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06/01/2000 | FRANCE | N°97NC02077

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 06 janvier 2000, 97NC02077


(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 18 août 1993, présentée pour Mme X..., demeurant Les Souleias - Bâtiment C - Avenue T. Aubal à Draguignan (Var), représentée par la société civile professionnelle Drap-Hestin, avocat à Frejus ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n 91-1203 en date du 15 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à la condamnation du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy à lui verser la somme de 150 000 F en rép

aration du préjudice subi à la suite de deux interventions chirurgicales prat...

(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 18 août 1993, présentée pour Mme X..., demeurant Les Souleias - Bâtiment C - Avenue T. Aubal à Draguignan (Var), représentée par la société civile professionnelle Drap-Hestin, avocat à Frejus ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n 91-1203 en date du 15 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à la condamnation du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy à lui verser la somme de 150 000 F en réparation du préjudice subi à la suite de deux interventions chirurgicales pratiquées les 6 mars et 5 juillet 1989 ;
2°/ de condamner le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy à lui payer la somme de 150 000 F et d'ordonner une expertise complémentaire ;
Vu la décision n 168313 en date du 30 juillet 1997 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 22 décembre 1994 et lui a renvoyé ladite affaire ;
Vu les mémoires enregistrés au greffe de la Cour les 15 mai 1998, 19 mai et 24 juin 1999, présentés pour Mme X... par la société civile professionnelle WAQUET-FARGE-HAZAN, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation qui conclut :
- d'une part, à la condamnation du Centre Hospitalier Universitaire de Nancy à lui verser la somme de 150 000 F augmentée des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable, capitalisés aux 29 mars 1995, 14 mai 1997, 15 mai 1998 et 19 mai 1999 ;
- et, d'autre part, à l'allocation de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article L8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème Chambre, portant clôture de l'instruction de la présente affaire au 28 juin 1999 à 16 heures, et en vertu de laquelle, en application de l'article R. 156, du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 1999 :
- le rapport de M. LION, Premier Conseiller,
- les observations de Me VILMIN, avocat du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE NANCY,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du Docteur Y..., expert désigné en référé par le président du tribunal Administratif de Nancy, que Mme Gisèle X... a, en raison d'une tumeur du sein, subi en octobre 1987 une mastectomie totale gauche, suivie de radiothérapie ; qu'elle a ensuite été hospitalisée, du 5 au 16 mars 1989 au Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy, dans le service du professeur Z... pour une autre opération destinée à reconstituer son sein gauche, puis a été, à nouveau, admise, dans le même service du 4 au 11 juillet 1989 en vue d'une reconstitution de la plaque aérolo-mammelonnaire qui a cependant échoué ; que malgré la rééducation entreprise, le port d'un brassard de compression associé à un traitement médical et des drainages lymphatiques pendant deux ans, Mme X... reste toutefois atteinte d'une limitation de motricité de l'épaule gauche ; que cet expert conclut, d'une part, que "la dénervation du grand dentelé est la conséquence de l'intervention chirurgicale pratiquée le 5 mars 1989, due soit à une excision du nerf denté en même temps que le lambeau grand dorsal, soit à une particularité anatomique à type d'innervation commune grand dorsal-grand dentelé " mais d'autre part, " qu'il ne s'agit pas d'une conséquence normale de ce type d'intervention" ;
Considérant, en deuxième lieu , qu'avant de procéder à une opération de reconstruction plastique à but esthétique, le praticien, est tenu à une obligation d'information particulièrement étendue à l'égard de son client qu'il se doit d'informer de tous les risques encourus, même bénins ou rares ; que, dès lors qu'il n'était pas contesté en première instance par le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy que l'attention de la patiente n'a pas été attirée sur "une conséquence imprévue et, en tout cas, atypique de l'intervention qu'elle envisageait de subir", Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, dans son jugement attaqué, considéré qu'eu égard au caractère exceptionnel de la complication survenue, ce manquement au devoir d'information pesant sur le praticien ne constituait pas une faute de nature à engager, en l'espèce, la responsabilité du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy ;
Considérant, en troisième lieu, que si le Centre Hospitalier Régional et universitaire de Nancy soutient que le préjudice de l'appelante serait partiellement imputable à la radiothérapie subie avant l'opération de restructuration plastique litigieuse, il ne justifie pas ses simples allégations, qui, par suite, doivent être rejetées ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du Docteur Y..., que les séquelles de l'intervention subie par Mme X..., alors âgée de 43 ans, sont imputables à l'opération fautive et consistent en un enraidissement de l'épaule gauche, une paralysie du grand dentelé, des douleurs scapulo-thoraciques gauches, une diminution relative de la force du membre supérieur gauche ; qu'elles ont justifié le port de pansements post-opératoires pendant plusieurs mois et nécessité une rééducation fonctionnelle de longue durée ainsi qu'un traitement antalgique qui ont conduit l'expert à évaluer à 15 % l' incapacité permanente partielle en résultant et à fixer son pretium doloris à 3/7 ; que Mme X..., qui n'a pu reprendre son activité professionnelle d'agent hospitalier qu'à mi-temps thérapeutique le 4 janvier 1990 et, à temps complet le 4 ao t suivant, ne fait pas, dans les circonstances de l'espèce une évaluation excessive de ses préjudices en demandant la somme globale de 150 000 F en réparation des troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence, y compris ses souffrances physiques et ses préjudices d'agrément et esthétique ; qu'il y a donc lieu de condamner le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy à lui verser ladite somme ;
Sur les intérêts :
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme X... a droit, d'une part, aux intérêts au taux légal à compter du jour de réception de sa demande préalable par le Centre Hospitalier Régional Universitaire de Nancy et, que d'autre part, lesdits intérêts doivent eux-mêmes être capitalisés aux 29 mars 1995, 14 mai 1997, 15 mai 1998 et 19 mai 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu' en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy à verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Article 1 : Le jugement n 91-1203 du 15 juin 1993 du tribunal administratif de Nancy est annulé .
Article 2 : Le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy versera à Mme Gisèle X... la somme de cent cinquante mille francs (150.000 F) , avec intérêts au taux légal à compter du jour de réception de sa demande préalable par l'hôpital et capitalisation de ceux-ci aux 29 mars 1995, 14 mai 1997, 15 mai 1998 et 19 mai 1999.
Article 3 : Le Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy versera à Mme X... une somme de dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X..., au Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nancy, et à la Caisse d'Assurance Maladie du Var.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 97NC02077
Date de la décision : 06/01/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LION
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2000-01-06;97nc02077 ?
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