les tribunaux judiciaires pourraient prononcer à son profit en raison de l'appel en garantie qu'il a formé devant elles contre l'association REALISE et son assureur, la société Winterthur ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de Meurthe-et-Moselle à payer à l'INRA la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur le même fondement par le département de Meurthe-et-Moselle doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 15 juin 2003 est annulé.

Article 2 : Le département de Meurthe-et-Moselle est condamné à verser à l'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE la somme de 156 465,55 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2000.

Article 3 : Le paiement de l'indemnité et de ses intérêts est subordonné à la subrogation du département de Meurthe-et-Moselle à concurrence de la somme correspondante, dans les droits que l'INRA tiendrait à concurrence des condamnations que les tribunaux judiciaires pourraient prononcer à son profit en raison de l'appel en garantie qu'il a formé devant elles contre l'association REALISE et son assureur, la société Winterthur.

Article 4 : Le département de Meurthe-et-Moselle versera à l'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du département de Meurthe-et-Moselle tendant à l'application des disposition de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE et au département de Meurthe-et-Moselle.

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03NC00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC00613
Date de la décision : 10/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : SCP GAUCHER - DIEUDONNE - NIANGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-04-10;03nc00613 ?
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