Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 2000 sous le n° 00NC01139, présentée pour M. et Mme X, demeurant ... et pour M. et Mme Y, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats au barreau de Nancy Hocquet-Gasse-Carnel, complétée par un mémoire enregistré le 14 octobre 2003 ;
M. et Mme X et M. et Mme Y demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 986621-986623 du 6 juillet 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes d'annulation de la décision du maire d'Erstein du 13 novembre 1998, confirmant deux décisions du 16 octobre 1998 par lesquelles il leur réclamait la cession à la commune d'une bande de terrain ;
2°) d'annuler cette décision ;
Code : C
Plan de classement : 68-024
3°) de condamner la commune d'Erstein à verser à chacun 762,25 euros au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Ils soutiennent que :
- leurs demandent étaient recevables, en raison de l'illégalité des conventions qu'ils ont conclues avec la commune et de l'atteinte à leurs droits qu'elles entraînent,
- ces conventions sont entachées de nullité, le maire n'ayant pas le pouvoir de les conclure et les charges qui leurs sont imposées excédant celles qui pouvaient résulter des permis des construire qui leur ont été délivrés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2003, présenté pour la commune d'Erstein, représentée par son maire en exercice, par Me Forrer, avocat au barreau de Strasbourg ; elle conclut au rejet de la requête susvisée ; elle soutient qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé ;
Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 16 septembre 2003, fixant au 17 octobre 2003 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2004 :
- le rapport de M. CLOT, président,
- les observations de Me CUNAT, de la S.C.P. GASSE, CARNEL, GASSE , avocate de M. et Mme X et de M. et Mme Y, et de Me FORRER, avocat de la commune d'Erstein,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le maire d'Erstein a délivré à M. et Mme X le 26 avril 1985 et à M. et Mme Y le 21 mai 1986, des permis de construire, en vue d'édifier chacun une maison d'habitation au lieudit Auf dem Dorfmaettlen ; que, d'autre part, il a conclu avec les intéressés, respectivement le 12 novembre 1984 et le 22 mai 1986, des conventions par lesquelles la commune s'engageait à faciliter leurs projets de construction et qui stipulaient notamment qu'ils cèderaient à la ville, sans contrepartie, les terrains d'assiette nécessaires à l'emprise de la voie longeant leur propriété ; que par deux décisions du 16 octobre 1998, confirmées le 13 novembre 1998, le maire leur a demandé, en exécution de ces conventions, de céder une bande de terrain, moyennant un franc symbolique, afin de permettre à la commune d'aménager la rue du Rempart ;
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme X et M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg :
Considérant que si M. et Mme X et M. et Mme Y ont librement signé les conventions susmentionnées, cette circonstance ne peut avoir eu pour effet de les priver d'intérêt à demander l'annulation des décisions, qui leur font grief, prises par le maire en vue d'obtenir, en exécution de celles-ci, la cession d'une partie de leurs terrains ; que, dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes au motif qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M. et Mme X et M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la légalité de la décision en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du Code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 ; que ces dispositions fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire ; qu'il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée ; qu'eu égard au caractère d'ordre public de ces dispositions, toute stipulation contractuelle qui y dérogerait serait entachée de nullité ;
Considérant que les conventions conclues par M. et Mme X et M. et Mme Y avec la commune d'Erstein, respectivement le 12 novembre 1984 et le 22 mai 1986, ont pour objet et pour effet d'imposer aux intéressés, en leur qualité de constructeurs, une obligation entrant dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, qui n'a pas été prévue lors de la délivrance des permis de construire ; que, dès lors, ces conventions sont entachées de nullité ; que, par suite, le maire ne pouvait légalement, comme il l'a fait le 16 octobre 1998, imposer à M. et Mme X et à M. et Mme Y, sur le fondement desdites conventions, la cession d'une partie de leurs terrains respectifs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X et M. et Mme Y sont fondés à demander l'annulation de la décision du maire d'Erstein du 13 novembre 1998, confirmant ses décisions du 16 octobre 1998 ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés par M. et Mme X et M. et Mme Y à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner la commune d'Erstein à payer à M. et Mme X et à M. et Mme Y une somme de 500 euros au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2000 est annulé.
Article 2 : La décision du maire d'Erstein du 13 novembre 1998 est annulée.
Article 3 : La commune d'Erstein versera à M. et Mme X la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune d'Erstein versera à M. et Mme Y la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à M. et Mme Y et à la commune d'Erstein.
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