Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 2 juillet 2003, présentée pour la SCEV BEAUFORT, dont le siège social est : ..., par Me Monvoisin, avocat à la Cour ;
La SCEV BEAUFORT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-375 du 8 octobre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à obtenir la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés, auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 525 euros, en application de l'article
R. 222 du code des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
La SCEV BEAUFORT soutient que :
- la procédure de redressement est irrégulière, dès lors que la commission de conciliation n'a pas été consultée ;
- c'est à tort que le tribunal administratif refuse d'admettre la déductibilité des provisions constituées par la société, pour dépréciation des vins ordinaires, produits au delà du plafond limite de classement des vins d'appellation d'origine contrôlée « champagne », et non commercialisables ;
- les quatre conditions exigées par la loi pour constituer des provisions étaient réunies en l'espèce ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 27 mars 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la requête semble irrecevable à défaut de véritables moyens d'appel,
- la commission de conciliation n'avait aucune compétence pour émettre un avis sur le litige,
- les vins issus de raisins produits au delà du plafond limite de classement de l'appellation d'origine contrôlée « champagne », sont des sous-produits d'exploitation, ayant une valeur de reprise très faible ; une provision ne pouvait être constituée pour ces sous-produits de l'exploitation n'ayant, par eux-mêmes, qu'une valeur de réalisation très faible ;
Vu, enregistré au greffe le 1er août 2003, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 93-1067 du 10 septembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2005 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement,
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le ministre :
Considérant qu'au cours des exercices en litige, la SCEV BEAUFORT avait constitué des provisions, pour dépréciation d'une partie de ses produits ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a refusé la déduction des provisions nettes déclarées au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 ; que la SCEV BEAUFORT fait régulièrement appel du jugement du 24 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés consécutifs à ce chef de redressement ;
Sur la régularité de la procédure de redressement :
Considérant que la société requérante soutient à nouveau que la procédure de redressement engagée à son encontre serait entachée d'irrégularité, dans la mesure où l'administration n'a pas donné suite à sa demande de consultation de la commission départementale de conciliation prévue par l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts :
« I - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant…notamment
5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables… » que l'article 38-3 du même code précise : « Les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si le cours est inférieur au prix de revient », que par ailleurs, il résulte de l'article 6 du décret n° 93-1067 du 10 septembre 1993 alors applicable relatif au rendement des vignobles des vins à appellation d'origine contrôlée : « Le dépassement du plafond limite de classement déterminé en tenant compte de la totalité de la vendange récoltée sur les surfaces pour lesquelles est revendiquée une appellation d'origine contrôlée entraîne la perte du droit à l'appellation d'origine contrôlée considérée ainsi qu'aux appellations plus générales auxquelles le vin peut prétendre. Toutefois, en cas de dépassement du plafond limite de classement, le droit à l'appellation d'origine contrôlée peut être accordé, dans la limite de ce plafond, par l'Institut national des appellations d'origine aux quantités effectives produites sous réserve : (…)
Que le viticulteur ait souscrit au moment de la déclaration de récolte un engagement de livrer, sous forme de vin et sans pouvoir prétendre à aucune rémunération pour celui-ci, à un ou des organismes agréés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie, les produits récoltés en dépassement du plafond limite de classement. » ;
Considérant que pour éviter de perdre le bénéfice de l'appellation « Champagne » sur l'ensemble de leurs récoltes, les viticulteurs s'engagent à livrer les excédents de production dits « vins ordinaires » à une distillerie ou une vinaigrerie ; qu'il est établi que les vins ainsi produits au delà du plafond limite de classement régi par les dispositions de l'article 6 du décret précité, sont vendus à un prix très bas ; qu'en raison de leur origine, de leur nature et de leur destination finale, le prix de ces « vins ordinaires » doit être regardé comme correspondant à leur valeur intrinsèque, et non pas comme révélant une dépréciation par rapport au prix du marché propre aux vins d'appellation « Champagne » ; qu'ainsi la société ne justifie pas avoir subi, sur ces produits, des pertes que des événements en cours rendent probables, au sens des dispositions de l'article 39 I 5e précité ; que pour ce seul motif, l'administration au pu, à bon droit, remettre en cause le principe de la déduction des provisions constituées par la société pour compenser la dépréciation alléguée, sans qu'elle puisse se prévaloir de ce que le calcul de leur montant serait conforme aux dispositions de l'article 38-3 précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEV BEAUFORT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SCEV BEAUFORT la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCEV BEAUFORT est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEV BEAUFORT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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02NC01279