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15/10/2002 | FRANCE | N°99NC00612

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 15 octobre 2002, 99NC00612


(Troisième chambre)
Vu la requête, enregistrée le 15 mars 1999 au greffe de la Cour, présentée pour M. Christophe X..., par Me Pugeault, avocat au barreau de Reims ;
M. X... demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 22 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à l'indemniser du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C dans l'exercice de ses fonctions d'infirmier ;
2° - d'annuler la décision du 26 août 1996

du directeur du centre hospitalier universitaire de Reims rejetant sa demand...

(Troisième chambre)
Vu la requête, enregistrée le 15 mars 1999 au greffe de la Cour, présentée pour M. Christophe X..., par Me Pugeault, avocat au barreau de Reims ;
M. X... demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 22 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à l'indemniser du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C dans l'exercice de ses fonctions d'infirmier ;
2° - d'annuler la décision du 26 août 1996 du directeur du centre hospitalier universitaire de Reims rejetant sa demande d'indemnisation ;
3° - de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à lui verser une somme de 100 000 francs (15 244,90 euros) en réparation des pertes de salaires subies de septembre 1993 à janvier 1995 ainsi qu'une somme de 1 000 000 francs (152 449,02 euros) à titre d'indemnisation des préjudices subis du fait des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances physiques, de l'incapacité permanente partielle et de l'atteinte à l'intégrité physique ;
4° - subsidiairement, d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Reims d'instruire son dossier d'indemnisation dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 000 francs (7 622,45 euros) par mois de retard ;
5° - de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à lui verser une somme de 25 000 francs (3 811,23 euros) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction à compter du 1er mars 2002 à 16 heures ;
Vu la correspondance en date du 23 avril 2002 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 63-1346 du 24 décembre 1963 modifié relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux agents permanents des collectivités locales et de leurs établissements publics ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2002 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- les observations de Me ROLLAND, pour le cabinet DEVARENNE, avocat du centre hospitalier universitaire de Reims,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X..., infirmier titulaire au centre hospitalier universitaire de Reims, a contracté le 24 décembre 1985 en dispensant des soins aux malades une hépatite virale de type B, ayant donné lieu à arrêt de travail du 24 décembre 1985 au 29 janvier 1986 et du 21 février 1986 au 21 mars 1986 ; qu'après reprise du travail à compter de cette dernière date, M. X... ne présenta plus de signes cliniques de sa contamination ; que l'intéressé a ultérieurement démissionné de la fonction publique et a été embauché le 18 juin 1990 par un laboratoire pharmaceutique en qualité de délégué médical ; que, lors d'une hospitalisation en octobre 1992, a été diagnostiquée une contamination par le virus de l'hépatite C imputable à l'infection précitée ; que, par avis en date du 25 novembre 1993, le comité médical siégeant en commission de réforme a reconnu l'état de santé de M. X... comme constitutif d'une maladie professionnelle procédant d'une rechute de l'accident du 24 décembre 1985 ; que M. X... a alors demandé en vain au centre hospitalier universitaire de Reims, sur le fondement des règles du droit commun de la responsabilité, de l'indemniser des pertes de salaire pendant son arrêt de travail de septembre 1993 à janvier 1995 ainsi que du préjudice corporel subi ; qu'il relève appel du jugement du 22 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne tendant au remboursement de la somme correspondant aux indemnités journalières versées à M. X... au titre de l'assurance maladie ;
Sur la recevabilité de l'appel de M. X... :
Considérant que M. X... a reçu notification du jugement attaqué le 16 janvier 1999 ; que, par suite, la requête d'appel formée contre ledit jugement, enregistrée le 15 mars 1999 au greffe de la Cour, est recevable ;
Sur la recevabilité des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne :
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à lui rembourser les sommes qu'elle a été amenée à verser à M. X... ; qu'elle a reçu notification dudit jugement le 18 janvier 1999 ; que, par suite, lesdites conclusions, formées à nouveau par mémoire enregistré le 12 juillet 1999 au greffe de la Cour, soit après expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables ;
Sur la recevabilité de la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Nancy :

Considérant qu'après avoir rappelé l'évolution de son état de santé et précisé qu'il n'avait perçu aucune indemnité en réparation de son préjudice, M. X... a demandé au centre hospitalier universitaire de REIMS, par correspondance en date du 30 juillet 1996, d'assurer la réparation de son préjudice ; qu'alors même que cette réclamation n'indiquait pas le montant de la réparation sollicitée, ladite correspondance, à laquelle le centre hospitalier a d'ailleurs répondu par une décision expresse de rejet en date du 26 août 1996, doit être regardée comme une demande préalable liant le contentieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Reims et tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance de M. X... doit être écartée ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Reims :
Considérant qu'il est constant que les conséquences dommageables de la maladie dont est atteint M. X... présentent un lien direct de causalité avec l'accident précité du 24 décembre 1985 ; que, par suite, l'intéressé est fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Reims ;
Sur l'étendue du droit à réparation de M. X... :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles 3 et 8 du décret susvisé du 24 décembre 1963 modifié que l'allocation temporaire d'invalidité dont peuvent bénéficier les agents maintenus en activité justifiant d'une invalidité permanente partielle résultant de certains accidents de service ou maladies professionnelles ne peut le cas échéant être servie après radiation des cadres que si le bénéfice en avait été reconnu auparavant à l'agent concerné ; que, par suite, l'accident survenu le 24 décembre 1985 n'ayant entraîné aucune invalidité avant la démission susrappelée de M. X..., ce dernier ne pourrait en revendiquer le bénéfice après sa radiation des cadres ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des articles 30 et 31 du décret susvisé du 9 septembre 1965 modifié que, sous réserve des cas particuliers mentionnés à l'article 30 dudit décret, non invocables en l'espèce, seuls sont susceptibles de bénéficier d'une rente viagère d'invalidité les agents mis dans l'impossibilité de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service ; que M. X..., radié des cadres du centre hospitalier universitaire de Reims pour des raisons étrangères à son état de santé, ne saurait en tout état de cause prétendre au bénéfice d'une telle rente ;

Considérant enfin que si la reconnaissance de l'affection dont a souffert M. X... à compter de 1993 en tant que complication de l'accident initial survenu en 1985 alors qu'il était au service du centre hospitalier lui ouvre droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, sur le fondement de l'article 41-2° de la loi susvisée du 9 janvier 1986, il ne ressort d'aucune disposition de ladite loi ou d'une quelconque autre disposition que le centre hospitalier serait tenu de ce fait de le faire en outre bénéficier d'un régime forfaitaire de réparation en raison de sa qualité d'ancien agent titulaire de la fonction publique hospitalière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X..., qui n'entre ainsi dans le champ d'application d'aucun régime légal d'indemnisation propre aux agents publics, est par suite fondé à obtenir la réparation intégrale de son préjudice, conformément au droit commun de la responsabilité, et, par voie de conséquence, à demander l'annulation du jugement attaqué, qui lui a à tort opposé le fait qu'il aurait pu bénéficier des dispositions du décret susvisé du 24 décembre 1963 ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... est fondé à demander réparation de la perte de salaire qu'il a subie du fait de son arrêt de travail de septembre 1993 à janvier 1995 ; qu'eu égard aux pièces du dossier, et notamment au montant des indemnités journalières qui lui ont été versées au cours de cette période par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 14 000 euros ;
Considérant que si M. X... a pu reprendre une activité professionnelle après avoir dû démissionner en janvier 1996 de son emploi de délégué médical, qui comportait des contraintes incompatibles avec le traitement qu'il doit suivre consécutivement à la greffe hépatique dont il a fait l'objet en 1994, l'intéressé présente toujours une forte asthénie ; qu'il a subi une nouvelle hospitalisation en février 2001 et doit actuellement suivre un traitement médical lourd ; qu'eu égard à ce qui précède, et en l'état actuel des symptômes présentés par l'intéressé, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. X... dans ses conditions d'existence ainsi que des souffrances physiques qu'il a endurées en évaluant ces chefs de préjudice à une somme de 30 000 euros ; que, par suite, le centre hospitalier universitaire de Reims doit être condamné à verser une somme de 44 000 euros à M. X... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à verser à M. X... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au centre hospitalier universitaire de Reims, à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne et à la Caisse des dépôts et consignations, la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que le centre hospitalier universitaire de Reims n'étant pas partie perdante vis-à-vis de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, ces mêmes dispositions font également obstacle à ce que ce dernier soit condamné à verser à celle-ci la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne à verser au centre hospitalier universitaire de Reims la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 22 décembre 1998 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser à M. X... la somme de 44 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Reims versera à M. X... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne sont rejetées ainsi que le surplus des conclusions de M. X... et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Reims et de la Caisse des dépôts et consignations tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au centre hospitalier universitaire de Reims, à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne et à la Caisse des dépôts et consignations.


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