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11/12/2003 | FRANCE | N°98NC01265

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 11 décembre 2003, 98NC01265


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juin 1998 sous le n° 98NC01265, présentée pour Mlle Dominique X, demeurant ..., par Me Couturier, avocat au barreau de l'Aube, complétée par des mémoires enregistrés les 14 octobre 1998 et 18 décembre 1998 ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1486 du 7 avril 1998 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant :

- à l'annulation de la décision du maire de Troyes du 24 octobre 1995 prononçant son licenciement,
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- à la condamnation ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juin 1998 sous le n° 98NC01265, présentée pour Mlle Dominique X, demeurant ..., par Me Couturier, avocat au barreau de l'Aube, complétée par des mémoires enregistrés les 14 octobre 1998 et 18 décembre 1998 ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1486 du 7 avril 1998 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant :

- à l'annulation de la décision du maire de Troyes du 24 octobre 1995 prononçant son licenciement,

- à ce qu'il soit enjoint à la ville de Troyes de la réintégrer,

- à la condamnation de ladite ville à lui verser les arriérés de traitement qui lui sont dus ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision, d'enjoindre à la ville de Troyes, sous astreinte de 500 francs par jour de retard, de la réintégrer, à compter du mois de septembre 1995 et de condamner la ville de Troyes à lui verser les arriérés de traitement qui lui sont dus et, à titre subsidiaire, de condamner ladite ville à lui verser les sommes de 43 088 francs à titre d'indemnité de licenciement, 12 311 francs à titre d'indemnité de préavis, 12 311 francs correspondant à deux mois de traitement non payés et 120 000 francs en réparation de son préjudice moral ;

3°) de condamner la ville de Troyes à lui verser 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- elle était liée à la ville de Troyes par un contrat à durée indéterminée et elle aurait dû être titularisée, en application des articles 124 et suivants de la loi du 26 janvier 1984,

- la décision de la licencier devait être précédée de la communication de son dossier et lui être notifiée par lettre recommandée,

- dès lors, le tribunal ne pouvait pas, comme il l'a fait, se borner à l'annuler en tant qu'elle a produit des effets antérieurement au 24 décembre 1994,

- l'annulation de cette décision implique nécessairement sa réintégration à compter de la date de son éviction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 3 novembre 1998 et 29 septembre 2003, présentés pour la ville de Troyes, représentée par son maire en exercice, par la société civile professionnelle d'avocats Colomes-Vangheesdaele ; elle conclut au rejet de la requête susvisée et à la réformation du jugement attaqué, en limitant le montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à Mlle X aux sommes de 8 023,90 francs (1 223,24 euros) et 29 634,71 francs (4 517,78 euros), correspondant, respectivement, au non respect du préavis et à l'indemnité de licenciement ;

Elle soutient que :

- la demande d'annulation de la décision de licenciement, dont Mlle X a eu connaissance dès le mois de septembre 1995, était donc tardive,

- seul un moyen de légalité ayant été invoqué dans la requête, les moyens de légalité interne sont irrecevables,

- aucun de ces moyens n'est fondé,

- le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait une évaluation exagérée de l'indemnité due ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 9 septembre 2003, fixant au 3 octobre 2003 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2003 :

- le rapport de M. CLOT, Président,

- les observations de la SCP HUSSON, COUTURIER, PLOTTON, avocat de Mlle X,

- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision de licencier Mlle X :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la ville de Troyes à cette partie des conclusions de la demande de première instance, tirée de leur tardiveté :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, reprenant les dispositions de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

Considérant que Mlle X, animatrice au poney-club de la ville de Troyes été licenciée à compter du 1er septembre 1995, sans qu'aucune décision comportant l'indication des délais et des voies de recours ne lui ait été notifiée ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient ladite ville, les conclusions de la demande de Mlle X, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 6 novembre 1996, dirigées contre cette décision de licenciement, étaient recevables ;

En ce qui concerne la légalité du licenciement :

Considérant, en premier lieu, que pour décider de licencier Mlle X, le maire de Troyes s'est fondé sur la circonstance qu'elle ne détenait pas les titres requis pour enseigner l'équitation ; que cette mesure, qui n'a pas été prise en considération de la personne de l'intéressée, n'avait pas, dès lors, à être précédée de la communication de son dossier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988 susvisé, applicable, en vertu de l'article 40 du même texte, au licenciement des agents non titulaires engagés pour une durée indéterminée : Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) 3° Au début du deuxième mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X a été licenciée à compter du 1er septembre 1995, sans qu'ait été respecté le préavis de deux mois prévu par ces dispositions ; que cette circonstance, qui n'est pas de nature à entraîner l'annulation totale de la décision de licenciement, rend celle-ci illégale en tant seulement qu'elle prend effet avant l'expiration du délai de deux mois qu'imposaient, en l'espèce, lesdites dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, que la légalité d'une décision devant s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise, le moyen tiré du défaut de notification à l'intéressée de la décision prononçant son licenciement est, dès lors, inopérant ;

Considérant, enfin, si la requérante soutient qu'elle avait vocation à être titularisée, en application des dispositions des articles 124 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle ne l'établit pas ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ville de Troyes à ce moyen, celui-ci doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont annulé la décision de licencier Mlle X qu'en tant que cette mesure a pris effet avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant sa notification ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que l'annulation de la décision prononçant le licenciement de Mlle X, dans la mesure seulement où cet acte a pris effet avant l'expiration du délai de préavis, n'implique pas la réintégration de l'intéressée ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de sa demande tendant à cette fin ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du décret du 15 février 1988 : Sauf lorsque le licenciement intervient, soit pour des motifs disciplinaires, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai, une indemnité de licenciement est due aux agents : 1° Qui, recrutés pour une durée indéterminée, ont fait l'objet d'un licenciement (...) ; qu'aux termes de l'article 45 du même texte : La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. - Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération définie à l'alinéa précédent qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet ; que l'article 46 ajoute : L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours du mois d'août 1995, dernier mois civil ayant précédé son licenciement, Mlle X a exercé ses fonctions à temps partiel ; que, dès lors, conformément aux dispositions précitées du second alinéa de l'article 45 du décret du 15 janvier 1988, l'indemnité de licenciement qui lui est due devait être liquidée sur la base de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait été employée à temps complet, soit 6 155,45 francs ; que compte tenu de la durée des services qu'elle a accomplis, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la Ville de Troyes à payer à la requérante, à ce titre, une somme de 43 088 francs ;

En ce qui concerne l'indemnité pour non respect du préavis :

Considérant que Mlle X a été employée par la Ville de Troyes du 1er avril 1981 au 31 août 1995 ; que si aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit le versement d'une indemnité de préavis aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, l'intéressée, qui a été illégalement privée du bénéfice du préavis, a droit à la réparation du préjudice qui en est résulté pour elle ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle X n'a pas retrouvé un emploi dans les deux mois suivant son licenciement ; que, dans ces conditions, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a pas fait une évaluation exagérée de ce chef de préjudice en condamnant la Ville de Troyes à lui payer à ce titre la somme de 12 311,20 francs ;

En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :

Considérant que la requérante ne justifie d'aucun droit au paiement d'une somme de 12 311 francs, correspondant à deux mois de traitement ; que la réalité du préjudice moral allégué n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions susanalysées de sa demande ; que la ville de Troyes n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, elle a été condamnée à payer à Mlle X les sommes de 43 088 francs et 12 311,20 francs ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que la ville de Troyes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mlle X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la ville de Troyes tendant à l'application de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mlle Dominique X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'appel incident de la ville de Troyes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Dominique X, à la ville de Troyes et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

6

Code : C

Plan de classement : 36-12-03-01


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC01265
Date de la décision : 11/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. CLOT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : HUSSON-COUTURIER-PLOTTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2003-12-11;98nc01265 ?
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