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13/11/2003 | FRANCE | N°02NC00274

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre, 13 novembre 2003, 02NC00274


Vu le recours, enregistré le 8 mars 2002 sous le n° 02NC00274, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juin 2002, 16 décembre 2002 et 27 février 2003, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 9901236 du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 103 665,33 euros au titre du préjudice subi et une somme de 762,25 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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br>2°) - de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif ...

Vu le recours, enregistré le 8 mars 2002 sous le n° 02NC00274, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juin 2002, 16 décembre 2002 et 27 février 2003, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 9901236 du 27 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 103 665,33 euros au titre du préjudice subi et une somme de 762,25 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

2°) - de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Code : C

Classement CNIJ : 60-01-02-01-01-01

Le ministre soutient que :

- le préjudice dont se prévaut M. X n'est pas imputable à l'administration française ;

-les conditions de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'administration sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ne sont pas réunies ;

- la mesure de dévaluation du franc CFA ne constitue pas une atteinte à la propriété au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le montant de l'indemnisation à laquelle l'Etat a été condamné est excessif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2002 et 13 janvier 2003, présentés pour M. Jean-Marie X, demeurant à ..., par Me Bessard du Parc, avocat au barreau de Paris ;

M. X demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du tribunal administratif ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme complémentaire évaluée sur la base d'une perte annuelle de 10 061,64 euros pour le préjudice subi entre le prononcé du jugement et celui de l'arrêt ;

- de condamner l'Etat à lui verser, pour son préjudice futur, une rente viagère réversible de 5 670,61 euros par an ou un capital de 180 932 euros ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 525 euros au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- la mesure de dévaluation du franc CFA est la cause directe de son préjudice ;

- les conditions requises pour retenir la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques sont réunies ;

- le montant de son préjudice a évolué depuis le prononcé du jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de coopération monétaire entre les Etats membres de la banque des Etats de l'Afrique centrale et de la République française en date du 23 novembre 1972 et publiée en exécution du décret n° 77-877 du 27 juillet 1977 ;

Vu la décision du comité mixte chargé de mettre en oeuvre la convention du 23 novembre 1972 susvisée, faite à Dakar le 11 janvier 1994 et publiée en exécution du décret n° 94-253 du 24 mars 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2003 :

- le rapport de M. KINTZ, Président,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, retraité, a accompli une partie de sa vie professionnelle en Afrique francophone et réside désormais en France ; qu'il perçoit une retraite libellée en francs de la coopération financière en Afrique centrale (francs CFA), versée par un organisme de sécurité sociale relevant d'un des Etats membres de la banque des Etats de l'Afrique centrale ; que, par une décision du 11 janvier 1994 du comité monétaire mixte chargé de mettre en oeuvre la convention du 23 novembre 1972 liant les Etats membres de la banque des Etats de l'Afrique centrale et la République française, la parité entre le franc français et le franc CFA a été fixée à 0,01 franc français pour 1 franc CFA à compter du 12 janvier 1994 au lieu de 0,02 franc français pour 1 franc CFA auparavant ; que cette décision a été mise en oeuvre par les Etats parties à ladite convention et qu'ainsi, la retraite perçue par M. X ayant perdu la moitié de sa contre-valeur en francs français, son pouvoir d'achat en France a été divisé par deux ;

Considérant que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d'autres états et incorporées régulièrement dans l'ordre juridique interne, à la condition, d'une part, que ni la convention elle-même ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification ne puissent être interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et, d'autre part, que le préjudice dont il est demandé réparation soit d'une gravité suffisante et présente un caractère spécial ;

Considérant qu'eu égard à la généralité des effets de la décision de dévaluer le franc CFA et au nombre des personnes, dont les titulaires d'une retraite libellée en francs CFA, affectées par les conséquences de cette décision, que le préjudice invoqué par M. X ne présente pas un caractère spécial ; qu'il n'incombe donc pas à l'Etat d'en assurer, en tout état de cause, la réparation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 103 665,33 euros ;

Considérant, par suite, que l'appel incident de M. X tendant à l'augmentation de la somme allouée par les premiers juges ne peut qu'être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 27 décembre 2001 est annulé.

ARTICLE 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif et son appel incident devant la Cour sont rejetés.

ARTICLE 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Jean-Marie X.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NC00274
Date de la décision : 13/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KINTZ
Rapporteur ?: M. KINTZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BESSARD DU PARC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2003-11-13;02nc00274 ?
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