(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 septembre 1995, présentée pour la Société JOEUF-MATERIAUX ( SARL), dont le siège est ... à Moutiers (Meurthe-et-Moselle) représentée par son gérant, par Me Oswald, avocat à la Cour ;
La SARL JOEUF-MATERIAUX demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n 93190 en date du 27 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge, ensemble, du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, dans les rôles de la commune de Moutiers, ainsi que des pénalités y afférentes, et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, par avis de mise en recouvrement du 11 juillet 1989, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2000 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Président ;
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;
En ce qui concerne l' impôt sur les sociétés :
Sur la réintégration des amortissements et des provisions :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction des charges comprenant notamment les amortissements réellement effectués et les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ; qu'il appartient en toute hypothèse au contribuable, s'agissant d'écritures portant sur des charges, non seulement de justifier du montant des sommes correspondantes, mais également d'établir qu' elles ont été régulièrement inscrites dans les écritures comptables avant le délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l' exploitation qui, en ce qui concerne les exercices clos le 31 décembre des années 1983 à 1987, expirait au plus tard, compte tenu des mesures administratives d'assouplissement, au cours du mois de mai de l'année suivante ; qu' il est constant que la SARL JOEUF-MATERIAUX n' a souscrit ses déclarations que le 17 décembre 1987 en ce qui concerne ses exercices clos en 1983, 1984, 1985 et 1986 , et le 15 décembre 1988 en ce qui concerne son exercice clos en 1987 ; que dans ces conditions la requérante ne justifie pas, en se prévalant seulement de ce que sa comptabilité tenue par un comptable salarié est régulière et probante et de ce que le dépôt tardif de ses déclarations résulte de difficultés financières qui ne lui permettaient pas de payer son expert comptable, sans qu'y fasse obstacle en tout état de cause l'instruction administrative 5 - B 8212 du 1er juillet 1986 qui ne contient que des recommandations, que les dotations aux amortissements et aux provisions dont l'administration a refusé la déduction de ses résultats des exercices susmentionnés auraient été effectivement comptabilisées en charge avant le délai susindiqué fixé pour la souscription de ses déclarations annuelles de résultats ;
Sur les redressements résultant de l'extinction de dettes de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'en raison de la prescription du droit de reprise de l'administration, les dettes de taxe sur la valeur ajoutée de 41 145 F au titre de l'année 1983 et 55 661 F au titre de l'année 1984 figurant au passif du bilan ont été éteintes respectivement en 1986 et en 1987 ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a rehaussé les résultats déclarés de ces deux derniers exercices des profits nés de l'extinction de ces dettes ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'à l'appui de sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, la société requérante se borne à se prévaloir par voie de compensation, de ce qu'elle aurait en réalité disposé au 1er janvier 1985 d'un crédit de taxe déductible et donc reportable de 64 073 F, ainsi qu'à la date du 31 décembre 1987, au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1985 et le 31 décembre 1987, d'un excédent de déductions omises d' un montant de 88950 F ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts prises sur le fondement de l 'article 273 dudit code, que la taxe dont la déduction a été omise sur la déclaration afférente au mois au titre duquel elle était déductible ne peut, à condition de faire l'objet d'une inscription distincte, figurer que sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'omission ; que, dès lors, en admettant même que la SARL JOEUF-MATERIAUX ait réellement disposé au 31 décembre 1984 , comme elle le prétend, d'un crédit de taxe déductible dont le report a été omis , ainsi que de droits à déduction qu' elle n'a pas utilisés au cours des années litigieuses, elle ne justifie pas qu'elle aurait fait figurer le montant de cette taxe sur ses déclarations ultérieures dans les conditions exigées par l'article 224 susmentionné de l'annexe II au code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que si la requérante invoque l'instruction administrative 13 L-1327 (n 4 à 10) du 1er juillet 1989 selon laquelle " la compensation entre des droits rappelés pour défaut de déclaration d'opérations imposables et une surtaxe résultant de l'omission, par erreur, de déductions autorisées est possible même si le délai fixé par l'article 224 de l'annexe II au CGI pour opérer les déductions susvisées est venu à expiration "; le différend, d' une part, ne porte pas sur l'interprétation du texte législatif sur lequel était fondée l'imposition primitive, et, d'autre part ne résulte pas de l'application par le redevable lui-même d'un texte fiscal selon une interprétation qu'en aurait donnée l'administration ; qu'ainsi ladite instruction ne peut être utilement invoquée sur le fondement de l' article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que la société requérante n'établit pas le bien-fondé de sa demande de compensation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL JOEUF-MATERIAUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;
Article 1er : La requête de la SARL JOEUF-MATERIAUX est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL JOEUF-MATERIAUX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.