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29/01/2004 | FRANCE | N°99NC01114

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 29 janvier 2004, 99NC01114


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 mai 1999 sous le n° 99NC01114, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, représenté par son directeur général en exercice à ce dûment autorisé par délibération du conseil d'administration en date du 5 juillet 1996, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :

- d'annuler le jugement en date du 23 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser à M. X une somme de 200 000

F en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 mai 1999 sous le n° 99NC01114, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, représenté par son directeur général en exercice à ce dûment autorisé par délibération du conseil d'administration en date du 5 juillet 1996, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :

- d'annuler le jugement en date du 23 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser à M. X une somme de 200 000 F en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

- à titre principal, de rejeter la demande de M. X ;

Code : C

Plan de classement : 60-01-02-01

60-02-01-005

- subsidiairement, de réduire les indemnités allouées par le tribunal administratif en fixant le préjudice allégué à un montant maximal de 30 000 F ;

Il soutient que :

- l'expertise sur laquelle s'est fondé le tribunal administratif est irrégulière car dépourvue de caractère contradictoire ;

- à titre principal que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le lien de causalité entre les transfusions litigieuses et la contamination invoquée ne peut être considéré comme établi en raison de l'existence de facteurs de risque et de l'absence de tout élément en faveur d'une contamination d'origine transfusionnelle ;

- subsidiairement, que le préjudice allégué a été évalué par le tribunal administratif de façon très excessive ; s'agissant d'une hépatite peu active, l'indemnisation au titre des seuls troubles imputables à cette hépatite ne saurait dépasser la somme de 30 000 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 1999, présenté pour M. Michel X par Me Thomas, avocat ;

M. X demande à la Cour :

- d'une part, de rejeter la requête ; à cette fin, il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner le requérant à lui verser une indemnité d'un montant de 1 000 000 F ; à cette fin, il soutient que le tribunal administratif a fait une appréciation insuffisante du préjudice subi ;

- enfin, la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à lui verser une somme de 7 000 F sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la lettre du président de la 3ème chambre en date du 14 novembre 2003 communiquant aux parties le moyen d'ordre public tiré de ce que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 est applicable au présent litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2004 :

- le rapport de M. MARTINEZ, Premier conseiller,

- les observations de Me THOMAS, avocate de M. ,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY soutient que l'expertise ordonnée en première instance, qui aurait méconnu, selon lui, le principe du contradictoire, a été réalisée dans des conditions qui affectent sa régularité ; que toutefois, faute pour le requérant d'avoir fait valoir cette critique devant le tribunal administratif, son moyen est irrecevable en appel et doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces

éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, en vigueur à l'époque des faits, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs, des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; que le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que M. X, à la suite d'un grave accident de circulation survenu le 24 août 1984, a été hospitalisé à l'hôpital Saint-Martin puis transféré au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY où il a fait l'objet de plusieurs transfusions de produits sanguins au cours des mois d'août, septembre et octobre 1984 ; qu'un bilan hépatique pratiqué sur l'intéressé en 1992 et en 1994 a révélé sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que l'enquête transfusionnelle menée dans le cadre de l'expertise susvisée n'a pu permettre de retrouver sur 23 donneurs de concentrés érythrocytaires que 16 donneurs, dont le contrôle s'est révélé séronégatif pour le virus de l'hépatite C ; qu'en outre, aucun des donneurs des nombreux plasmas frais congelés administrés à M. X n'a pu être retrouvé et par suite contrôlé ; que ce faisceau d'éléments confère un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle la contamination de M. X aurait pour origine les transfusions effectuées au sein du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ; que, dans ces conditions, faute d'apporter la preuve de l'innocuité de l'ensemble des produits sanguins transfusés, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ne démontre pas que les produits fournis par lui ne sont pas à l'origine de la contamination de M. X ; que, dès lors, en l'absence de facteurs de risque propres à la victime et de tout autre élément ayant concouru à la réalisation du dommage subi par elle, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le lien de causalité entre les transfusions et la contamination dont a été victime M. X devait être regardé comme établi ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy l'a déclaré responsable en sa qualité de gestionnaire du centre régional de transfusion sanguine des dommages subis par M. X du fait de la contamination de celui-ci par le virus de l'hépatite C ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, âgé de 43 ans, est atteint d'une hépatite chronique évolutive faiblement active en 1994 qui a conduit à porter le taux d'incapacité permanente partielle dont est atteint l'intéressé de 68 % à 71 % ; que le syndrome dépressif dont souffre M. X, lequel au demeurant n'a pas donné suite au protocole de surveillance régulière qui lui a été proposé, n'est pas en relation avec l'affection hépatique ; qu'eu égard aux douleurs et désagréments liés à un traitement par interféron de mars à septembre 1994 particulièrement mal toléré, et aux examens et biopsie rendus nécessaires par la découverte du virus de l'hépatite C, et compte tenu des craintes légitimes que l'intéressé peut entretenir sur l'évolution de son état de santé, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence résultant de cette contamination en ramenant l'indemnité de 200 000 F (soit 30 489,80 euros) accordée par les premiers juges à la somme de 15 000 euros ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir le préjudice professionnel allégué ; qu'il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est fondé à demander la réformation dans cette mesure du jugement attaqué et que les conclusions incidentes de M. X tendant au contraire à la majoration de ladite indemnité doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent, dès lors, être rejetées ;

D É C I D E :

ARTICLE 1er : La somme de 200 000 F (soit 30 489,80 euros) que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY a été condamné à payer à M. X est ramenée à la somme de 15 000 (quinze mille) euros.

ARTICLE 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nancy en date du 23 mars 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est rejeté.

ARTICLE 4 : Les conclusions incidentes de M. X sont rejetées.

ARTICLE 5 : Les conclusions de M. X tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées

ARTICLE 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, à M. X et à la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy.

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC01114
Date de la décision : 29/01/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KINTZ
Rapporteur ?: M. MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : HASCOET TRILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-01-29;99nc01114 ?
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