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02/02/2006 | FRANCE | N°03NC00993

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 02 février 2006, 03NC00993


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2003, présentée pour M. et Mme André X, élisant domicile ..., par Me Gaucher, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-469 du Tribunal administratif de Nancy du 24 juin 2003 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande en réparation du préjudice subi du fait du glissement de terrain ayant affecté la parcelle dont ils avaient fait l'acquisition en vue d'édifier leur habitation ;

2°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 47 400 euros avec intérêts à compter du

17 décembre 2001, date de leur demande préalable ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2003, présentée pour M. et Mme André X, élisant domicile ..., par Me Gaucher, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-469 du Tribunal administratif de Nancy du 24 juin 2003 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande en réparation du préjudice subi du fait du glissement de terrain ayant affecté la parcelle dont ils avaient fait l'acquisition en vue d'édifier leur habitation ;

2°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 47 400 euros avec intérêts à compter du 17 décembre 2001, date de leur demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une faute en accordant le permis de construire sans réserves et sans prescriptions spéciales relatives au glissement de terrain susceptible de survenir ;

- que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'ils avaient eux-mêmes commis une faute, dès lors qu'il ne leur incombait ni de faire effectuer des recherches particulières sur la stabilité de leur parcelle ni de prendre des précautions lors de l'exécution des travaux ;

- que les fautes commises par le lotisseur ne sauraient exonérer l'Etat de sa responsabilité ;

- que leur préjudice, constitué par le prix du terrain les frais de banque, d'études géologiques, les frais engagés pour la construction et l'aménagement du futur pavillon, les frais engagés pour les travaux ainsi que les frais divers, s'élève à 47 400 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2005, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

Le ministre conclut :

- d'une part, au rejet de la requête ; à cette fin, il soutient que les moyens exposés par les requérants sont infondés ;

- d'autre part, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué et au rejet de la demande des requérants devant le Tribunal administratif de Nancy ; à cette fin, il soutient que l'état actuel du terrain est sans lien avec les faits engageant la responsabilité de l'Etat, que les requérants ne peuvent prétendre obtenir le remboursement du prix d'acquisition d'un terrain dont ils demeurent propriétaires, que les justificatifs produits concernant les travaux de terrassement ne correspondent pas à des frais supplémentaires découlant des glissements de terrain et que les autres frais invoqués ne font l'objet d'aucun justificatif et sont au demeurant sans lien avec la faute reprochée à l'Etat ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 août 2005, présenté pour M. et Mme X, qui concluent en outre au rejet de l'appel incident du ministre ;

Ils soutiennent en outre qu'ils établissent que leur terrain est invendable et qu'ils justifient des autres chefs de préjudice qu'ils invoquent ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour, portant clôture de l'instruction à compter du 10 août 2005 à 16 heures ;

Vu la correspondance en date du 3 novembre 2005 par laquelle le président de la première chambre de la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de celle-ci était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2006 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Niango, avocat de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X ont acquis le 28 avril 2000 un terrain constituant le lot ... du lotissement «...» autorisé le 24 décembre 1999 ; que le maire de la commune de ... a, par décision prise au plus tard le 27 août 2000, accordé aux intéressés au nom de l'Etat le permis de construire un immeuble à usage d'habitation sur ladite parcelle ; que, toutefois, un glissement de terrain étant survenu dès les premiers terrassements et s'étant ultérieurement développé, de sorte que la parcelle est devenue inconstructible, les intéressés ont recherché la responsabilité de l'Etat ; que M. et Mme X relèvent appel du jugement en date du 24 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à leur requête en considérant que la responsabilité de l'Etat n'était engagée qu'à hauteur du quart du préjudice subi, cependant que le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer effectue appel incident en demandant le rejet de la demande des requérants devant le tribunal administratif en tant que le préjudice indemnisé serait soit dépourvu de lien de causalité avec la faute reprochée à l'Etat, soit non assorti des justificatifs propres à en prouver la réalité ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'il résulte des motifs non contestés retenus par les premiers juges que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en accordant le permis de construire en cause sans réserves et sans prescriptions particulières en ce qui concerne le risque ressortant de l'«atlas des glissements de terrain» rédigé en décembre 1999 ;

Considérant, en premier lieu que, s'il ressort des pièces du dossier que les requérants n'ont pas engagé de mesures conservatoires avant même l'intervention de l'expert, et, alors que la parcelle était encore constructible lors de la première réunion sur place avec l'expert le 12 janvier 2001, n'ont pas suivi les préconisations formulées par ce dernier pour empêcher le développement du glissement de terrain, de sorte que, lors de la seconde réunion organisée le 16 mars 2001, le terrain était devenu inconstructible, sauf à mettre en oeuvre des moyens d'investigation et des dispositions constructives particulièrement lourds, leur responsabilité ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être engagée de ce chef, dès lors qu'ils ont cessé tous travaux de terrassement dès l'apparition des premiers éboulements, ont pris toutes dispositions utiles pour s'enquérir de la cause des désordres et qu'il n'est enfin pas établi qu'ils auraient pu en pratique parer efficacement à leur généralisation eu égard à leur qualité de simples particuliers et à la rapidité de l'extension du glissement de terrain ; que M. et Mme X sont ainsi fondés à demander à être exonérés de toute responsabilité et à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce sens ;

Considérant, en second lieu, qu'il incombe au lotisseur de veiller aux éventuels vices du sol ; que si ce dernier a ainsi engagé sa responsabilité en s'abstenant de se conformer à cette obligation, la faute ainsi commise est toutefois distincte de celle susrappelée commise par les services compétents de l'Etat ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander que la part de responsabilité incombant au lotisseur soit supportée par l'Etat ; que les premiers juges ont sur ce point effectué une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que la faute commise par le lotisseur devait atténuer à concurrence de moitié la responsabilité encourue par l'Etat ; qu'il s'ensuit que les requérants sont seulement fondés à demander que la part de responsabilité de l'Etat soit portée de 25 % à 50 % ;

Sur le préjudice :

Considérant que si les requérants sont fondés à soutenir avoir subi un préjudice résultant de l'abandon du projet de construction, ils précisent avoir mis le terrain d'assiette en vente pour la somme de 12 150 euros (79 699 F) et n'établissent pas que le terrain, ultérieurement nivelé et drainé, serait devenu invendable ; que, par suite, leur préjudice doit être évalué à la seule différence entre le prix d'achat frais compris dudit terrain et le prix de vente susrappelé, soit une somme de 104 251 F ; que les requérants sont également fondés à demander l'indemnisation des frais de l'étude pédologique réalisée en février 2000 en vue de la réalisation du réseau d'assainissement, s'élevant à 2 171 F, ainsi que des frais d'huissier encourus pour constater l'étendue des désordres, s'élevant à 1 660 F, des frais s'élevant à 21 815 F encourus en juillet et août 2000 pour la location d'une mini pelle et les travaux de terrassement, engagés en pure perte, et des frais facturés le 31 mai 2001 correspondant au remblaiement de la parcelle avec création d'un drain, s'élevant à 23 920 F ; que les requérants font de même valoir à juste titre que les frais afférents à l'emprunt souscrit pour construire leur maison, s'élevant à 35 121 F y compris les frais de dossier et de caution, présentent un lien de causalité avec la faute de l'Etat ;

Considérant en revanche que les requérants ne sont pas fondés à demander le remboursement des acomptes qu'ils auraient versés pour l'ameublement de la cuisine et de la salle de bains, l'installation de la cheminée et l'achat de matériaux chez Point P et Batigro, ces dépenses n'étant assorties d'aucune justification, de même que le remboursement des frais d'avocat, qui fait l'objet de conclusions distinctes de leur part auxquelles le tribunal a répondu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable doit être arrêté à la somme de 188 938 F (28 803 euros) ; qu'il s'ensuit que si le ministre chargé de l'équipement est fondé à faire valoir que les premiers juges ont effectué une évaluation excessive du préjudice subi, le montant de l'indemnité que l'Etat doit être condamné à verser aux requérants doit néanmoins être porté à 14 401,50 euros eu égard au partage de responsabilité retenu ci-dessus ;

Sur les intérêts :

Considérant que les requérants ont sollicité des premiers juges que les intérêts légaux afférents à l'indemnité à leur verser courent à compter du jour de l'enregistrement de leur requête ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à cette demande ; qu'il s'ensuit que les intéressés ne sont pas recevables à demander pour la première fois en cause d'appel à ce que lesdits intérêts courent à compter de la date de réception de leur réclamation préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens :

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 9 528 euros que l'Etat a été condamné à verser par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 24 juin 2003 est portée à 14 401,50 euros.

Article 2 : Le jugement susrappelé du Tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté ainsi que l'appel incident du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme André X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

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N° 03NC00993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC00993
Date de la décision : 02/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : SCP GAUCHER - DIEUDONNE - NIANGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-02-02;03nc00993 ?
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