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30/03/2006 | FRANCE | N°03NC00243

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 30 mars 2006, 03NC00243


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 mars 2003, présentée pour M. Gérard X, élisant domicile ..., par Me Avitabile, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902099 en date du 7 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1991 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition et des pénalités y afférentes restant en litige ;

3°) de condamner l'E

tat à lui rembourser les sommes versées, assorties des intérêts moratoires ;

4°) de conda...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 mars 2003, présentée pour M. Gérard X, élisant domicile ..., par Me Avitabile, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902099 en date du 7 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1991 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition et des pénalités y afférentes restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes versées, assorties des intérêts moratoires ;

4°) de condamner l'Etat aux frais et dépens ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de réponse à un moyen ,

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité du fait de la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité sans envoi préalable d'un avis de vérification ;

- la notification de redressement qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été informé de la nature et de la teneur des informations obtenues de tiers avant la mise en recouvrement :

- en matière de bénéfices industriels et commerciaux, le caractère effectif des recettes redressées n'est pas établi ;

- il en est de même en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

- il n'est pas établi qu'il y a eu cession de clientèle à la société Nickel, de nature à avoir dégagé une plus-value imposable ;

- les pénalités de mauvaise foi ne sont pas justifiées à son égard ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens invoqués par M. X n'est fondé, et tendant, par la voie d'un recours incident, à l'annulation du jugement du 7 janvier 2003, en tant qu'il a, en son article 2, substitué aux pénalités de mauvaise foi les intérêts de retard, et à ce que M. X soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991 à hauteur des pénalités déchargées en première instance, par le motif qu'il n'était pas nécessaire d'établir la mauvaise foi de M. X lui-même, qui était tenu solidairement au paiement de l'impôt en tant qu'époux de Mme X ;

Vu la lettre en date du 10 février 2006 par laquelle le président de la deuxième chambre de la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de fonder sa décision, sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. X tendant au remboursement des sommes versées avec des intérêts de retard, à défaut de litige né et actuel sur ce point avec le comptable chargé du recouvrement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Gérard X s'est vu assigner une cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1991, à la suite d'un contrôle sur pièces de l'entreprise individuelle de nettoyage industriel, à l'enseigne «Jocker», exploitée par son épouse, dont il est divorcé depuis 1994 ; que M. X fait régulièrement appel du jugement en date du 7 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg ne lui a accordé que la décharge des pénalités de mauvaise foi dont était assortie une partie des impositions en litige ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, si M. X soutient que le jugement ne serait pas suffisamment motivé, il ressort de l'examen de celui-ci que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par le requérant, s'est prononcé sur l'ensemble des moyens invoqués et, en particulier, sur le moyen tiré de ce qu'une procédure de vérification de comptabilité aurait été engagée sans l'envoi préalable d'un avis de vérification, en relevant que l'intéressé n'établissait pas l'engagement d'une telle vérification à l'encontre de l'entreprise individuelle de Mme X ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que si M. X, qui reprend sur ce point son argumentation de première instance, fait valoir que la procédure a été irrégulière du fait de l'engagement d'une procédure de vérification de comptabilité à l'encontre de l'entreprise individuelle de Mme X, sans l'envoi préalable d'un avis de vérification, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient commis, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, une erreur en écartant ce moyen ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : «L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…)» ;

Considérant que, par la notification adressée le 25 octobre 1994 à M. et Mme X, l'administration a informé ces derniers des redressements en litige, en se référant aux motifs de la notification de redressement adressée le même jour à Mme X en sa qualité d'exploitante individuelle de l'entreprise «Jocker» ; que la motivation d'une notification par référence à une autre notification est admise si le document auquel se réfère l'administration était lui-même suffisamment motivé ;

Considérant que la notification de redressement adressée le 25 octobre 1994 à Mme X indiquait avec une précision suffisante le montant et les motifs des redressements opérés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et en matière de plus-value sur cession de clientèle ; qu'elle répondait ainsi à l'exigence de motivation résultant des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la notification de redressement du même jour, adressée à M. et Mme X, qui fait référence à cette notification de redressement, doit également être regardée comme suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'examen des mêmes notifications de redressement que ces documents contenaient des informations suffisantes sur l'origine et la teneur des éléments recueillis dans la comptabilité de la société Nickel ainsi que leurs conséquences pour les impositions en litige ; qu'ainsi, les contribuables ont, en tout état de cause, été régulièrement mis à même de demander la communication des documents en cause ;

Sur le bien-fondé des redressements :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

Considérant que M. X ne peut utilement contester le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par l'entreprise dans la mesure il n'est pas solidairement redevable de cette taxe et où l'incidence des redressements dont s'agit sur les bénéfices industriels et commerciaux est nulle en raison de l'application du mécanisme de la cascade prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le montant des recettes redressées :

Considérant que la vérification de comptabilité de la société Nickel a révélé que cette dernière avait payé des prestations de service à l'entreprise individuelle de Mme X, liées à l'utilisation du personnel de celle-ci pendant la période du 1er mars au 31 juillet 1991, pour un montant de 285 452 F ; que l'administration fait état de virements bancaires d'un montant de 84 000 F le 12 mars 1991, 37 000 F le 17 avril 1991, 95 000 F le 10 juin 1991 et 70 000 F le 13 juin 1991, soit au total 286 000 F, somme sur laquelle elle n'a retenu que la somme susmentionnée de 285 452 F correspondant au prix TTC des prestations en litige ; que M. X, qui ne peut utilement faire valoir que le montant des versements dont s'agit dépasse le montant redressé au titre du paiement de la prestation de service en litige, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la réalité de ces versements ; que, s'il soutient par ailleurs que l'administration n'établit pas la ventilation de ces versements entre les exercices 1990-1991 et 1991-1992, il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à contredire la répartition à laquelle a procédé l'administration ;

En ce qui concerne la plus-value sur cession de clientèle :

Considérant que, pour établir qu'une cession de clientèle est intervenue en 1991 de la part de l'entreprise «Jocker» au bénéfice de la société Nickel, pour un montant de 568 000 F, l'administration se fonde sur une déclaration de mutation établie le 1er septembre 1994 et contresignée par Mme X ; que, toutefois, M. X produit au dossier une attestation du gérant de la société Nickel, qui était également le comptable de Mme X, par laquelle celui-ci reconnaît avoir lui-même signé ce document en imitant la signature de Mme X, afin d'éviter que l'imposition soit mise à la charge de la société Nickel ; qu'en effet, la signature figurant sur cet acte de cession ne correspond pas à celle de Mme X telle qu'elle figure sur divers autres documents produits au dossier et en particulier celle portée par l'intéressée sur l'acte d'acquiescement, daté du 23 août 1994, au jugement de divorce entre M. et Mme X, prononcé par le Tribunal de grande instance de Colmar ; qu'en outre, il n'apparaît pas que l'acte de cession dont s'agit a été dûment enregistré ; que, dans ces conditions, ce document ne saurait suffire à établir la réalité de la cession de clientèle en litige qui aurait donné lieu au paiement d'une somme de 568 000 F ; que la circonstance, dont fait état la notification de redressement adressée à Mme X, que la société Nickel aurait assuré des prestations de nettoyage industriel chez le seul client de l'entreprise «Jocker» dès le 1er janvier 1991 ne permet pas davantage d'établir la réalité de la cession de clientèle ; qu'enfin, si l'administration fait valoir devant le juge d'appel que le redressement est également fondé sur des éléments tirés de la comptabilité de la société Nickel, elle ne fournit aucune précision sur la nature de ces éléments ; qu'ainsi, M. X est fondé à demander la décharge des impositions relatives à ce chef de redressement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1991, à concurrence de la part de ces cotisation et pénalités correspondant à l'imposition de cette plus-value sur cession de clientèle d'un montant de 568 000 F ; que, pour le surplus, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. X tendant au remboursement des sommes versées assorties des intérêts de retard :

Considérant qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable chargé du recouvrement de l'impôt pour lequel la décharge est accordée et le requérant, concernant les sommes acquittées à tort et les intérêts qui doivent lui être payés d'office en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, les conclusions sus-analysées ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions incidentes du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant que le ministre demande à la cour, par la voie du recours incident, l'annulation de l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, en date du 7 janvier 2003, qui a substitué les intérêts de retard aux pénalités de mauvaise foi appliquées par l'administration, et le rétablissement de M. X au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991 à hauteur des pénalités ainsi déchargées en première instance ; que, toutefois, lesdites pénalités de mauvaise foi n'avaient été appliquées qu'au redressement relatif à la plus-value sur cession de clientèle ; qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, M. X doit être déchargé de la cotisation supplémentaire à laquelle il a été assujetti correspondant à ce chef de redressement ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur lesdites conclusions incidentes du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de mille euros au titre des frais exposés par M. X en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X est déchargé de la cotisation à l'impôt sur le revenu et pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1991 à concurrence de la part de ces cotisation et pénalités correspondant à l'imposition d'une plus-value pour cession de clientèle d'un montant en base de 568 000 F.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 7 janvier 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions incidentes présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .

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N° 03NC00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC00243
Date de la décision : 30/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : SELASA J.L.A

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-03-30;03nc00243 ?
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