(Troisième chambre)
Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 1997 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel X..., demeurant -33, Grande Rue- à Ambrières (Marne), par la SCP Pelletier et Freyhuber, avocats au barreau de Reims ;
M. X... demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement du 14 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser la somme de 19 301,53 francs en réparation du préjudice subi du fait des dégradations causées à ses cultures par des grues cendrées ;
2 - de condamner l'Etat à lui payer la somme de 19 301,53 francs avec intérêts de droit à compter du 22 août 1996 ;
3 - de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;
Vu la loi n 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ;
Vu le décret n 77-1295 du 25 novembre 1977 pris pour l'application des articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1976 ;
Vu l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2000 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X..., exploitant agricole, demande réparation à l'Etat du préjudice subi du fait des dégradations causées à ses cultures par des grues cendrées, espèce protégée depuis l'intervention de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;
Sur les conclusions tendant à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute :
Considérant que M. X... n'a invoqué dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qu'un moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ; que s'il s'est également prévalu devant le tribunal et se prévaut devant la cour d'une faute qui résulterait de la carence des services de l'Etat à prendre les mesures réglementaires propres à préserver les intérêts agricoles, ce moyen, qui repose sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans la requête, a été énoncé pour la première fois dans un mémoire enregistré le 27 juin 1997 au greffe du tribunal , soit après expiration du délai de recours ouvert contre la décision du 2 septembre 1996 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande d'indemnisation ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à engager la responsabilité sans faute de l'Etat :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 200-1 du code rural, la préservation des espèces animales est d'intérêt général ; que l'article L. 211-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 2 février 1995 applicable en l'espèce, interdit, dans ce but : "lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique national justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ..., la destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ..." ; qu'en vertu du décret du 25 novembre 1977 et de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 susvisés, cette interdiction s'applique aux grues cendrées, sur tout le territoire national et en tout temps ; qu'eu égard à l'objet en vue duquel les dispositions législatives précitées et les divers textes pris pour leur application ont été édictés, dans l'intérêt général, le législateur a entendu exclure la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences que ces textes peuvent comporter, notamment pour les cultures exposées aux dégâts occasionnés par les grues cendrées ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à engager la responsabilité de l'Etat en raison de la rupture de l'égalité devant les charges publiques qui résulterait de l'édiction de mesures légales de protection en faveur des grues cendrées doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l' Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.