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30/06/2005 | FRANCE | N°98NC02391

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 30 juin 2005, 98NC02391


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 1998 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy, complétée par mémoires respectivement enregistrés les 25 mars 1999, 4 février et 13 juin 2000, 23 février 2001 et 23 février 2002, présentés par Me Raoul X..., avocat, pour l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT D'EPINAL (OPAH) dont le siège se trouve ... ;

L'OPAH D'EPINAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 22 septembre 1998 ;

2°) de condamner solidairement les sociétés
A...
et Cie et IRMEX à lui payer les som

mes de 7 339 940, 31 F et 420 163,03 F, augmentées des intérêts légaux ;

3°) de dire et ...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 1998 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy, complétée par mémoires respectivement enregistrés les 25 mars 1999, 4 février et 13 juin 2000, 23 février 2001 et 23 février 2002, présentés par Me Raoul X..., avocat, pour l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT D'EPINAL (OPAH) dont le siège se trouve ... ;

L'OPAH D'EPINAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 22 septembre 1998 ;

2°) de condamner solidairement les sociétés
A...
et Cie et IRMEX à lui payer les sommes de 7 339 940, 31 F et 420 163,03 F, augmentées des intérêts légaux ;

3°) de dire et juger qu'en application de l'article 1154 du code civil, lesdits intérêts produiront eux-mêmes intérêts ;

4°) de condamner solidairement les sociétés
A...
et IRMEX au paiement des frais d'expertise taxés à 86.712,57 F ;

5°) de condamner solidairement les sociétés
A...
et IRMEX à lui payer la somme de 50 000 F sur la base de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Nancy n'aurait pas statué sur le moyen relatif à la garantie de bon fonctionnement et encourt, de ce chef, l'annulation ;

- les désordres décrits dans le rapport d'expertise, à savoir les fissurations et cloques apparues sur les panneaux d'isolation thermique placés à l'extérieur des façades, sont apparus dès juin 1994, soit un peu plus d'un an après la réception définitive des travaux ;

- d'après le rapport d'expertise, ces vices, outre qu'ils présentent un caractère évolutif et irréversible, sont de nature à compromettre la solidité du complexe immobilier tout entier, ayant provoqué des infiltrations et fait éclater par endroit le revêtement de surface ;

- lesdits vices rendent également l'immeuble impropre à sa destination, en compromettant son habitabilité ;

- la société IRMEX doit voir sa responsabilité contractuelle engagée à raison de la méconnaissance de son obligation de surveillance, de direction et de contrôle des travaux en n'ayant pas remarqué l'insuffisance d'épaisseur des enduits et surtout en n'attirant pas l'attention du maître de l'ouvrage sur la réalisation des couvertures ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 5 mars 1999 et 6 novembre 2000, présentés par Me Aubin Z..., avocat, pour la société BET IRMEX, dont le siège social se trouve ... ;

La société BET IRMEX demande à la Cour :

- à titre principal, de rejeter la requête de l'OPAH et de confirmer le jugement de première instance ;

- à titre subsidiaire, de prononcer sa mise hors de cause ;

- à titre très subsidiaire, de dire et juger que l'indemnisation se fera hors taxes ;

- de fixer le coût des travaux de réfection des façades à la somme de 4 171 640,50 F et celui des travaux de décoration à la somme de 338 750 F ;

- de la déclarer recevable et bien fondée, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, en sa demande en garantie contre la société
A...
et de condamner en conséquence la société
A...
à la relever et garantir de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée contre elle tant en principal, qu'intérêts et frais à la requête du maître de l'ouvrage ;

- de condamner l'OPAH, et subsidiairement tout succombant, au paiement d'une somme de 25 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

La société BET IRMEX soutient que :

- les désordres n'affectent pas la fonction isolante de l'isolation thermique extérieure, n'étant que d'ordre esthétique ;

- c'est par référence au bâtiment lui-même et non pas aux travaux réalisés que l'impropriété à la destination et/ou l'atteinte à la solidité de l'immeuble doivent être appréciées ;

- le rapport d'expertise précise que les vices n'affectent pas l'immeuble en raison de l'absence d'infiltrations d'eau générées par la défaillance du complexe ;

- le caractère évolutif et inéluctable des dommages ne saurait être pris en compte au titre de la garantie décennale, laquelle ne concernant que les désordres actuels et avérés ;

- la réception sans réserves de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels ;

- la prorogation de la responsabilité contractuelle au-delà de ce terme ne peut être admise en l'espèce car il n'y a eu ni fraude, ni dol ;

- l'existence d'une faute caractérisée dans l'exercice de sa mission ne peut être avérée dans la mesure où cette mission a été remplie de manière satisfaisante et que les vices n'étaient pas décelables avant la réception de l'ouvrage ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 23 février et 5 avril 2000, présentés par Me Gérard B..., avocat, pour la société P.
A...
et Cie, dont le siège social se trouve ... ;

La société P.
A...
et Cie demande à la Cour :

- de rejeter le recours de l'OPAH ;

- de condamner l'OPAH à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

- de condamner la société BET IRMEX à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle en principal, intérêts et frais ;

La Société Paul A... et Cie soutient que :

- le moyen tiré de la garantie de bon fonctionnement n'ayant pas été soulevé en première instance, il ne peut l'être pour la première fois en appel ;

- le constat de l'expert mentionne certes une atteinte à la solidité de l'immeuble ; toutefois l'expert parle de l'immeuble dans le sens de marché des travaux , c'est-à-dire du complexe d'étanchéité et non du bâtiment ;

- en outre, un ravalement ne caractérise nullement la construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ;

- l'impropriété de l'immeuble à sa destination n'est nullement établie au vu du rapport d'expertise, les désordres constatés étant davantage des dommages esthétiques.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles 1792, 1792-3 et 2270 du code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :

- le rapport de M. Dewulf, premier conseiller,

- les observations de Me Y... de la SCP Gottlich-Laffon, avocat de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT D'EPINAL ;

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Tribunal administratif de Nancy a, par le jugement attaqué, rejeté au fond la requête sans examiner le moyen relatif à la garantie de bon fonctionnement soulevé par l'OPAH D'EPINAL dans son mémoire complémentaire du 18 novembre 1996 ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 22 septembre 1998 est entaché d'omission à statuer et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'OPAH devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Sur les responsabilités :

Considérant, en premier lieu, que la réception des travaux confiés par l'Office public de l'habitat (O.P.A.H) d'Epinal à la S.A P. A... et Cie, qui consistaient en la pose de panneaux d'isolation thermique à l'extérieur des façades d'immeubles en réhabilitation a été prononcée sans réserves les 14 et 18 janvier 1993, avec effet au 21 décembre 1992 que l'Office n'était pas recevable à rechercher la responsabilité de l'entreprise et du maître d'oeuvre après l'expiration du délai de parfait achèvement qui marque la fin des rapports contractuels tant à l'égard de l'entreprise que du maître d'oeuvre ; que, toutefois, la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre peut être engagée pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception ; que les manquements aux obligations de direction, contrôle et de surveillance des travaux allégués par l'OPAH D'EPINAL ressortissent exclusivement du domaine de la responsabilité décennale ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert, que les vices constatés ne pouvaient être décelés au stade de la réception des travaux ; que, par suite, le BET IRMEX, qui n'était pas en mesure d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur des vices non décelables lors de la réception, n'a pas méconnu son devoir de conseil à l'égard de l'OPAH D'EPINAL ; que, dans ces conditions, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la garantie de bon fonctionnement ne saurait trouver à s'appliquer à des panneaux d'isolation thermique qui ne constituent pas des éléments dissociables de l'ouvrage ;

Considérant, enfin, que la responsabilité des hommes de l'art ne pourrait être engagée en application des principes dont s'inspirent les articles 1790 et 2270 du code civil, du fait des désordres constatés sur les façades des immeubles d'habitation en cause après la réception des travaux, que si ces désordres avaient pour effet de menacer la solidité desdits immeubles ou de les rendre impropres à leur destination ; que, contrairement aux conclusions du rapport d'expertise du 1994, l'immeuble considéré est le bâtiment lui-même, et non l'immeuble pris au sens du marché de travaux ; qu'il ne ressort ni de l'instruction, ni des conclusions de l'expert que les fissures et cloques, en l'absence de répercussions sur la structure même du bâtiment, aient, depuis qu'elles sont apparues, compromis la solidité de l'immeuble ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les désordres, nés d'infiltrations de faible ampleur, au demeurant provoquées par le défaut d'étanchéité des menuiseries, aient rendu l'immeuble impropre à sa destination d'habitation ; que, dans ces conditions, la responsabilité décennale des sociétés BET IRMEX et Paul A... ne saurait être engagée ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de l'OPAH D'EPINAL ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société BET IRMEX et la société Paul A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à l'OPAH D'EPINAL la somme qu'il demande au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'OPAH D'EPINAL à payer à la société BET IRMEX et la société Paul A... respectivement chacune une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celles-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 22 septembre 1998 est annulé.

Article 2 : La demande de l'OPAH D'EPINAL présentée devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'OPAH D'EPINAL.

Article 4 : L'OPAH D'EPINAL versera à la Société BET IRMEX et à la Société Paul A... une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT D'EPINAL, à la Société BET IRMEX et à la Société Paul A....

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98NC02391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC02391
Date de la décision : 30/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Robert DEWULF
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : SCP GOTTLICH LAFFON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-06-30;98nc02391 ?
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