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02/12/1999 | FRANCE | N°95NC00805

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 02 décembre 1999, 95NC00805


(Troisième Chambre)
Vu la requête et les mémoires, enregistrés sous le N 95NC0080, les 28 avril et 24 mai 1995, 2 et 21 mai 1997 et 6 avril 1998 au greffe de la Cour, présentés pour la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France (M.A.C.I.F) dont le siège social est situé ... (Deux Sèvres) par Maître BOURGAUX avocat ;
La M.A.C.I.F. demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 91-610 du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons sur Marne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre Hospitalier Général de Saint Di

zier à lui verser les sommes de 6 318 984 F et 52 157, 94 F en réparation ...

(Troisième Chambre)
Vu la requête et les mémoires, enregistrés sous le N 95NC0080, les 28 avril et 24 mai 1995, 2 et 21 mai 1997 et 6 avril 1998 au greffe de la Cour, présentés pour la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France (M.A.C.I.F) dont le siège social est situé ... (Deux Sèvres) par Maître BOURGAUX avocat ;
La M.A.C.I.F. demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 91-610 du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons sur Marne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre Hospitalier Général de Saint Dizier à lui verser les sommes de 6 318 984 F et 52 157, 94 F en réparation de la faute commise par cet établissement dans l'organisation du service ;
2 ) - de renvoyer l'affaire aux premiers juges ;
3 ) - de lui allouer 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autre pièces des dossiers ;
Vu la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ordonnance du Président de la 3 Chambre, portant clôture de l'instruction de la présente affaire au 16 avril 1999 à 16 heures, et en vertu de laquelle, en application de l'article R.156, du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la cour ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 1999 :
- le rapport de M. LION, Premier-Conseiller,
- les observations de Me Bourgaux, avocat de la M.A.C.I.F. ,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. Arnaud X..., âgé de 15 ans, victime d'un accident de la circulation, a été admis le 19 juin 1986 à l'hôpital général de Saint Dizier ; que, par jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 7 janvier 1991 rendu en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France (M.A.C.I.F) , a été condamnée, en sa qualité d'assureur de l'auteur de l'accident, à indemniser les préjudices subis par M. Arnaud X... à concurrence d'un montant de 6 318 984 F et par la Caisse d'Allocations familiales des Yvelines à hauteur de la somme de 52 157, 94 F ; qu'après avoir respectivement réglé, selon quittances en dates des 18 mars et 19 juillet 1991, la somme de 2 681 401 F à M. Arnaud X... et la somme de 59 458,04 F à la Caisse d'Allocations familiales des Yvelines, cet assureur s'est trouvé ainsi subrogé, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les droits et actions dont disposent les personnes indemnisées et a mis en cause la responsabilité du service public hospitalier par requête enregistrée le 11 juin 1991 au greffe du tribunal administratif de Châlons sur Marne ;
Considérant que, si par jugement en date du 23 février 1995, le tribunal administratif de Châlons sur Marne a rejeté la demande susvisée de la M.A.C.I.F. au motif tiré du défaut de réclamation préalable, la mutuelle appelante produit devant la cour une lettre circonstanciée en date du 17 décembre 1990, adressée au Centre Hospitalier Général de Saint Dizier, et reçue le 19 suivant, dans laquelle elle indiquait les carences dont l'hôpital devait supporter les conséquences pécuniaires et qu'une instance judiciaire était en cours pour fixer l'indemnité devant revenir à la victime à qui une provision de 200 000 F avait déjà été versée ; que ce courrier constituant une demande préalable dont le rejet implicite a, en l'espèce, lié le contentieux, le jugement du 23 février 1995 du tribunal administratif de Châlons sur Marne doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la M.A.C.I.F. devant le tribunal administratif de Châlons sur Marne ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le Centre Hospitalier Général de Saint Dizier :
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci dessus, la M.A.C.I.F., alors même qu'elle n'a versé aucune indemnité au titre de la perte de chance, s'est trouvée légalement subrogée à compter des 18 mars et 19 juillet 1991 dans les droits et actions de M. X... et de la Caisse d'Allocations familiales des Yvelines, dans les limites dans lesquelles ces subrogeants pouvaient les exercer ; que la première de ces dates de paiement étant antérieure à l'introduction de la requête susmentionnée devant le tribunal administratif de Châlons- sur- Marne, l'assureur justifiait, par suite, d'un intérêt lui donnant qualité à agir, dès lors qu'il n'est pas établi en l'espèce que ses subrogeants auraient antérieurement entendu renoncer à leur créance, alors même qu'un jugement du même tribunal administratif devenu définitif a rejeté comme irrecevable, le 2 février 1993, une première demande d'indemnisation de M. X... qui n'a d'ailleurs pas déposé par la suite de nouvelle demande d'indemnisation ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que dans sa requête de première instance, la M.A.C.I.F. recherchait la responsabilité de l'hôpital défendeur en se fondant sur la faute et la perte de chance subséquente entachant les conditions du transfert de M. X... en clinique privée en vue d'y être opéré d'une rupture traumatique de l'isthme de l'aorte, à la suite de laquelle celui-ci s'est réveillé paraplégique, la fin de non recevoir tirée de ce que la requête était mal dirigée ne peut qu'être rejetée ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public." ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond.";
Considérant qu'à supposer établi, comme le soutient l'hôpital défendeur, que le délai de prescription quadriennale prévu à l'article 1er de la loi précitée ait commencé à courir à compter du 1er janvier 1987, celui-ci a, en tout état de cause, été interrompu par la réclamation préalable susmentionnée, reçue ainsi qu'il a été dit ci-dessus le 19 décembre 1990 par le Centre Hospitalier Général de Saint Dizier ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale doit être rejetée ;
Sur la responsabilité :
Considérant que si la M.A.C.I.F. soutient que le Centre Hospitalier Général de Saint Dizier aurait fait perdre à M. X... une chance de se rétablir en diagnostiquant avec retard une rupture de l'isthme de l'aorte et en prenant à tort et, en tout cas, tardivement la décision de le transférer dans une clinique privée ne disposant pas d'un plateau technique suffisant ni d'une unité de chirurgie vasculaire, le dossier soumis à la cour ne comporte pas d'élément lui permettant, en l'état, d'apprécier les responsabilités antérieures à l'opération du 25 juin 1986 ; qu' il y a lieu, en conséquence, d'ordonner une expertise contradictoire aux fins précisées ci-après ;
Article 1er : Le jugement n 91-610 du tribunal administratif de Châlons sur Marne en date du 23 février 1995 est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité présentée par la M.A.C.I.F., procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise en vue de :
- 1 ) décrire les conditions dans lesquelles M. Arnaud X... a été hospitalisé le 19 juin 1986 à l'hôpital général de Saint Dizier, déterminer les soins et traitements qu'il y a reçus en recherchant si ceux-ci étaient adaptés à son état,
- 2 ) réunir tous les élément devant permettre de déterminer si des fautes médicales, de soins, et/ou dans l'organisation et le fonctionnement du service ont été commises lors de l'hospitalisation de l'intéressé. - 3 ) se prononcer tant sur l'origine de l'état actuel de M. X... que sur les raisons, l'opportunité et l'urgence de la décision de le transférer en clinique privée ainsi que sur l'éventuelle perte de chance de guérison en résultant et sur le taux d'aggravation de l'état préexistant du blessé directement imputable à ce transfert ;
Article 3 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. X... et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiqué sur l'intéressé au cours de son hospitalisation, il pourra entendre toute personne ayant donné des soins à M. X....
Article 4 :Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par la présente décision, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la M.A.C.I.F., au Centre Hospitalier Général de Saint-Dizier ainsi qu'à l'expert.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00805
Date de la décision : 02/12/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - POINT DE DEPART DU DELAI.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - DECISION ADMINISTRATIVE PREALABLE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RETARDS.


Références :

Code des assurances L121-12
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 7


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LION
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-12-02;95nc00805 ?
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