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14/06/2001 | FRANCE | N°97NC01507

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 14 juin 2001, 97NC01507


(Deuxième Chambre)
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 7 juillet 1997 sous le n° 97NC01507 présentée pour la SOCIETE D'EDITION DES ARTISTES PEIGNANT DE LA BOUCHE ET DU PIED (A.P.B.P.), société à responsabilité limitée, représentée par son gérant, dont le siège est ... (Bas-Rhin) ;
La SOCIETE A.P.B.P. demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement n° 93222 en date du 29 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa char

ge au titre des exercices 1986, 1987 et 1988 ;
2° - de prononcer la décharge de c...

(Deuxième Chambre)
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 7 juillet 1997 sous le n° 97NC01507 présentée pour la SOCIETE D'EDITION DES ARTISTES PEIGNANT DE LA BOUCHE ET DU PIED (A.P.B.P.), société à responsabilité limitée, représentée par son gérant, dont le siège est ... (Bas-Rhin) ;
La SOCIETE A.P.B.P. demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement n° 93222 en date du 29 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 1986, 1987 et 1988 ;
2° - de prononcer la décharge de ces impositions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance en date du 14 novembre 2000 du président de la deuxième chambre fixant la clôture de l'instruction au 20 décembre 2000 ;
Vu l'ordonnance en date du 21 décembre 2000 du président de la deuxième chambre rouvrant l'instruction ;
Vu l'ordonnance en date du 21 décembre 2000 du président de la deuxième chambre fixant la clôture de l'instruction au 15 février 2001 ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2001 ;
- le rapport de M. COMMENVILLE, Président,
- les observations de Me X... et Me VAN BUGGENHOUT, avocats de la société A.P.B.P.,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : ALorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L.16 et L.69 ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la commission se déclare incompétente pour examiner les questions de fait qui lui ont été soumises en les regardant à tort comme des questions de droit, et se méprend de la sorte sur l'étendue du domaine d'intervention que lui attribuent, notamment, les dispositions du 1°) de l'article L.59-A du livre des procédures fiscales, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée ; que, par suite, le moyen tiré par la SOCIETE A.P.B.P. de ce que, lorsqu'elle a rendu son avis critiqué en date du 9 janvier 1991, la commission se serait à tort déclarée incompétente pour se prononcer sur des questions relatives à la mise en oeuvre de l'article 238-A du code général des impôts et à la contestation d'un acte anormal de gestion est inopérant au soutien de sa demande en décharge des impositions supplémentaires en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la réintégration d'une partie des redevances versées à l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) :

Considérant qu'aux termes de l'article 238-A du code général des impôts : "Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Pour l'application de l'alinéa qui précède, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France ... ;
Considérant que l'administration a, sur le fondement de ces dispositions, réintégré dans les bénéfices imposables de la SOCIETE A.P.B.P. au titre des exercices clos les 31 mai 1986, 1987 et 1988 les sommes de 4 425 964 F, 11 720 333 F et 7 864 883 F correspondant aux montants regardés comme exagérés et excédant la valeur commerciale des droits qu'elles ont pour objet de rémunérer des redevances versées par la requérante à l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) , dont le siège est à Vaduz (Liechtenstein), en contrepartie du droit exclusif que cette association lui a accordé de reproduire et de commercialiser en France les oeuvres de ses membres ;

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) , dont le siège est situé dans la Principauté du Liechtenstein, a pour objet social l'exploitation commerciale des oeuvres de ses membres ; qu'en vertu de ses statuts, dans leur rédaction en vigueur lors de l'imposition litigieuse, elle est et demeure même après leur démission, leur exclusion de l'association ou leur décès, seule titulaire des droits d'auteur des artistes handicapés qu'elle coopte en fonction de leur talent et de leur potentiel commercial ; que lesdits statuts prévoient l'établissement d'un compte de pertes et profits et d'un bilan Aselon de solides principes commerciaux ; qu'il n'est pas contesté que les fonds recueillis par l'association excèdent notablement les sommes allouées aux artistes handicapés ; qu'alors même que ladite association aurait un caractère civil au regard du statut juridique et fiscal qui est le sien dans l'Etat de son siège, ses activités, dont la nature n'est pas compatible avec une gestion désintéressée, ont ainsi un caractère lucratif qui conduirait à l'assujettir à l'impôt sur les sociétés si elle exerçait celles- ci en France, sans que puissent y faire obstacle, en tout état de cause, les prescriptions de l'instruction administrative du 15 septembre 1998 ( 4-H-5-98) postérieure aux années d'imposition en litige ; que, d'autre part, il ressort des indications fournies par l'administration, laquelle, lorsqu'elle se prévaut des dispositions précitées de l'article 238-A du code général des impôts pour écarter la déduction de certaines dépenses, doit justifier que le bénéficiaire des sommes versées est soumis hors de France à un Arégime fiscal privilégié ; qu'eu égard à sa forme juridique, l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) était, durant les années 1986, 1987 et 1988, exonérée, au Liechtenstein, de tout impôt sur les bénéfices et seulement redevable d'un impôt annuel sur le montant de son capital et de ses réserves, au taux de 0,1 % assorti d'un minimum d'imposition de 1 000 francs suisses ; que, compte tenu de ces éléments, cette association doit être regardée comme ayant été Asoumise à un régime fiscal privilégié , au sens des dispositions précitées de l'article 238-A du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la déductibilité des redevances que la société requérante était contractuellement tenue de verser à l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) , initialement liquidée au taux de 15 % appliqué au prix de vente hors taxe de l'ensemble des articles édités, a été limitée par l'administration aux seuls montants correspondant à l'application d'un taux de 7 % au chiffre des ventes effectivement réalisées par la SOCIETE A.P.B.P.; que la SOCIETE A.P.B.P., sans contester l'application du taux de 7 %, soutient que le montant déductible des redevances devait être déterminé par application de ce taux au prix de vente hors taxes de l'ensemble des articles édités par elle, et non, comme il eût été normal, au seul montant des ventes ; que, toutefois, en se bornant à cet égard à faire état des usages et tarifs constatés en France par la société pour la protection artistique des dessins et modèles (S.P.A.D.E.M.), qui ne peuvent en l'espèce être retenus eu égard au mode spécifique de commercialisation des objets édités à partir des oeuvres des artistes handicapés faisant largement appel à la générosité publique et lui imposant nécessairement d'éditer une quantité d'objets très supérieure à celle qui pourra être effectivement commercialisée, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe en vertu de l'article 238-A précité du code général des impôts que les redevances qu'elle a ainsi versées à l'association des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ; qu'il suit de là que la SOCIETE A.P.B.P. n'est pas fondée à contester le supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices en litige, du chef de la réintégration dans ses bénéfices imposables d'une fraction des redevances qu'elle a versées à l'Aassociation des artistes peignant de la bouche et du pied dans le monde entier (V.D.M.F.K.) ;
S'agissant des actes anormaux de gestion invoqués par l'administration dans les relations entre la SOCIETE A.P.B.P. et la société Calliope :

Considérant que s'il résulte de l'instruction que, pour effectuer les travaux d'emballage et de routage qu'elle a facturés à la SOCIETE A.P.B.P., la société Calliope, dont il est constant que le seul salarié permanent est le directeur salarié et associé majoritaire de la société requérante, a recruté des salariés sous contrat à durée déterminée pour chaque campagne saisonnière de diffusion des produits commercialisés par la SOCIETE A.P.B.P.,qu'il n'est pas contesté que celle-ci est elle-même en mesure de réaliser de tels travaux à l'aide de son personnel permanent ; qu'elle a elle-même assuré l'embauche et l'encadrement du personnel saisonnier susmentionné ;qu'il n'est pas sérieusement contesté que les travaux ont été réalisés au moins pour partie dans ses propres locaux, et que la société Calliope, qui ne dispose pas d'un local suffisant ni du matériel susceptibles de permettre la réalisation des travaux facturés, s'élevant respectivement à 535 586 F et 63 794 F au titre de chacun des exercices clos en 1986 et 1987, n'a effectué de tels travaux pour aucun autre client au cours de la période litigieuse ; qu'eu égard au rôle prédominant joué par la SOCIETE A.P.B.P. dans l'exécution desdits travaux, l'administration doit être regardée comme établissant que les facturations précitées procèdent d'un acte anormal de gestion ; que le motif du redressement litigieux résidant ainsi en ce que la société Calliope n'a pas effectué les travaux litigieux avec ses propres moyens, la circonstance que le prix des prestations facturées par celle-ci serait conforme au prix du marché pour la réalisation de tels travaux ne saurait être utilement invoquée ;
Sur les pénalités :
Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, les droits en litige ont été assortis, d'une part des intérêts de retard visés à l'article 1727, et, d'autre part, d'une majoration de mauvaise foi de 40 %;
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant, en premier lieu, que les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts, qui s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, et qui n'ont pour seul objet que de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait d'un paiement tardif de l'impôt, ne présentent pas le caractère d'une sanction ; que, par suite, ne résultant, ni d'une accusation en matière pénale ni d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, lesdits intérêts de retard n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que, dès lors, les moyens et conclusions de la SOCIETE A.P.B.P. tirés de la violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne sont pas fondés ;

Considérant, en second lieu, que si la société requérante soutient également qu'elle est victime d'une discrimination contraire à l'article 14 de la convention, résultant de ce que le taux annuel de l'intérêt de retard à la charge des contribuables serait supérieur au taux de l'intérêt légal susceptible d'être servi par l'Etat aux contribuables en cas de restitution d'impôt, elle n'invoque ainsi aucun droit ou liberté reconnu par la convention et dont un fait de discrimination l'aurait empêchée de jouir ; que, dès lors, ce moyen n'est pas fondé ;
En ce qui concerne la majoration :
Considérant que le fait pour la société d'avoir accepté de verser des redevances anormalement élevées en vue de transférer indirectement une partie de ses bénéfices à l'étranger est de nature à établir la mauvaise foi du contribuable ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a fait application à la société requérante des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE A.P.B.P. (SARL) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE A.P.B.P. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE A.P.B.P. (SARL) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE APBP (SARL) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97NC01507
Date de la décision : 14/06/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION.


Références :

CGI 238, 1729, 1727
CGI Livre des procédures fiscales L192, L59
Code de justice administrative L761-1
Instruction 4H-5-98 du 15 septembre 1998
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 10


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. COMMENVILLE
Rapporteur public ?: M. STAMM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2001-06-14;97nc01507 ?
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