(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 1995 au greffe de la Cour, sous le n 95NC01825, présentée pour Mme Marie-Louise X..., demeurant ... (Haut-Rhin), par Maîtres Muller, Bresch, Wurth et Mory, avocats à la Cour ;
Mme X... demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement, en date du 6 septembre 1995, du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1982 à 1985 ;
2 - de prononcer la décharge de ces impositions ;
3 - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2000 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Président,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des articles 69.A-I et 69-I du code général des impôts, lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années, pour 1982 et 1983, et à compter de la première année suivant la période biennale considérée, pour 1984 et les années suivantes ; que l'article 69.B du code dispose : "les exploitants agricoles imposés, en raison de leurs recettes, d'après un régime de bénéfice réel au titre de l'année 1984 ou d'une année ultérieure, sont soumis définitivement à un régime de cette nature" ; qu'aux termes de l'article 38 sexdecies A de l'annexe III au code : "Les recettes à retenir pour l'appréciation des limites prévues à l'article 69 du code général des impôts s'entendent de toutes les sommes encaissées au cours de l'année civile ..." ;
Considérant que Mme X..., exploitante agricole, livrait ses récoltes de maïs à la société "Armbruster-Frères", marchand de grains ; que, cette dernière procédait à leur stockage et, le cas échéant, à leur séchage, avant d'en payer le prix à Mme X... ; qu'en raison du montant des recettes encaissées, l'exploitante était imposée, au titre des années 1982 à 1985, selon le régime du forfait de bénéfices agricoles ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de ces années, le service a estimé qu'il convenait d'ajouter aux sommes perçues, le montant des frais de stockage et de séchage, regardés comme exposés pour son compte ; que, de ce fait, la moyenne des recettes calculée sur deux années consécutives excédait le seuil d'application du bénéfice forfaitaire pour les années 1982, 1983 et 1984, l'intéressée a été regardée comme relevant définitivement du régime du bénéfice réel à compter de cette dernière année ; qu'en l'absence de déclarations de résultats établies sous ce régime d'imposition, le vérificateur a évalué d'office les bénéfices des années 1982 à 1985 ; que Mme X... fait appel du jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande en décharge des redressements correspondants ;
Considérant que les activités de Mme X... et de la société "Armbruster-Frères" sont exercées par des entreprises distinctes, sans liens entre elles ; que l'administration n'invoque aucune stipulation contractuelle de laquelle il résulterait que les opérations de stockage et de séchage auraient été effectuées par la société "Armbruster-Frères", par ordre et pour le compte de Mme X... ; que le contrat de mandat allégué par le service ne se déduit, ni de la date à laquelle s'effectue le transfert de propriété de la récolte, ni de la circonstance que le paiement est différé jusqu'à la commercialisation du grain, après séchage, ni de la mention "stockage +séchage déduits"portée sur les factures préparées par la société "Armbruster-Frères", ni du fait que, selon la qualité de la récolte livrée, le marchand est amené ou non à engager des frais de séchage et donc à payer un prix différent selon la nature de son intervention ; que, dans ces conditions, faute pour l'administration d'établir que les sommes encaissées sont inférieures aux recettes réelles, Mme X... est fondée à soutenir qu'elle relevait du régime du forfait de bénéfices agricoles et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, a rejeté le surplus de sa demande en décharge des redressements résultant de la remise en cause de son régime d'imposition ;
Considérant qu'en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) à verser à Mme X..., la somme de 3 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Il est prononcé la décharge, en droits et pénalités, des redressements d'impôt sur le revenu des années 1982, 1983, 1984 et 1985, assignés à Mme X... à raison de la remise en cause du régime d'imposition forfaitaire de ses bénéfices agricoles.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) est condamné à payer la somme de trois mille francs (3 000 F) à Mme X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.