(Troisième chambre)
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 11 avril 1994 et 23 décembre 1994 au greffe de la Cour, présentée pour l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX par Me Y..., avocat ;
L'OFFICE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 14 octobre 1993 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a, dans son article 6, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de MM. Z... et X..., architectes, et la SNC Quillery, venant aux droits de la société Ferrel Savinel, à lui payer 1 219 735 F pour les désordres consistant en fissurations d'enduits de façades affectant un ensemble de 92 logements réalisés à Villeneuve d'Asq ;
2 ) de prononcer cette condamnation, plus les intérêts et leur capitalisation, à titre principal sur le fondement décennal, subsidiairement sur le fondement contractuel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 24 juillet 1995 le mémoire par lequel l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX demande la capitalisation des intérêts échus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 1998 :
- le rapport de Mme BLAIS , Premier Conseiller,
- les observations de Me A... de la SCP Sanders et Verley, avocat de la SNC Quillery,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant que, par son jugement du 14 octobre 1993, condamnant solidairement, sur le fondement de leur responsabilité décennale, MM. Z... et X..., architectes, et la SNC Quillery, venant aux droits de la société Ferrel Savinel, à indemniser l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX pour des désordres apparus sur des immeubles lui appartenant à Villeneuve d'Asq, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de l'office relative aux fissurations d'enduits de façade, au motif que ces désordres devaient être regardés comme apparents à la date de réception définitive des travaux ; que l'OFFICE, pour contester cette décision, soutient que, si l'existence d'infiltrations dans les logements avaient été signalée avant la réception, lesdites infiltrations n'étaient pas alors imputées à la fissuration des enduits de façade ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert commis en référé, que les immeubles en cause ont présenté de nombreuses infiltrations, avant et après la réception des travaux, et qui étaient imputables aux fissurations des façades ; que ces infiltrations ont toutefois reçu des réparations de l'entreprise, que l'expert a qualifiées d'efficaces, et ne font l'objet, du reste, d'aucune réclamation de l'OFFICE ; que la demande de ce dernier porte, en effet, sur les fissurations des façades elles-mêmes, et non sur les infiltrations qu'elles ont pu causer ; que l'OFFICE fait ainsi valoir à juste titre que les pièces antérieures à la réception des travaux, et sur lesquelles s'est fondé le tribunal administratif, ne mentionnaient pas les fissurations comme la cause des infiltrations ; que si, par ailleurs, on peut supposer que des fissurations étaient visibles avant la réception, il ne résulte nullement de l'instruction qu'il ait été possible dès ce moment, de prévoir dans toute son étendue le désordre auquel elles donneraient lieu ; que l'OFFICE est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté la responsabilité décennale des constructeurs à raison de ce désordre au motif qu'il devait être regardé comme apparent lors de la réception des travaux ; que la fissuration généralisée des enduits des façades exposées aux intempéries constitue, contrairement à ce qui est soutenu, un désordre de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; que ces désordres résultant, à dire d'expert, d'effets thermiques dus à une conception défectueuse des murs sont imputables aux architectes et à l'entreprise tenue au devoir de conseil et qui ne peuvent utilement se prévaloir de la conformité de l'ouvrage au DTU en vigueur à l'époque ;
Sur la réparation :
Considérant que l'OFFICE a droit au remboursement des travaux qu'il a effectués à ses frais pour corriger les désordres, et dont il justifie pour un montant de 79 266,56 F TTC ; que si l'expert désigné par le tribunal a évalué à 808 852 F TTC le coût des réparations nécessaires pour assurer aux façades une pérennité normale en appliquant une déduction de 30 % sur le coût réel pour laisser à la charge du maître d'ouvrage le coût de réfection des peintures, cette déduction n'est justifiée, ni par le motif allégué par l'expert, ni, eu égard à la date d'apparition des désordres, par la vétusté de l'ouvrage ; que l'OFFICE est par suite fondé à demander à ce titre le coût total des réparations tel qu'évalué par l'expert, soit 1 140 468 F ; qu'il y a lieu par suite, de condamner solidairement MM. Z... et X..., et la SNC Quillery, à payer à l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX une somme totale de 1 219 734,56 F qui portera intérêt à compter du 29 décembre 1986 ; que l'OFFICE a droit, comme il le demande, à la capitalisation des intérêts échus aux dates du 19 juin 1989, 15 octobre 1992, 11 avril 1994, 24 juillet 1995 et 23 novembre 1998; Sur les appels en garantie :
Considérant que si la SNC Quillery appelle en garantie les architectes, ces conclusions ne sont assorties d'aucune motivation ; qu'elles doivent par suite être rejetées ; que, contrairement à ce que soutiennent les architectes, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres soient imputables à des erreurs d'exécution ; que leurs conclusions en garantie contre l'entreprise fondées sur ce motif doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code :
Considérant que ces dispositions, dans les termes où elles sont rédigées, font obstacles à ce que les architectes, et la SNC Quillery , qui sont la partie perdante en appel, bénéficient de leur application ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner MM. Z... et X... et la SNC Quillery, à verser à l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX en application de ces dispositions, une somme de 10 000 F ;
Article 1ER : Le montant de la condamnation prononcée par le jugement du 20 octobre 1992 du tribunal administratif de Lille à l'encontre de MM. Z... et X..., architectes, et de la SNC Quillery, est porté à la somme totale de 1 219 734,56 F, avec intérêt au taux légal à compter du 29 décembre 1986, les intérêts échus les 19 juin 1989, 15 octobre 1992, 11 avril 1994, 24 juillet 1995 et 23 novembre 1998 étant capitalisés à ces dates pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : MM. Z... et X... et la SNC Quillery paieront solidairement à l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX une somme de 10 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, et les conclusions présentées par MM. Z... et X... et par la SNC Quillery sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE HLM COMMUNAUTAIRE DE ROUBAIX, à MM. Z... et X..., à la SNC Quillery et au ministre de l'Intérieur.