Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 14 décembre 1999 sous le n° 99NC02458 complétée par des mémoires enregistrés les 22 juin 2001 et 14 janvier 2002 présentés pour la Sarl LA BOULANGERIE, ayant son siège : 4, allée Charles V à Vincennes (94300), par Me Jean-François CHRONOWSKI, avocat au Barreau de Lyon ;
La Sarl LA BOULANGERIE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-7 en date du 7 octobre 1999, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes, tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1991, 1992, 1993 et 1994, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés pour la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1994 ;
2°/ de lui accorder la décharge ou la réduction de ces impositions ;
3°/ de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés ;
Code : C
Plan de classement : 19-01-03-01-02-02
19-01-03-01-02-03
19-04-01-04-03
4°/ dans l'immédiat de surseoir à statuer, en attendant l'issue d'une procédure pénale engagée parallèlement ;
La Sarl LA BOULANGERIE soutient que :
- les services fiscaux du Jura étaient territorialement incompétents pour examiner la comptabilité de la société, dont le siège se situe dans le Val-de-Marne ;
- les services de ce dernier département ont d'ailleurs procédé à des redressements sur les années 1990 et 1991, ce qui entraîne une double vérification des mêmes bases, et le Tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen ;
- le Tribunal administratif estime, à tort, que tous les moyens de procédure sont inopérants en raison de la taxation d'office mise en oeuvre en l'espèce, alors que cette situation a été établie au cours des contrôles, eux-mêmes irréguliers ; en particulier le constat dressé au camping de Parcey, et qui a servi à déclencher des perquisitions, puis à reconstituer les bases des impositions, a été élaboré en violation des articles L.47 et L.80-F à L.80-J du livre des procédures fiscales ;
- la notification de redressement est entachée d'un vice de forme en tant qu'elle est envoyée au gérant à titre personnel et non à la société ;
- sur le fond, contrairement à ce qu'indique le jugement, la société a contesté la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires, et elle a fourni une autre estimation, actualisée en appel ;
- le coefficient de 2,76 retenu pour la panification est supérieur à la moyenne professionnelle ;
- le service n'a pas tenu compte de la perturbation apportée aux conditions d'exploitation, par un sinistre survenu le 20 décembre 1990 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés au greffe les 24 janvier 2001, 18 octobre 2001, 16 septembre 2002 et 30 septembre 2002, les mémoires en défense présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête de la Sarl LA BOULANGERIE ;
Il soutient que :
- les services fiscaux du Jura étaient compétents pour vérifier la comptabilité de la société, et le moyen soulevé est, en outre, rendu inopérant par l'article 122 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996, à effet rétro-actif ;
- les moyens de procédure sont inopérants en raison de la situation de taxation d'office de la société, qui n'a pas été révélée par le contrôle mis en oeuvre ultérieurement ;
- la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des nouvelles bases retenues par le service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;
Vu le décret n° 96-804 du 12 septembre 1996, et l'arrêté ministériel du même jour précisant les attributions des directions des services fiscaux ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2004 :
- le rapport de M. BATHIE, Premier Conseiller,
- les observations de Me CHRONOWSKI, avocat de la Sarl LA BOULANGERIE,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Sarl LA BOULANGERIE, créée en 1990, exploitait un commerce de boulangerie, pâtisserie et pellicules photographiques, dans deux magasins sis respectivement à Saint-Lothain, et Champagnole, dans le département du Jura ; que son siège social était toutefois situé à Vincennes, dans le département du Val de Marne ; que les services fiscaux du Jura ont procédé à une vérification de comptabilité de la société, portant sur les exercices clos de 1991 à 1994 ; qu'après avoir écarté la comptabilité présentée, comme étant non probante, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise ; que, par une notification de redressement du 27 décembre 1994, le service qui a également relevé l'absence de déclarations de la société relatives aux impositions vérifiées, l'a taxée d'office à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des articles L.66-2 et 3 du livre des procédures fiscales ; que toutefois, le redressement a été effectué selon la procédure contradictoire, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée des mois de mars 1991 et janvier 1994, pour lesquels la société, a fourni ses déclarations dans le délai réglementaire ; que la Sarl LA BOULANGERIE fait régulièrement appel du jugement du 7 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions sus-évoquées ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la compétence territoriale du service vérificateur :
Considérant qu'aux termes de l'article 122 de la loi de finances n° 96-1181 du 30 décembre 1996, applicable en l'espèce : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les contrôles engagés par les services déconcentrés de la direction générale des impôts avant l'entrée en vigueur du décret n° 96-804 du 12 septembre 1996 et des arrêtés du 12 septembre 1996 régissant leur compétence ainsi que les titres exécutoires émis à la suite de ces contrôles pour établir les impositions sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de l'incompétence territoriale ou matérielle des agents qui ont effectué ces contrôles ou délivré ces titres à la condition que ces contrôles aient été effectués conformément aux règles de compétence fixées par les textes précités. ; qu'aux termes de l'article 1er-I du décret n° 96-804 du 12 septembre 1996, auquel il est fait renvoi : ... seuls les fonctionnaires titulaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements... V... les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. Les liens existant entre les personnes ou groupements s'entendent de l'appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal, de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait. ; qu'enfin il résulte de l'article 2-I de l'arrêté ministériel du 12 septembre 1996 précisant les attributions des directions des services fiscaux et les compétences des agents qui y sont affectés, que : Les fonctionnaires affectés dans les directions des services fiscaux et territorialement compétents pour contrôler les déclarations de revenu global d'une personne physique peuvent également contrôler la situation fiscale des activités professionnelles, exploitations, entreprises, sociétés, groupements ou entités que cette personne ou l'un des membres de son foyer fiscal exerce ou dirige ou dans lesquels ils sont associés, quels que soient le lieu où ces activités, exploitation, entreprises, sociétés, groupements ou entités sont exercés ou situés et la forme juridique qu'ils revêtent. ;
Considérant que la société requérante persiste à soutenir que, dès lors que son siège social se situait dans le Val-de-Marne, les agents relevant de la direction des services fiscaux du Jura étaient territorialement incompétents pour engager à son égard, une vérification de comptabilité ; qu'il est toutefois constant qu'au cours des années vérifiées, M. Jean-Claude X, associé et gérant de la société était domicilié fiscalement à Saint-Lothain, dans le Jura ; qu'en tout état de cause, par application combinée des dispositions interprétatives de la loi, du décret et de l'arrêté précités, les services fiscaux du Jura, qui étaient compétents pour contrôler, les déclarations de revenus de M. X, l'étaient également en ce qui concernait les déclarations de résultats de la société qu'il dirigeait, quel que fût le lieu d'implantation de son siège social ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du vérificateur n'est pas fondé ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il est établi que la société a déposé en temps utile ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois de mars 1991 et janvier 1994 ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L.51 du livre des procédures fiscales applicable à la société : Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. ; que la société requérante relève l'existence d'un double contrôle, dans la mesure où le service local du Val-de-Marne a procédé à une taxation d'office sur les années 1990 et 1991, vérifiées également par les agents du département du Jura ; qu'il est toutefois établi que la procédure mise en oeuvre dans le Val-de-Marne est un contrôle sur pièces, et que, seule, la direction des services fiscaux du Jura a entrepris une vérification de comptabilité ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la réitération illicite du même contrôle sur les années 1990 et 1991 n'est pas fondé ;
Considérant en deuxième lieu que les impositions contestées ne constituent pas des sanctions ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le double contrôle sus-évoqué aurait abouti à une réitération de la même sanction, en méconnaissance du principe non bis in idem, est inopérant ;
Considérant en troisième lieu que, si la société allègue le caractère irrégulier, selon elle, d'une enquête ayant révélé sa pratique de ventes ambulantes au camping de Parcey, ces constats sont limités à trois journées en juillet et août 1993 ; qu'en tout état de cause, la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois de mars 1991 et de janvier 1994, ne peut être regardée comme procédant des renseignements obtenus dans les conditions susévoquées ;
Considérant en quatrième lieu que, contrairement à ce qu'allègue l'appelante, la mention de la notification de redressement selon laquelle ce document est destiné à Monsieur le gérant - Sarl LA BOULANGERIE, désigne sans ambiguïté la société, légalement représentée par son gérant, comme étant la contribuable concernée ; que le moyen tiré de ce que cette mention serait entachée d'un vice de forme, en tant qu'elle désignerait le gérant, à titre individuel, comme étant le contribuable vérifié, doit être écarté ;
Considérant qu'en ce qui concerne les autres impositions, comme indiqué précédemment, la société était en situation d'être taxée d'office, pour le motif, non discuté, qu'elle n'avait pas déposé dans le délai réglementaire, malgré des mises en demeure, ses déclarations ; qu'ainsi, cette situation n'a pas été révélée lors de la vérification de comptabilité mise en oeuvre ultérieurement par l'administration ; qu'il résulte de ces éléments, que pour l'ensemble des impositions taxées d'office, les moyens de procédure soulevés par la requérante sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl LA BOULANGERIE n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige seraient intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière et à en solliciter, pour ce motif, la décharge ;
Sur le bien-fondé des redressements :
En ce qui concerne les impositions taxées d'office :
Considérant que, les bases des impositions taxées d'office ayant été reconstituées pour le motif, non discuté, d'une comptabilité non probante, il incombe à la contribuable d'en démontrer l'exagération, conformément à l'article L.193 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que, si la société invoque un sinistre survenu en février 1991 qui l'a contrainte à confier une partie de sa production à des sous-traitants, cet incident n'a pu influer sur le calcul de sa marge bénéficiaire, basée sur la différence entre les achats et les ventes ; que la société n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir que le coefficient appliqué à cette marge au titre de cet exercice, et des suivants, aurait été surévalué ; que les discordances alléguées entre ces achats et ventes, ou dans les invendus apparaissent essentiellement imputables aux lacunes de la comptabilité ainsi qu'aux dissimulations avérées de l'exploitante ; que la requérante n'établit pas que le nombre de pains produits à partir d'une quantité déterminée de farine aurait été sous-évalué ; que l'erreur sur la marge bénéficiaire ne peut résulter de la seule circonstance que l'indice retenu est légèrement supérieur à celui constaté dans des commerces similaires ; que la reconstitution du chiffre d'affaires proposée par l'appelante, qui ne prend pas en compte les lacunes et anomalies des documents comptables ne peut, de ce fait, être regardée comme aboutissant à un meilleur calcul des résultats ; que par l'argumentation développée en appel, la société requérante n'établit pas que les premiers juges auraient, par les moyens qu'ils ont retenus, et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur, en estimant qu'elle n'apportait pas la preuve de l'exagération des nouvelles bases des impositions en litige, taxées d'office ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée des mois de mars 1991 et janvier 1994 :
Considérant que ces impositions ayant été établies selon une procédure contradictoire, et conformément à l'avis de la CDI, il incombe à l'administration d'en établir le bien-fondé, en application du premier alinéa de l'article L.192 du livre des procédures fiscales ; que toutefois les bases de ces rappels de taxe ont été établies selon les propres déclarations de la société redevable, que celle-ci ne remet pas en cause devant la Cour ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl LA BOULANGERIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Sarl LA BOULANGERIE la somme qu'elle demande, au demeurant non chiffrée, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
ARTICLE 1er : La requête de la Sarl LA BOULANGERIE est rejetée.
ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl LA BOULANGERIE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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