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04/05/1999 | FRANCE | N°95NC00043

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 04 mai 1999, 95NC00043


(Troisième Chambre)
Vu la requête enregistrée le 11 janvier 1995 au greffe de la Cour, présentée pour Mme X... demeurant... , par Maître Y..., avocat aux conseils ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) - d'infirmer le jugement du 17 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-mer, responsable de la moitié des conséquences de l'absence de diagnostic d'une luxation de l'épaule droite le 6 juillet 1987 et l'a condamné à lui

verser la somme de 20 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 d...

(Troisième Chambre)
Vu la requête enregistrée le 11 janvier 1995 au greffe de la Cour, présentée pour Mme X... demeurant... , par Maître Y..., avocat aux conseils ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) - d'infirmer le jugement du 17 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-mer, responsable de la moitié des conséquences de l'absence de diagnostic d'une luxation de l'épaule droite le 6 juillet 1987 et l'a condamné à lui verser la somme de 20 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1991 ;
2 ) - de déclarer cet établissement hospitalier entièrement responsable de cet accident et de porter le montant des condamnations à lui payer, avec intérêts au taux légal courant à compter du 9 décembre 1991, aux sommes de :
- 157 500 F au titre de sa perte de revenus de ses deux périodes d'incapacité temporaire totales allant du 6 juillet 1987 au 19 juin 1988 et du 13 mars au 13 mai 1989 et de sa période d'incapacité temporaire partielle allant du 19 juin 1988 au 13 mars 1989 ;
- 38 291,62 F au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, dont 12 228,18 F sont restés sa charge ;
- 100 000 F au titre de son invalidité permanente partielle de 20 % ;
- 50 000 F pour les souffrances physiques estimées assez importantes par l'expert ;
- 10 000 F au titre de l'article l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance du Président de la 3 ème Chambre, portant clôture de l'instruction au 5 mars 1999 de la présente affaire, et en vertu de laquelle, en application de l'article R.156 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 1999 :
- le rapport de M. LION, Premier-Conseiller,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, le 6 juillet 1987 vers 17 heures, Mme X... est tombée à l'eau dans le parc de loisirs de Bagatelle, alors qu'elle s'apprêtait à monter sur un pédalo et a été sortie de l'eau par deux personnes présentes qui l'ont tirée par le bras droit ; que Mme X... forme régulièrement appel du jugement du 17 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-Mer, responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'absence de diagnostic d'une luxation de l'épaule droite et a fixé au quart du taux d'invalidité permanente partielle le pourcentage d'aggravation directement imputable au service public hospitalier en raison de la faute commise dans l'examen clinique insuffisant de Mme X... ;
Sur la responsabilité :
Considérant, qu'après avoir été soignée à l'infirmerie du parc de Bagatelle, Mme X... a été présentée le même jour au service des urgences du centre hospitalier de Berck-sur-Mer, où, d'une part, seules des radiographies de son coude droit ont été réalisées et, d'autre part, elle n'a été que sommairement examinée par un interne qui, sans procéder à l'examen de son épaule, a prescrit, avant de la laisser rentrer à son domicile, un traitement calmant pour ses douleurs violentes qu'il considérait comme simplement musculaires ; que, le lendemain, Mme X... a consulté son médecin personnel qui a également négligé de procéder à l'examen clinique de la patiente, se contentant de demander à consulter les clichés radiographiques pris la veille à l'hôpital ; que ce médecin-traitant n'a procédé que le 9 juillet suivant à un examen clinique sérieux de sa cliente, à l'issue duquel, il a diagnostiqué une luxation de l'épaule droite, confirmée par un examen radiologique ultérieur révélant une fracture du trochiter, qui a été réduite orthopédiquement le 10 juillet suivant et suivie d'une immobilisation de l'épaule en écharpe pendant 15 jours, puis, de soins de rééducation fonctionnelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que les lésions antéro-internes de l'épaule subies par Mme X... étaient de diagnostic facile à condition de faire déshabiller l'intéressée et de bien regarder les modifications des reliefs de l'épaule ; que ce diagnostic clinique pouvait être effectué à l'arrivée de Mme X... au centre hospitalier de Berck-sur-Mer et confirmé par une radiographie de l'épaule qui auraient permis une réduction plus précoce de la luxation de l'épaule droite de l'appelante et des lésions nerveuses moins importantes que celles qui ont été constatées après les retards de diagnostics imputables au centre hospitalier de Berck- sur-Mer et au médecin habituel de l'appelante ;
Considérant qu'en raison de l'effet cumulatif des retards de diagnostics successifs, Mme X... n'est toutefois pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a considéré que seule, la moitié des conséquences dommageables était directement imputables à l'accident susvisé du 6 juillet 1987 ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant, en premier lieu, que, dès lors que Mme X... n'apporte pas la preuve d'une perte de revenus d'un montant supérieur, les premiers juges ont, par suite, exactement apprécié cette perte en la fixant à la somme de 64 766,04 F, représentant le montant des indemnités journalières que lui a versé la caisse primaire d'assurance maladie de la circonscription de Dunkerque au titre de ses périodes d'incapacité temporaire de travail allant du 7 août 1987 au 15 juin 1988 et du 13 mars au 7 juin 1989 ; que l'appelante n'est donc pas fondée à réclamer à ce titre la somme de 157 500 F ;
Considérant, en deuxième lieu, que Mme X... soutient sans être contredite que le montant des frais médicaux s'est élevé à la somme de 38 291, 82 F ; qu'ainsi, ce chef de préjudice doit être fixé à cette somme ;
Considérant en troisième lieu, qu'il résulte des rapports du professeur Z..., expert nommé par le juge du référé administratif de Lille, que Mme X..., âgée de 64 ans lors de l'accident litigieux, a présenté un traumatisme fermé du membre supérieur droit qui a été à l'origine d'une luxation négligée de l'épaule droite avec sidération du plexus brachial et probablement aussi des lésions nerveuses du poignet droit au regard des séquelles d'une fracture ancienne ; que les lésions neurologiques de l'épaule ont eu une évolution favorable mais incomplètement régressive et qu'un syndrome du canal carpien a donné lieu, le 16 mars 1989, à une intervention chirurgicale destinée à libérer le nerf médian qui a été suivie d'une rééducation fonctionnelle de 6 semaines ; qu'à la suite de l'accident, elle a subi une période d'incapacité temporaire totale allant du 6 juillet 1987 au 19 juin 1988 et une période d'incapacité temporaire partielle allant du 19 juin 1988 au 13 mars 1989 évaluée à 25 % par l'expert jusqu'à la consolidation de son état intervenue le 13 mai 1989 ; que, les séquelles imputables au retard de soins en cause, qui gênent l'appelante, consistent, d'une part, en une raideur moyenne de l'épaule droite s'accompagnant de troubles trophiques associés et, d'autre part, en une légère raideur du poignet ainsi qu'en une diminution de la force segmentaire de la main ; que Mme X... soutenant à juste titre que le professeur Z... n' a pas, dans ses deux rapports d'expertise précités, fixé la part d'aggravation de l'incapacité permanente partielle de 20 % en résultant pour elle et directement imputable à la faute du service public hospitalier, celle-ci sera justement évaluée aux quatre dixièmes dudit taux ; qu'il convient donc de réformer le jugement frappé d'appel sur ce point en portant la réparation de ce chef de préjudice à la somme de 40 000 F dont la moitié est allouée au titre des troubles physiologiques dans les conditions d'existence ;
Considérant, en quatrième lieu que les souffrances physiques endurées par Mme X... sont évaluées par l'expert à 4 sur une échelle allant de 1 à 7 ; que les troubles subis dans ses conditions d'existence seront, en l'espèce, justement appréciés à la somme de 40 000 F, dont les quatre dixièmes sont directement imputables à la faute du service public hospitalier ; qu'il y a donc lieu de réformer sur ce point le jugement attaqué en portant ce chef de préjudice à cette dernière somme ;

Considérant qu'en vertu de ce qui précède, le préjudice total directement imputable à la faute du service public hospitalier s'élève à la somme totale de 135 057,86 F dont la moitié, soit la somme de 67 528,94 F incombe au centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-Mer ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque a droit au remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément ; qu'en l'espèce, si les débours justifiés de cette caisse au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, et indemnités journalières se sont élevés à 90 829,68 F, il y a cependant lieu, compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus, de ramener à la somme de 43 528,94 F la condamnation du centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et de réformer sur ce point le jugement attaqué ;
Sur les droits de Mme X... :
Considérant que Mme X... a droit au remboursement d'une somme égale à la différence entre le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier général fautif et la créance de la caisse ; qu'ainsi ses droits s'élèvent à la somme de 24 000 F au paiement desquels le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer doit être condamné ;
Sur les intérêts :
Considérant qu'ainsi que l'ont décidé les premiers juges, Mme X... a droit aux intérêts de la somme susmentionnée de 24 000 F à compter du 9 décembre 1991, date de réception de sa demande préalable au directeur de l'établissement hospitalier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-Mer à payer à Mme X... une somme de 4 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, venant aux droits du centre hospitalier de Berck-sur-Mer est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque la somme de 43 528,94 F.
Article 2 : Le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer est condamné à payer à Mme X... la somme de 24 000 F, qui portera intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1991.
Article 3 : Le jugement du 17 novembre 1994 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer est condamné à payer à Mme X... la somme de 4 000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X..., au centre hospitalier général de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et à la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00043
Date de la décision : 04/05/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

61-06-025 SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE DES HOPITAUX (VOIR RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE)


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LION
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-05-04;95nc00043 ?
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