La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/1999 | FRANCE | N°94NC01660

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 08 avril 1999, 94NC01660


(Troisième Chambre)
Vu la requête et les mémoires, enregistrés le 24 novembre 1994 et le 31 mars 1995 au greffe de la Cour, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN, dont le siège est à Seclin (Nord), représenté par son directeur en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 27 janvier 1995, par Me Le Prado, avocat aux conseils ;
Le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 22 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable du décès du jeune

Frédéric Z... et l'a condamné à verser diverses indemnités aux consorts Z.....

(Troisième Chambre)
Vu la requête et les mémoires, enregistrés le 24 novembre 1994 et le 31 mars 1995 au greffe de la Cour, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN, dont le siège est à Seclin (Nord), représenté par son directeur en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 27 janvier 1995, par Me Le Prado, avocat aux conseils ;
Le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 22 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable du décès du jeune Frédéric Z... et l'a condamné à verser diverses indemnités aux consorts Z... ;
2 ) de rejeter la demande des consorts Z... devant le tribunal administratif de Lille ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du Président de Chambre de la Cour portant clôture de l'instruction de la présente affaire au 5 février 1999, et, en vertu de laquelle, en application de l'article R.156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1999 :
- le rapport de M. LION, Premier-Conseiller,
- les observations de Me X..., de la SCP TOULET-DELBAR-COCHET-BONDUE-JUVENE, avocat de M. et Mme Z..., de Mme A... et de M. Y...,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL de SECLIN forme régulièrement appel du jugement du 22 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable du décès de Frédéric Z... et l'a condamné à verser aux consorts Z..., diverses sommes en réparation du préjudice que ces derniers ont subi du fait du décès, avec intérêts légaux à compter du 17 avril 1992 et capitalisation de ceux-ci au 30 juin 1994 ;
Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER GENERAL de SECLIN :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi à la suite de l'expertise prescrite par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille, en date du 11 février 1989, que le jeune Frédéric Z..., alors âgé de onze ans, a été admis en urgence à l'hôpital de Lille le 8 juin 1988 vers 19 heures pour une fracture du col huméral gauche, à la suite d'un accident de judo ; qu'en vue de l'intervention prévue pour la réduction de sa fracture par voie sanglante, un bilan pré-opératoire complet a été pratiqué par l'anesthésiste réanimateur et l'enfant laissé à jeun pour le lendemain matin ; que cet examen, comme d'ailleurs la précédente anesthésie générale pratiquée sept ans plus tôt sur lui, n'ont pas révélé de contre-indication à l'anesthésie générale, ni de prédisposition particulière à un accident cardiaque, ni à réaction hyperthermique prévisible ; que seuls, le bilan de sensibilité effectué à partir d'une biopsie musculaire prélevée sur le jeune Z... en cours d'opération dès le déclenchement de la réaction allergique et musculaire et les biopsies sur des prélèvements effectués sur son père et son frère les 19 et 21 juillet 1988, ont permis de confirmer le risque d'hyperthermie maligne ainsi que le caractère héréditaire de l'anomalie musculaire en cause dans cette hyperthermie ; qu'après neuf arrêts cardiaques survenus dans la nuit précédente, l'enfant décédera le 9 juin à onze heures dans un tableau d'insuffisance cardiocirculatoire résistante à toutes les thérapeutiques, consécutivement à une hyperthermie maligne per-anesthésique ayant entraîné une rhabdomyolose majeure avec insuffisance rénale aiguë ;

Considérant, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN, que si l'hyperthermie maligne est une affection gravissime, le plus souvent mortelle en l'absence de traitement, aucun accident d'anesthésie n'était, au jour de l'opération, connu dans la famille de la victime, dont la myopathie latente était restée jusque là sans manifestation clinique ; que, par suite, Frédéric Z... ne pouvait être regardé comme particulièrement exposé au risque d'hyperthermie maligne lors d'une anesthésie à l'isoflurane ; que, dès lors qu'était imprévisible sa prédisposition à ce risque qui ne s'est révélée qu'après les injections de produits anesthésiques, le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé qu'étaient réunies les conditions engageant sa responsabilité sur le fondement du risque ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 22 septembre 1994, qui est suffisamment motivé, par lequel les premiers juges l'ont condamné à indemniser les ayants-droit de la victime du préjudice moral subi par chacun d'eux et, que, par suite, la requête doit être rejetée ;
Sur les conclusions incidentes des consorts Z... :
En ce qui concerne les parents de la victime :
Considérant, en premier lieu, que, si M. et Mme Patrick Z... demandent à la Cour de majorer de 20 000 F l'indemnité mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER de SECLIN en réparation de leur préjudice moral, le tribunal administratif de Lille n'a cependant pas fait une appréciation insuffisante de leur douleur morale respective, consécutivement au décès de leur fils Frédéric, en l'évaluant à 80 000 F ; que leurs conclusions indemnitaires à titre personnel ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme Patrick Z... demandent à la Cour, es-qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs Cédric, Nathalie et Audrey, de majorer de 35 000 F l'indemnité mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER de SECLIN en réparation du préjudice moral de chacun d'eux à la suite du décès de leur frère Frédéric ; qu'en évaluant seulement à la somme de 15 000 F la réparation de la douleur morale des frère et soeurs de la victime, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une appréciation suffisante des préjudices subis par les intéressés à qui il y a lieu d'allouer, au titre de la douleur morale de chacun, la somme de 30 000 F ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;
Considérant, en dernier lieu, que Mme A... veuve Z... et M. Y..., respectivement grands-parents maternel et paternel de la victime, demandent également à la Cour de majorer de 35 000 F l'indemnité que leur ont accordée les premiers juges au titre de la douleur morale éprouvée à la suite du décès de leur petit-fils Frédéric et évaluée à la somme de 15 000 F qui en constitue cependant une appréciation suffisante ; que, par suite les conclusions de Mme veuve Z... et de M. Y... doivent être rejetées ;
Sur les intérêts :

Considérant que les consorts Z... ont droit à ce que le montant des indemnités mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER de SECLIN par le présent arrêt soit majoré des intérêts au taux légal à compter du jour de l'enregistrement de leur demande du 7 septembre 1992 devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN à payer à M. et Mme Patrick Z..., es-qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs Cédric, Nathalie et Audrey une somme de 4 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER de SECLIN est rejetée.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN est condamné à verser à M. et Mme Patrick Z... au nom de chacun de leurs trois enfants mineurs la somme de 30 000 F, soit la somme totale de 90 000 F, en réparation du préjudice moral subi par ces derniers.
Article 3 : Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1992.
Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes des consorts Z... est rejeté.
Article 5 : Le CENTRE HOSPITALIER de SECLIN est condamné à verser à M. et Mme Patrick Z..., es-qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs Cédric, Nathalie et Audrey une somme de 4 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER de SECLIN, à M. et Mme Patrick Z..., à Mme Hélène A..., à M. Jean-François Y... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01660
Date de la décision : 08/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE SANS FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MORAL - DOULEUR MORALE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LION
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-04-08;94nc01660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award