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08/08/2002 | FRANCE | N°98NC00263

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Xe chambre, 08 août 2002, 98NC00263


DE NANCY (Troisième
Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 5 février 1998 au greffe de la Cour, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, dont le siège est ... (Meurthe-et-Moselle), par Me Z..., avocat au barreau de Nancy ;
Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement n°951115-97844 du 4 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser la somme de 250 000 F (38 112,25 euros) à Mme X... en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de sa contamination par le v

irus de l'hépatite C, ainsi qu'une somme de 10 319,98 F (1 573,27 euros) à...

DE NANCY (Troisième
Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 5 février 1998 au greffe de la Cour, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, dont le siège est ... (Meurthe-et-Moselle), par Me Z..., avocat au barreau de Nancy ;
Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement n°951115-97844 du 4 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser la somme de 250 000 F (38 112,25 euros) à Mme X... en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi qu'une somme de 10 319,98 F (1 573,27 euros) à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie au titre des frais exposés par elle pour le traitement de Mme X... ;
2° - de rejeter la demande de Mme X... devant le tribunal administratif de Nancy, ou, subsidiairement, de réduire le montant de l'indemnité qui lui a été allouée ;
3° - de rejeter la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie devant le tribunal administratif de Nancy ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 98-535 du 1er
juillet 1998 ; Vu la loi n° 2002-
303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2002 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- les observations de Me Y..., pour la SCP THOMAS, avocat de l'Etablissement français du sang, de Me MURAT, avocat de Mme X..., et de Me GAUCHER, avocat de la Maternité régionale A. PINARD ;
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme X... a subi le 17 août 1981 une transfusion sanguine à l'occasion de l'accouchement de son premier enfant à la maternité régionale de Nancy ; que l'intéressée, dont la contamination par le virus de l'hépatite C a été découverte lors d'un don de sang en 1991, a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à condamner conjointement le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY et la maternité régionale A. Pinard à l'indemniser du préjudice subi ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY relève appel du jugement du 4 novembre 1997 par lequel ledit tribunal, après avoir écarté la responsabilité de la maternité régionale A. Pinard, l'a condamné à verser une somme de 250 000 F (38 112,25 euros) à Mme X..., cependant que celle-ci conclut, par voie d'appel incident, à l'accroissement de l'évaluation de son préjudice et, subsidiairement, par voie d'appel provoqué, au cas où la contamination ne serait pas regardée comme imputable au centre hospitalier, à la condamnation de la maternité régionale A. Pinard à lui verser cette même somme ;
Sur la reprise de l'instance du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY par l'Etablissement français du sang :
Considérant que, par mémoire en date du 13 mai 2002, l'Etablissement français du sang a demandé à la Cour de lui donner acte de ce qu'il reprend l'instance aux lieu et place du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, gestionnaire du centre de transfusion sanguine de Lorraine ; que cette reprise d'instance, conforme aux dispositions du XXVII de l'article 18 de la loi susvisée du 1er juillet 1998, étant formalisée par la convention de cession à titre universel pour le transfert des biens, obligations, dettes et créances de l'Etablissement de transfusion sanguine de Lorraine et des établissements de santé, au nombre desquels figure le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, au futur Etablissement français du sang, il y a lieu pour la Cour d'en donner acte et de mettre hors de cause le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, requérant initial, dans la mesure où la responsabilité de ce dernier n'est recherchée qu'au regard des seules conséquences des transfusions réalisées ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : "En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a reçu quatre concentrés érythrocytaires, dont l'un émane d'un donneur qui s'est avéré porteur d'anticorps contre le virus de l'hépatite C du même génotype que celui trouvé chez l'intéressée ; que celle-ci ne présente en outre aucun facteur de risque qui lui soit propre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... apporte des éléments de nature à faire présumer que sa contamination est imputable à la transfusion de produits sanguins pratiqués sur sa personne ; que l'Etablissement français du sang n'établit pas que cette transfusion ne serait pas à l'origine de la contamination en se bornant à faire valoir que l'intéressée a en outre fait l'objet de six interventions chirurgicales réalisées entre 1958 et 1979 et d'une lipectomie pratiquée en 1986 et que le donneur décelé comme séropositif en 1995 aurait pu être contaminé postérieurement à 1981 ; que, par suite, l'Etablissement français du sang n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a estimé que le préjudice résultant pour Mme X... de sa contamination par le virus de l'hépatite C était de nature à engager à son égard la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, qui était alors gestionnaire du centre régional de transfusion sanguine et d'hématologie de Nancy, fournisseur des produits en cause ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires de Mme X... tendant, par voie d'appel provoqué, à engager la responsabilité de la maternité régionale A. Pinard, dès lors que celles-ci ne sont formées qu'au cas où le préjudice subi ne serait pas reconnu imputable au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise et des pièces produites par Mme X... quant à l'évolution ultérieure de son état de santé, que si l'intéressée n'était initialement atteinte que d'une hépatite chronique très peu active s'accompagnant d'une charge virale inférieure à la limite communément admise, ce dernier indicateur a très fortement augmenté au vu des dernières analyses versées au dossier par l'intéressée, ce qui témoigne d'une réactivation de l'hépatite ; que Mme X... a dû en conséquence débuter un traitement à l'Interféron ; qu'en l'état de ce qui précède, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par celle-ci dans ses conditions d'existence du fait de sa contamination, y compris la légitime anxiété éprouvée par l'intéressée quant à l'éventualité d'une nouvelle aggravation de son état, en fixant à 40 000 euros le montant de la réparation qui lui est due ; qu'il convient d'exclure du préjudice indemnisable les frais correspondant à l'hospitalisation du 9 mai 1985, dont il n'est pas établi qu'elle présente un lien de causalité avec la contamination de Mme X... par le virus de l'hépatite C ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressée nécessite les analyses et examens périodiques dont la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie demande le remboursement au titre des frais futurs et qui s'élèvent à 6 491,80 F, soit 989,67 euros ; que, par suite, le préjudice global indemnisable résultant de la contamination de Mme X... s'établit à la somme de 40 989,67 euros ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie est uniquement fondée à demander le remboursement des frais futurs nécessités par l'état de Mme X..., s'élevant à la somme de 989,67 euros, à l'exclusion des frais encourus à l'occasion de son hospitalisation le 9 mai 1985 ; qu'il y a ainsi lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;
Sur les droits de Mme X... :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les droits de Mme X... s'établissent à la somme de 40 000 euros ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence de rejeter les conclusions de l'Etablissement français du sang en tant qu'elles sont dirigées contre l'intéressée et de rejeter le surplus des conclusions incidentes de celle-ci tendant à l'accroissement de l'évaluation de son préjudice ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que Mme X... n'est pas recevable, par un unique mémoire en date du 17 septembre 1999, à demander que les intérêts assortissant la condamnation prononcée à son profit soient capitalisés chaque année à compter du 15 juillet 1997, date d'enregistrement de sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif et retenue par celui-ci comme point de départ des intérêts sollicités par Mme X... ; qu'il y a en revanche lieu de considérer que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 septembre 1999 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; que la capitalisation des intérêts doit également être regardée comme ayant été demandée le 6 juin 2002, date à laquelle Mme X... a formulé à nouveau la demande susrappelée ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a également lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à réserver ses droits de saisir à nouveau le tribunal en cas d'aggravation de son état :
Considérant qu'il n'y a pas lieu pour la Cour de donner acte de cette réserve ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etablissement français du sang à verser à Mme X... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme X... à payer à la maternité régionale A. Pinard la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etablissement français du sang, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance vis-à-vis de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et de la maternité régionale A. Pinard, soit condamné à payer à cellesci la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, de même, la maternité régionale A. Pinard n'étant pas partie perdante dans la présente instance, ces dispositions font obstacle à ce que celle-ci soit condamnée à verser à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'enfin, Mme X... n'étant pas partie perdante vis-à-vis de l'Etablissement français du sang, ce dernier ne saurait demander la condamnation de celle-ci à lui verser une somme sur le fondement de ces dispositions ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel provoqué de Mme X... dirigées contre la maternité régionale A. Pinard.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est mis hors de cause.
Article 3 : La somme de 250 000 F, soit 38 112,25 euros, que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, auquel s'est substitué l'Etablissement français du sang, a été condamné à verser à Mme X... par le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 4 novembre 1997 est portée à 40 000 euros. Les intérêts légaux afférents à cette somme, ayant couru à compter du 15 juillet 1997 et échus les 17 septembre 1999 et 6 juin 2002, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La somme de 10 319,98 F (1 573,27 euros) que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, auquel s'est substitué l'Etablissement français du sang, a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie par le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 4 novembre 1997 est ramenée à 989,67 euros.
Article 5 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 4 novembre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions de l'Etablissement français du sang et de l'appel incident de Mme X... est rejeté ainsi que les conclusions de la maternité régionale A. Pinard et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, à l'Etablissement français du sang, à Mme X..., à la maternité régionale A. Pinard et à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie. Copie en sera adressée au docteur A..., expert.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Xe chambre
Numéro d'arrêt : 98NC00263
Date de la décision : 08/08/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR LE RISQUE CREE PAR CERTAINES ACTIVITES DE PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - DONS DU SANG.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - CAPITALISATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE.

SANTE PUBLIQUE - UTILISATION THERAPEUTIQUE DE PRODUITS D'ORIGINE HUMAINE - DONS DU SANG.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Loi du 21 janvier 1952
Loi du 02 août 1961
Loi du 01 juillet 1998 art. 18
Loi du 04 mars 2002 art. 102


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2002-08-08;98nc00263 ?
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