Vu l'ordonnance du 4 février 2005 par laquelle le président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour, en application de l'article R. 322-1 du code de justice administrative, la requête présentée le 13 janvier 2005 par le PREFET DU BAS-RHIN ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2005, présentée pour le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405304 en date du 13 décembre 2004 par lequel le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 7 décembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de X... Saïd mbae X et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Il soutient :
- qu'il était fondé à prendre, en application de l'article 22-I-2 de l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de X... X, cette dernière s'étant maintenue sur le territoire français au delà de la durée de validité de son visa, sans être titulaire d'un titre de séjour ;
- que X... X, qui allègue être de nationalité française par filiation paternelle, n'a jamais entrepris aucune démarche en vue de se voir reconnaître la nationalité française, ni fourni aucun élément ou justificatif probant permettant d'étayer ses déclarations ; qu'en tout état de cause, l'exception de nationalité française ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse ;
- que X... X, qui soutient que son fiancé se trouve en France, n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il ressort de ses propres déclarations qu'elle est séparée de l'intéressé depuis septembre 2004 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'arrêté du 7 décembre 2004 du PREFET DU BAS-RHIN décidant la reconduite à la frontière de X... X et fixant le pays de destination ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 75-560 du 3 juillet 1975 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 27 janvier 2005 du Président de la Cour administrative d'appel prise en application de l'article R. 222-33 du code de justice administrative et donnant délégation à Mme Felmy ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2005 :
- le rapport de Mme Felmy, président,
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, alors en vigueur : «I. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : … 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré…» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que X... X, titulaire d'un passeport comorien, entrée en France le 18 avril 2003, s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, sans être titulaire d'un titre de séjour ; que, par suite, X... X se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-I-2° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 7 décembre 2004 du PREFET DU BAS-RHIN ordonnant la reconduite à la frontière de X... X et la décision du même jour fixant le pays de destination au motif que le préfet avait, à défaut d'avoir vérifié si l'intéressée pouvait ou non revendiquer la nationalité française, commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de X... X ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française, et que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse ; que X... X, née le 10 mars 1971 à Ntsoudjini aux Comores, et titulaire d'un passeport comorien, ne produit pas de certificat de nationalité française ; que, par suite, il lui appartient d'apporter la preuve de la nationalité française dont elle entend se prévaloir au motif qu'elle est née aux Comores d'un père qui, né aux Comores avant l'indépendance de ce territoire reconnue par la loi du 3 juillet 1975, avait la nationalité française ; que, dès lors, X... X ne produit aucun justificatif à l'appui de ses allégations, la question de savoir si l'intéressée est française ne présente aucune difficulté sérieuse qui nécessiterait de poser une question préjudicielle ; que, par suite, le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, pour le motif susmentionné, son arrêté du 7 décembre 2004 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par X... X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que X... X se prévaut de ce que son fiancé se trouve en France ; qu'il ressort toutefois de ses propres déclarations que l'intéressée est entrée en France le 18 avril 2003 en vue d'effectuer un stage qui s'est terminé le 27 juin 2003 ; que, postérieurement, elle s'est installée à Marseille avec son nouveau compagnon ; que le couple a abandonné ses projets de mariage et s'est séparé en septembre 2004 ; que, depuis lors, X... X, qui réside chez une amie à Strasbourg, est aidée financièrement par un cousin éloigné ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français, X... X, célibataire et sans enfant, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination pris à son encontre auraient porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris, en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 7 décembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de X... X et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 décembre 2004 par lequel le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 7 décembre 2004 du PREFET DU BAS-RHIN RHIN ordonnant la reconduite à la frontière de X... Saïd mbae X et la décision du même jour fixant le pays de destination est annulé.
Article 2 : La demande présentée par X... X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à Mlle Y... mbae X.
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N° 05NC186