La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2006 | FRANCE | N°01NC01020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 12 janvier 2006, 01NC01020


Vu la requête, enregistrée au greffe le 18 septembre 2001 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Jackie X, élisant domicile ... (39210), par Me Dufay, avocat ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1019 du 12 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à condamner l'Etat à leur verser la somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 100 000 francs (15 244,90 €) en réparation du préjudice subi ;

3°) d'

enjoindre au préfet du Jura de faire respecter sous astreinte la réglementation en matière de...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 18 septembre 2001 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Jackie X, élisant domicile ... (39210), par Me Dufay, avocat ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1019 du 12 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à condamner l'Etat à leur verser la somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 100 000 francs (15 244,90 €) en réparation du préjudice subi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de faire respecter sous astreinte la réglementation en matière de boisements par les propriétaires des parcelles ... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 francs (1 219,59 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que la plantation de résineux sur certaines parcelles environnantes de la leur méconnaît la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, la loi du 2 mai 1930 sur la protection des sites, le règlement de la zone d'environnement protégée de la Haute-Seille et le cahier des charges de la ZPPAU de ... ;

- qu'ils établissent que les arbres considérés ont été plantés et que l'administration a été informée de ces plantations dès le début des années 1980 ;

- que la responsabilité de l'Etat est ainsi engagée au titre d'un manquement fautif dans le contrôle des boisements ;

- que les nuisances subies, consistant notamment en perte d'ensoleillement et de vue, justifient leur demande indemnitaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2002, présenté pour le ministre de la culture et de la communication ;

Le ministre conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- subsidiairement, en cas d'annulation du jugement et d'évocation de l'affaire au fond, à ce que son département ministériel soit mis hors de cause pour la fraction du préjudice invoqué qui ne pourrait avoir été causée par l'activité de ses services et, plus subsidiairement, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait engagée, à ce que celle-ci soit atténuée du fait du comportement de la victime ;

Il soutient :

- qu'il est fondé à opposer la prescription quadriennale à la créance invoquée par les requérants à son égard ;

- qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre ;

- qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice subi ;

- que la réalité du préjudice allégué n'est pas établie et le montant sollicité à ce titre est injustifié ;

- que subsidiairement, l'Etat devrait être exonéré ou voir sa responsabilité atténuée du fait du comportement des intéressés ;

- que les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2005, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement :

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi du 31 décembre 1913 modifiée sur les monuments historiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les époux X, qui ont fait édifier en 1980 une maison d'habitation dans le champ de visibilité de l'abbaye de ..., classée monument historique depuis 1862, ainsi que dans un site inscrit à l'inventaire départemental le 15 juillet 1964, recherchent la responsabilité de l'Etat à raison du préjudice subi du fait de la carence de l'administration à faire respecter par les propriétaires de parcelles voisines les dispositions interdisant de faire procéder sans autorisation préalable à des modifications de nature à affecter l'aspect du site ; que les intéressés concluent à l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Jura de faire respecter la réglementation en la matière ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant que le ministre de la culture et de la communication n'est pas recevable à opposer pour la première fois en cause d'appel la prescription quadriennale à la créance dont se prévalent M. et Mme X ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il ressort de la combinaison des éléments ressortant de diverses pièces versées au dossier, telles que photographie de l'état des lieux en 1981, constat d'huissier dressé en 1994, attestations de tiers dûment informés concernant l'état antérieur des parcelles voisines et lettre du 31 mai 1989 du chef du service départemental de l'architecture adressée au préfet, dont les termes sont confirmés par une correspondance adressée le 24 août 1989 par ce dernier au maire, que d'importantes plantations de résineux ont été effectuées sur certaines des parcelles contiguës à la propriété des époux X au cours de la décennie 1980-1989 ;

Considérant que, comme l'admettent d'ailleurs les services de l'Etat dans les correspondances susmentionnées, ces plantations ont été réalisées en méconnaissance notamment des dispositions alors en vigueur de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, qui prescrivent qu'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ne peut, sauf autorisation préalable, faire l'objet d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect ; qu'il incombe aux services compétents de l'Etat, sans préjudice d'une éventuelle démarche dans le même sens des requérants, que ceux-ci ont d'ailleurs exercée en vain, de faire constater cette infraction, punie des peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, ainsi au demeurant que les correspondances précitées le rappellent ; qu'informés régulièrement par les intéressés depuis 1989 du préjudice créé par ces plantations non autorisées, les services de l'Etat, après avoir admis initialement la réalité des faits, ainsi qu'il vient d'être dit, ont ultérieurement soit nié l'existence de plantations illégales, soit entendu transférer au maire le soin exclusif de régler la question, soit adressé à l'intéressé des lettres d'attente dépourvues de toute suite, de sorte qu'aucune action effective tendant au respect de la législation précitée n'avait été entreprise par l'administration d'Etat lorsque, au vu notamment d'un nouveau constat d'huissier dressé fin 1999 et établissant la gêne subie par les intéressés, ceux-ci se sont résolus à rechercher la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que, par sa carence prolongée à faire respecter la réglementation que ses services sont chargés de faire appliquer, le préfet du Jura a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qui font au contraire apparaître des interventions régulières de leur part auprès des services de l'Etat, que les intéressés auraient fait preuve pour faire reconnaître leurs droits d'une inertie de nature à exonérer ou même à atténuer la responsabilité de l'Etat ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux constats d'huissiers susmentionnés et des attestations de tiers dignes de foi, que les intéressés ont subi un préjudice consistant en la perte de vue sur la vallée et l'abbaye de ... et en une importante perte d'ensoleillement, ainsi qu'en une forte humidité de leur habitation, laquelle, à supposer qu'elle soit également imputable à la situation géographique des lieux, n'a pu qu'être aggravée par la proximité immédiate des résineux en cause ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, ce préjudice présente un lien de causalité directe avec la faute susrappelée du préfet du Jura ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature ainsi subis par les requérants dans leurs conditions d'existence en condamnant l'Etat à leur verser une somme de 15 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public … prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que si les requérants doivent être regardés comme entendant se prévaloir de ces dispositions en demandant au tribunal de « faire obligation au préfet du Jura de faire respecter la réglementation en matière de boisement » par les propriétaires de parcelles voisines, l'exécution du présent arrêt, qui condamne l'Etat au versement d'une somme d'argent, implique seulement que l'administration s'acquitte du paiement de cette somme ; qu'ainsi lesdites conclusions ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par les époux X et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 12 juillet 2001 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme X une somme de 15 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Jackie X, au ministre de la culture et de la communication, au ministre de l'écologie et du développement durable, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

2

N° 01NC01020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC01020
Date de la décision : 12/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : DUFAY SUISSA ; DUFAY SUISSA ; DUFAY SUISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-01-12;01nc01020 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award