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19/01/2006 | FRANCE | N°02NC00312

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 19 janvier 2006, 02NC00312


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 mars 2002, complétée par des mémoires enregistrés les 20 janvier 2003 et 8 décembre 2005, présentée pour M. Philippe X, élisant domicile ..., par Me Bouveresse de la SCP Bouveresse-Leroux, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900600 en date du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1995 et à ce que soit

mise à la charge de l'Etat une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 mars 2002, complétée par des mémoires enregistrés les 20 janvier 2003 et 8 décembre 2005, présentée pour M. Philippe X, élisant domicile ..., par Me Bouveresse de la SCP Bouveresse-Leroux, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900600 en date du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1995 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) à titre subsidiaire de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, sa réclamation n'était pas tardive pour ce qui concerne les années 1990, 1991 et 1992 ;

- la réponse à ses observations n'était pas suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les documents transmis par son ex-épouse auraient dû lui être communiqués ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration ;

- il avait la charge exclusive de ses deux enfants pendant les années en cause ;

- à titre subsidiaire, il y avait lieu de déduire de ses revenus imposables les charges effectives qu'il avait assumées pour ses deux enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 13 juin 2002 et 28 mars 2003 pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens présentés par M. X n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2005 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Philippe X, qui a deux enfants nés les 2 octobre 1978 et 11 janvier 1980, a divorcé en 1987 ; que, suite à un contrôle sur pièces de ses déclarations fiscales, l'administration a remis en cause le quotient familial de 2,5 parts résultant de ses déclarations et l'a ramené à 1 part, pour chacune des années 1990 à 1995 ; que M. X fait régulièrement appel du jugement en date du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été en conséquence assujetti au titre de ces années 1990 à 1995 ;

Sur la recevabilité des demandes présentées en première instance par M. X relatives aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1990, 1991 et 1992 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 (...) ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ; qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ; qu'aux termes de l'article L. 169 du même livre : Pour l'impôt sur le revenu (...) le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ;

Considérant que, par lettre du 27 décembre 1996, intitulée mémoire interruptif de prescription, M. X a contesté les impositions qui ont été redressées en 1993 et mises en recouvrement en 1994, qui correspondent aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1990, 1991 et 1992 ; que cette réclamation a eu pour effet d'interrompre le délai de réclamation à l'égard desdites impositions ; que, dès lors, le Tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement d'irrégularité en déclarant irrecevables, du fait de la tardiveté de sa réclamation présentée le 28 décembre 1998, les conclusions de M. X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ; que, dès lors, ce jugement doit, dans cette mesure, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande relative à ces trois années 1990 à 1992, présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Sur les conclusions principales de M. X à fin de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1990 à 1995 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : La notification de redressement prévu par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la notification de redressement qui lui a été adressée, datée du 25 novembre 1996 et qu'il a reçue le 27 novembre 1996, M. X a fait connaître à l'administration, par courrier du 26 décembre 1996, ses observations sur les redressements envisagés ; que, dans sa réponse, en date du 21 janvier 1997, l'administration, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable, a répliqué à ses observations en lui indiquant les raisons pour lesquelles les redressements étaient maintenus ;

Considérant que, si M. X soutient qu'il n'a pas été fait réponse à toutes ses observations, plus développées dans un courrier du 27 décembre 1996, reçu par l'administration le 31 décembre 1996, il relève lui-même que ce courrier était constitutif d'une réclamation contentieuse ; que le moyen est ainsi inopérant ;

Considérant, en second lieu, que, pour procéder aux redressements en litige, l'administration ne s'est fondée que sur les pièces du propre dossier fiscal de l'intéressé et sur le jugement du Tribunal de grande instance de Montbéliard, en date du 18 décembre 1987, prononçant son divorce ; que, dans ces conditions, M. X n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière et contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que l'administration aurait refusé de lui communiquer les pièces du dossier fiscal de son ex-épouse ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 193 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable (...) est, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable (...) ; qu'aux termes de l'article 194 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est fixé comme suit : / Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge ... 1 / (...) Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge ... 2,5 / (...) En cas d'imposition séparée des époux par application de l'article 6-4, chaque époux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il a la garde (...) ; que pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, le seul critère d'attribution de la majoration du quotient familial prévu au premier alinéa de l'article 194 de ce code est celui de la répartition, entre deux parents distinctement imposés, de la charge effective d'entretien et d'éducation des enfants mineurs nés de leur union ; que, pour la preuve de cette répartition, le contenu du jugement de divorce ou toute convention conclue par les parents homologuée par le juge judiciaire et stipulant leurs contributions respectives à la couverture de cette charge fait foi jusqu'à preuve contraire ; qu'en cas de répartition de la charge effective de façon inégale entre les deux parents, le bénéfice de la majoration du quotient familial est acquis à celui d'entre eux qui justifie supporter la part principale de cette charge, quels que soient tant les modalités de résidence de cet enfant chez ses parents que le mode d'exercice de l'autorité parentale ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, la charge lui incombe d'apporter la preuve qu'il remplit en l'espèce les conditions indiquées ci-dessus pour prétendre à un quotient familial de 2,5 parts pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre des années en cause ;

Considérant que le jugement du Tribunal de grande instance de Montbéliard, en date du 18 décembre 1987, prononçant le divorce des époux X, confie aux deux parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale mais fixe expressément la résidence habituelle des deux enfants du couple chez leur mère et prévoit le versement d'une pension alimentaire par le père, à hauteur d'une somme mensuelle de 1 000 F par enfant ; que, si M. X affirme prendre à sa charge l'essentiel des frais d'entretien des enfants, les héberger pour les repas de midi pendant la période scolaire, ainsi que le dimanche soir lorsqu'ils ont passé le week-end chez lui, et qu'un des deux enfants serait hébergé chez lui deux fois par semaine depuis 1993, ces faits ne sont justifiés par aucune pièce de nature à en établir la réalité pendant les années en cause ; qu'ainsi, M. X n'établit pas qu'il supportait, au-delà des obligations lui incombant en application du jugement de divorce susmentionné, la charge de l'entretien et de l'éducation de ses deux enfants dans une proportion plus importante que son ex-épouse ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le quotient familial de M. X, en le ramenant de 2,5 parts à 1 part ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est ni fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992, ni fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 27 décembre 2001, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 à 1995 ;

Sur les conclusions subsidiaires présentées en appel par M. X à fin de réduction des cotisations supplémentaires mises à sa charge :

Considérant que M. X demande en appel à titre subsidiaire et de compensation, que les charges qu'il a assumées pour l'entretien de ses enfants soit déduites de ses revenus imposables ;

Considérant qu'aux termes du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, sont déductibles du revenu global imposable du contribuable les pensions alimentaires répondant aux conditions prévues par les articles 205 à 211 du code civil et les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce ; que ces dispositions impliquent qu'en cas de divorce, seules les sommes versées en vertu d'une décision de justice peuvent être prises en compte, à l'exclusion de tout autre droit à déduction des dépenses exposées en faveur du ou des enfants par celui des parents qui n'en a pas la garde ;

Considérant que, pour ce qui concerne la pension alimentaire mensuelle qu'il a versée pour l'entretien de ses enfants, en application du jugement susmentionné du Tribunal de grande instance de Montbéliard en date du 18 décembre 1987, les sommes correspondantes ont déjà été déduites du revenu imposable de M. X par l'administration fiscale, en compensation de la remise en cause du quotient familial appliqué ; que, pour le surplus, à supposer établi que M. X assumait des charges en argent ou en nature au-delà du montant de cette pension alimentaire, il ne peut, en application des dispositions susmentionnées du code général des impôts, en demander la déduction de son revenu imposable ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9900600 du Tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevable la demande de M. X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 02NC00312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00312
Date de la décision : 19/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : SCP BOUVERESSE - LEROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-01-19;02nc00312 ?
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