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05/08/2004 | FRANCE | N°01NC00450

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3, 05 août 2004, 01NC00450


Vu le recours du MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE enregistré au greffe de la Cour le 24 avril 2001, complété par mémoire enregistré le 2 octobre 2003 ;

Le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande à la Cour :

1° - de réformer le jugement du 9 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à Mlle X, pharmacienne, la somme de 3 000 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 1997 en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'autorisation illégale d'ouverture d'une officine de pharmacie d

élivrée à M. Y et une somme de 7 000 F au titre de l'article L.8-1 du code de...

Vu le recours du MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE enregistré au greffe de la Cour le 24 avril 2001, complété par mémoire enregistré le 2 octobre 2003 ;

Le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande à la Cour :

1° - de réformer le jugement du 9 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à Mlle X, pharmacienne, la somme de 3 000 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 1997 en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'autorisation illégale d'ouverture d'une officine de pharmacie délivrée à M. Y et une somme de 7 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2° - de ramener cette condamnation à 700 000 F ;

Il soutient que la perte en capital de Mlle X de 2 300 000 F ne peut être considérée comme un préjudice direct et certain ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2003 présenté pour Mlle Lucie X, demeurant ..., par Me Alexandre, avocat au barreau de Strasbourg ; elle demande à la Cour :

- d'une part, de rejeter le recours et de condamner l'Etat à lui verser 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

- d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 000 F avec intérêts à compter du 27 février 1997 capitalisés année par année à compter du 27 février 1998 ; à cette fin, elle soutient que le Tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de ses pertes de revenus, qui ne sauraient être inférieures à 1 000 000 F ; que la perte en capital résulte directement de l'installation illégale de l'officine de M. Y, qui lui a pris sa clientèle, est certaine, compte tenu de l'obligation où elle a été de vendre son officine en raison de son âge, et doit être évaluée à 2 500 000 F ;

Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 30 avril 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2004 :

- le rapport de M. SAGE, Président,

- les observations de Me BON du cabinet Alexandre-Lévy-Kahn, avocat de Mlle ,

- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a admis l'entière responsabilité de l'Etat à raison du préjudice subi par Mlle X, pharmacienne, du fait de l'autorisation illégale d'ouverture d'une autre officine à proximité de la sienne, délivrée à M. Y le 19 janvier 1993, annulée par le Conseil d'Etat le 14 octobre 1996, et a évalué le préjudice indemnisable à 700 000 F en ce qui concerne les pertes de revenus et à 2 300 000 F en ce qui concerne la perte en capital ;

Sur la perte en capital :

Considérant que le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges concernant le caractère direct et certain du préjudice subi par Mlle X, qui a dû vendre son officine en vue de prendre sa retraite, compte tenu de son âge, par acte notarié en date du 3 novembre 1997, pour un prix de 4 200 000 F, inférieur à celui qu'elle aurait dû obtenir, selon l'évaluation de l'expert désigné par le préfet du Bas-Rhin indiquant que le prix de vente d'une officine de pharmacie correspondait à 94 % de son chiffre d'affaires et que le chiffre d'affaires qu'aurait dû réaliser l'intéressée avant la vente si la pharmacie de M. Y n'avait pas été ouverte aurait dû atteindre de 6 876 544 F à 7 394 714 F ; que, sur ces bases, le Tribunal administratif n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice subi par Mlle X en retenant la somme de 2 300 000 F ; qu'ainsi, Mlle X n'est pas fondée à demander que cette somme soit portée à 2 500 000 F ;

Sur les pertes de revenus :

Considérant que l'expert désigné par le préfet du Bas-Rhin avait évalué les pertes de revenu subies par Mlle X entre 1 208 032 F et 1 348 008 F ; qu'en demandant, à ce titre, une indemnité de 1 000 000 F, Mlle X ne s'est pas livrée à une évaluation exagérée du préjudice lui ouvrant droit à indemnité ; qu'il y a lieu de faire droit à ses conclusions et de porter l'indemnité de 700 000 F accordé par le Tribunal administratif à 1 000 000 F ;

Sur les intérêts :

Considérant que si Mlle X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 3 300 000 F, soit 503 081,75 euros, elle ne justifie pas que le point de départ de ces intérêts, fixé par le jugement attaqué au 4 mars 1997, date de réception par le préfet du Bas-Rhin de la réclamation de l'intéressée, doive être avancé du 27 février 1997 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que pour l'application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que Mlle X a demandé au Tribunal administratif par mémoires enregistrés les 26 janvier et 2 décembre 1998 la capitalisation des intérêts ; que, si le Tribunal administratif a rejeté à bon droit la demande enregistrée le 26 janvier 1998, présentée alors qu'une année d'intérêts n'était pas due, Mlle X avait droit à la capitalisation des intérêts tant au 2 décembre 1998 qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative applicable devant les cours administratives d'appel : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue au dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mlle X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : La somme de 3 000 000 F, soit 457 347 euros, que l'Etat a été condamné à verser Mlle X par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 2001 est portée à 503 081,75 euros.

ARTICLE 2 : Les intérêts au taux légal de la somme de 503 081,75 euros courant à compter du 4 mars 1997, échus le 2 décembre 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

ARTICLE 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 janvier 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

ARTICLE 4 : Le recours du MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE est rejeté, ainsi que le surplus des conclusions du recours incident de Mlle X.

ARTICLE 5 : L'Etat est condamné à verser à Mlle X la somme de mille euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

ARTICLE 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE, ET DES PERSONNES HANDICAPEES et à Mlle X.

Code C :

Plan de classement : 60

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00450
Date de la décision : 05/08/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Paul SAGE
Rapporteur public ?: Mme SEGURA-JEAN
Avocat(s) : ALEXANDRE-LEVY-KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-08-05;01nc00450 ?
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