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04/05/2000 | FRANCE | N°95NC01993

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 04 mai 2000, 95NC01993


(Troisième Chambre)
Vu la requête enregistrée le 12 décembre 1993 au greffe de la Cour le 12 décembre 1995, présentée pour Mme X... TROTTA, demeurant ... par Maîtres Forni, avocat ;
Mme Z... demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n 93-1122 en date du 5 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à la réparation du préjudice subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier de Belfort le 15 septembre 1992 ;
2°) - d'ordonner un complément d'expertise en vue de déterminer les c

onséquences dommageables de ladite intervention et de condamner cet hôpital à lu...

(Troisième Chambre)
Vu la requête enregistrée le 12 décembre 1993 au greffe de la Cour le 12 décembre 1995, présentée pour Mme X... TROTTA, demeurant ... par Maîtres Forni, avocat ;
Mme Z... demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n 93-1122 en date du 5 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à la réparation du préjudice subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier de Belfort le 15 septembre 1992 ;
2°) - d'ordonner un complément d'expertise en vue de déterminer les conséquences dommageables de ladite intervention et de condamner cet hôpital à lui verser à titre provisionnel une somme de 100 000 F ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n 95-125 du 8 février 1995 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2000 ;
- le rapport de M. LION, premier conseiller,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que les conclusions dirigées par Mme Z... à l'encontre du docteur Y..., sur le fondement de la faute personnelle, sont présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant, en second lieu, que les praticiens ont, dans des conditions qui permettent de recueillir préalablement son consentement éclairé, l'obligation d'informer suffisamment le patient sur le parti opératoire envisagé, les risques et conséquences des interventions afin de lui permettre de renoncer à la dite opération ; qu'il résulte de l'instruction que Mme Z... a, sur conseil de son gynécologue, consulté le docteur Y..., praticien au centre hospitalier de Belfort le 2 septembre 1992 ; qu'au cours de cette consultation qui a eu lieu en présence du chef du service de gynécologie-obstétrique de cet établissement, a été diagnostiqué un prolapsus nécessitant une intervention chirurgicale ; que si l'hôpital soutient qu'au cours de cet entretien, toutes les techniques d'intervention ont été évoquées devant Mme Z..., il ressort cependant du rapport de l'expert nommé par les premiers juges que sa lettre en date du 10 septembre 1992 adressée au gynécologue de Mme Z... n'a évoqué que les seules techniques dites "Conservatrices" sans toutefois mentionner l'hystérectomie à la suite de laquelle la patiente, alors âgée de 35 ans, est devenue stérile ; que si, pour dénier tout manquement au devoir d'information, le centre hospitalier de Belfort a produit devant les premiers juges un compte-rendu, rédigé quatorze mois après l'intervention litigieuse, puis, devant l'expert une attestation de son chef de service de gynécologie-obstétrique rédigée près de vingt mois après cette opération, de tels documents ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à établir que Mme Z... aurait consenti à cette opération ; que, par, suite, Mme Z... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de réparation de la perte de chance de se soustraire à la dite hystérectomie ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert nommé par le juge du référé administratif que Mme Z... a repris normalement ses activités professionnelles après un arrêt de travail d'un mois et que la date de consolidation de son état doit être fixée au 15 octobre 1992 ; que d'une part, elle n'a produit aucun justificatif de nature à établir l'existence d'une perte de revenus professionnels ni subi d'incapacité permanente partielle, ni enduré de souffrances physiques directement imputables à l'hystérectomie litigieuse ; mais que, d'autre part, cette intervention chirurgicale, si elle a amélioré son état physique, a été ressentie comme une mutilation qui a entraîné chez elle des troubles psychologiques et une détresse psycho-affective qui seront justement réparés par l'octroi de la somme de 100 000 F au del de laquelle elle n'a, malgré l'invitation de la Cour à ce faire, pas souhaité chiffrer la valeur de son préjudice ; que la réparation du dommage résultant pour Mme Z... de la perte de chance de renoncer à l'intervention litigieuse doit cependant n'être fixée qu'à une fraction des chefs de préjudice subis ; que, compte-tenu du rapprochement entre le stade important du prolapsus affectant Mme Z... et des risques respectivement encourus à la suite d'interventions conservatrices ou d'une hystérectomie, cette fraction doit, en l'espèce être fixée à la moitié ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme Z... en le fixant à 50 000 F au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, le centre hospitalier de Belfort doit être condamné à verser la somme de 50 000 F à Mme Z... ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dès lors qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Z... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du 5 octobre 1995, les frais de l'expertise ordonnée par le juge du référé administratif doivent être entièrement mis à la charge du centre hospitalier de Belfort ;
Article 1er : Les conclusions dirigées à l'encontre du docteur Y... sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : le jugement n 93-1122 en date du 5 octobre 1995 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 3 : Le centre hospitalier de Belfort est condamné à verser à Mme Z... une somme de cinquante mille francs (50 000 F).
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge du référé administratif de Besançon sont enti rement mis à la charge du centre hospitalier de Belfort.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme Z... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Z..., au centre hospitalier de Belfort et au docteur Y....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC01993
Date de la décision : 04/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LION
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2000-05-04;95nc01993 ?
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