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06/05/2004 | FRANCE | N°00NC00591

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 06 mai 2004, 00NC00591


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mai 2000 sous le n° 00NC00591, complétée par le mémoire enregistré le 11 avril 2003, présentée pour Mme Noëlle X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Jean-Christophe Coubris, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 99412 en date du 7 mars 2000 du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a limité le montant de la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nancy à la somme de 37 500 F de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par suite du décès de son époux

le 31 juillet 1995 ;

2°) - de condamner le Centre hospitalier universitaire de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mai 2000 sous le n° 00NC00591, complétée par le mémoire enregistré le 11 avril 2003, présentée pour Mme Noëlle X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Jean-Christophe Coubris, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 99412 en date du 7 mars 2000 du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a limité le montant de la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nancy à la somme de 37 500 F de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par suite du décès de son époux le 31 juillet 1995 ;

2°) - de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 182 938,82 € au titre de l'indemnisation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts de droit y afférant ;

Code : C+

Plan de classement :60-02-01-01-01-01-02

3°) - de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 3 050 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de son mari est insuffisante et la met dans l'obligation de travailler malgré son handicap ;

- la faute est établie dès lors que les examens qui s'imposaient n'ont pas été pratiqués lors de l'admission de M. X au service des urgences et qu'il a été trop rapidement invité à retourner chez lui ;

- compte-tenu de l'attention portée par M. X à son état de santé, il pouvait escompter une espérance de vie de 15 à 20 ans et était, à la date de son décès, créancier d'une indemnisation qui peut s' évaluer à 12 195,21 € ;

- le préjudice résultant des souffrances qu'il a endurées peut être évalué à 15 244,90 € ;

- l'indifférence des services à l'égard de l'état de santé de son mari a aggravé le préjudice moral de la requérante qui peut prétendre à une somme de 45 734,71 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2000, présenté pour le Centre hospitalier universitaire de Nancy par la SCP Lagrange, Philippot, Clément, Zillig, Baumann-Chevalier, avocats ;

Le Centre hospitalier universitaire de Nancy conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et, subsidiairement, à la réduction du montant des indemnités allouées ;

Il soutient que :

- les conclusions de l'expert se limitent à affirmer que la prise en charge de M. X n'a pas été adaptée et ne portent pas sur l'erreur de diagnostic ni sur les examens complémentaires qu'il aurait été utile de pratiquer ;

- la faute de l'établissement n'est nullement établie, l'affection dont est décédé le patient étant tout à fait rare ;

- il n'est pas évident qu'une prise en charge plus adaptée ait pu permettre d'éviter le décès ;

- l'argumentation de la requérante est sans rapport avec les règles d'appréciation du préjudice ;

- subsidiairement, il doit être tenu compte des antécédents médicaux de M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2004 :

- le rapport de Mme MONCHAMBERT, Président ;

- les observations de Me DUPLEIX, substituant la S.C.P. LAGRANGE, PHILIPPOT, CLEMENT, ZILLIG, BAUMANN-CHEVALIER, avocat du Centre hospitalier universitaire de Nancy,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 7 mars 2000, le Tribunal administratif de Nancy a déclaré le Centre hospitalier universitaire de Nancy entièrement responsable des conséquences dommageables du décès de M. X et condamné cet établissement à indemniser Mme X à raison du préjudice subi par son époux et de son préjudice moral ; que Mme X relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, cependant que le centre hospitalier effectue appel incident dudit jugement en tant qu'il a consacré le principe même de sa responsabilité ;

Sur la responsabilité :

Considérant que M. X a été hospitalisé le 30 juillet 1995 au service des urgences du Centre hospitalier universitaire de Nancy en raison de douleurs thoraciques persistantes irradiant l'épaule gauche et est rentré chez lui en fin d'après-midi ; que, par suite de l'aggravation de son état dans la nuit, il a nouveau été hospitalisé le lendemain ; qu'en dépit des soins intensifs qui lui ont été prodigués au service de cardiologie, le patient est décédé le

même jour ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, d'un rapport établi par le médecin-chef du service des urgences, ainsi que du rapport de l' expert commis par le Tribunal administratif de Nancy, que, lors de sa première admission, les symptômes présentés par M. X, dont les antécédents médicaux étaient connus, nécessitaient des investigations plus adaptées à son état de santé que celles qui ont été pratiquées par l'interne de service ; que cette insuffisance des examens pratiqués, qui n'a pas permis de diagnostiquer plus rapidement la rupture oesophagienne dont M. X est décédé, a compromis ses chances de survie et constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que, par suite, les conclusions incidentes du Centre hospitalier universitaire de Nancy doivent être rejetées ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant que la faute commise par les praticiens du centre hospitalier a entraîné pour M. X une perte de chance de survivre à la rupture oesophagienne dont il a été victime ; que, dès lors, tant le préjudice subi par la victime que le préjudice indemnisable de ses proches est constitué, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, par l'intégralité du dommage résultant du décès ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que les premiers juges ont effectué une insuffisante appréciation du préjudice subi par son mari et du préjudice moral subi par elle, en les fixant respectivement à 12 500 F (1 905,61 €) et à 25 000 F (3 811,23 €) ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de ces conclusions par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme X tant devant la cour que devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Sur le préjudice subi par M. X :

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X ait subi des souffrances physiques imputables à la faute du service hospitalier susrappelée ; que, par suite, la demande présentée par Mme X sur ce chef de préjudice ne peut qu'être rejetée ;

Considérant, d'autre part, qu'il sera fait une juste appréciation du dommage résultant de la perte de chance de survie en l'évaluant, compte tenu de l'âge de M. X et de son état de santé avant l'hospitalisation, à une somme de 7 000 € ;

Sur le préjudice subi par Mme X :

Considérant que le préjudice moral subi par Mme X doit être évalué à 14 000 € ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander que la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nancy soit portée de 37 500 F (5 716,84 €) à 21 000 € ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nancy à payer Mme X une somme de 1 000 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le Centre hospitalier universitaire de Nancy est condamné à verser à Mme X une somme de 21 000 €.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 7 mars 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le Centre hospitalier universitaire de Nancy versera à Mme X une somme de 1 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusion de la requête de Mme X est rejeté, ainsi que l'appel incident du Centre hospitalier universitaire de Nancy.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle, à la caisse de retraite et de prévoyance du bâtiment et au Centre hospitalier universitaire de Nancy.

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC00591
Date de la décision : 06/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KINTZ
Rapporteur ?: Mme MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-05-06;00nc00591 ?
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