(Troisième Chambre)
Vu 1 la requête, enregistrée au greffe de la Cour, le 25 juillet 1994 sous le n 94NC01123 présentée pour le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN, représenté par le président de son conseil général en exercice, dûment autorisé, par Me X..., avocat ;
Le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement en date du 19 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont fut victime le 21 novembre 1989 l'élève Arnaud DE A... dans la cour du collège de Marmoutier ;
2 - de rejeter, en tant que dirigée contre lui, la demande présentée par M. Arnaud DE A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3 - de déclarer l'Etat entièrement responsable des dommages subis par M. Arnaud DE A... ;
4 - subsidiairement, de rejeter la demande de M. Arnaud DE A... ;
Vu 2 la requête, enregistrée le 8 septembre 1997 sous le n 97NC02049, présentée pour M. Arnaud DE A..., demeurant ... (Bas-Rhin), par Me Z..., avocat ;
M. DE A... demande à la Cour :
1 - de réformer le jugement du 8 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN à lui verser une indemnité de 5 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation de son préjudice ;
2 - à titre principal, d'ordonner un complément d'expertise et, à titre subsidiaire, de réserver ses droits à chiffrer son préjudice définitif ;
3 - de condamner solidairement le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN et l'Etat à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu 3 la requête, enregistrée le 8 septembre 1997 sous le n 97NC02052, présentée pour le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN, représenté par le président de son conseil général en exercice, dûment autorisé, par Me X..., avocat ;
Le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement du 8 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à M. Arnaud DE A... une indemnité de 5 000 F et à la caisse maladie régionale d'Alsace une indemnité de 500,70 F en réparation du préjudice résultant de l'accident du 21 novembre 1989 ;
2 - de rejeter la demande présentée par M. Arnaud DE A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les jugements attaqués ;
Vu les autres pièces des dossiers, inclus le rapport d'expertise déposé le 1er août 1994 ;
Vu la loi n 83-663 du 22 juillet 1983 modifiée ;
Vu le décret n 85-924 du 30 août 1985 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 1998 :
- le rapport de Mme BLAIS, Premier Conseiller ;
- les observations de Me Y... de la société civile professionnelle SOLER-COUTEAUX, avocat du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN, de Me Z... substituée par Me KONDRATUK, avocat de M. Arnaud DE A...,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux conséquences d'un même accident et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Sur les conclusions principale du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 21 novembre 1989, alors qu'il se tenait debout derrière un banc, dans la cour de récréation du collège de Marmoutier, et tandis que deux élèves avaient posé chacun un pied aux deux extrémités dudit banc, l'élève Arnaud DE A..., alors âgé de 14 ans, a été percuté à la mâchoire par une latte du banc, qui s'est brusquement relevée après que l'un des deux élèves ait retiré son pied ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 14-II de la loi susvisée du 22 juillet 1983 modifiée, "le département à la charge des collèges. A ce titre, il en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement, le fonctionnement ... " ; et qu'aux termes de l'article 14-1 de la même loi, "le département ... possède tous pouvoirs de gestion. Il assure le renouvellement des biens mobiliers ..." ; qu'il suit de là que le département a la charge de l'entretien des biens et matériels du collège, incluant les biens mobiliers tels que le banc en cause ; qu'en l'espèce, la désolidarisation d'une latte du banc est constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage, à l'égard duquel l'élève Arnaud DE A... avait la qualité d'usager ; que le département ne saurait utilement se prévaloir ni de ce qu'il n'est pas le service utilisateur direct du mobilier en cause, ni de la circonstance que des tiers auraient fait un usage anormal dudit ouvrage et qu'il n'établit pas que le défaut affectant le banc venait de survenir immédiatement avant l'accident ; que, dès lors, le département n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont fut victime M. DE A... ;
Sur les conclusions de M. DE A... et du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN dirigées contre l'Etat :
Considérant en premier lieu que si, dans un collège, il incombe au chef d'établissement, en sa qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, de prendre, en application des dispositions du décret susvisé du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement, toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes pour assurer la sécurité des personnes et des biens dans l'établissement, il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, le principal du collège de Marmoutier ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, au regard des dispositions du décret susrappelé ; que, par suite et en tout état de cause, M. DE A..., n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables résultant de l'accident litigieux ;
Considérant, en second lieu, qu'en première instance, le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN s'est borné à demander sa mise hors de cause sans présenter de conclusions contre l'Etat ; que, par suite, les conclusions d'appel en garantie qu'il a présentées en appel contre celui-ci constituent une demande nouvelle et ne sont dès lors pas recevables ;
En ce qui concerne la réparation :
Considérant qu'aucun principe général de la procédure administrative n'interdit au juge administratif, du premier ressort ou d'appel, d'accueillir des conclusions en condamnation d'une personne publique qui ne seraient pas chiffrées, dès lors qu'est sollicitée à titre principal de la juridiction saisie une expertise à l'effet justement de déterminer avec le maximum de précision, le préjudice dont la réparation est recherchée par le requérant ; que la fin de non-recevoir tirée par le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN du chiffrage tardif du préjudice allégué doit ainsi être écartée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, qu'à la suite de l'accident survenu au collège de Marmoutier le 21 novembre 1989, et dont la responsabilité a été mise à la charge du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN, M. Arnaud DE A..., alors âgé de 14 ans a été victime d'une fracture coronaire de la canine supérieure droite, et "qu'il a fallu procéder à une dépulpation immédiate de la dent afin de calmer la douleur et de prévenir tout danger d'infection" ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances physiques et du préjudice esthétique subis par l'intéressé en lui accordant une indemnité de 12 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise qu'il y a lieu de porter à 12 000 F la somme que le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN doit être condamné à verser à M. Arnaud DE A... ; que M. Arnaud DE A... est fondé à demander, dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ; que la requête du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN doivent dès lors être rejetées ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN à verser à M. Arnaud DE A... une somme de 8 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN à payer à la caisse maladie régionale d'Alsace des professions indépendantes la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN a été condamné à verser à M. Arnaud DE A... par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juillet 1997 est portée à 12 000 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juillet 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Les requêtes du DEPARTEMENT DU BAS-RHIN et le surplus des conclusions de la requête de M. Arnaud DE A... sont rejetés.
Article 4 : Le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN versera à M. Arnaud DE A... une somme de 8 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Les conclusions de la caisse maladie régionale d'Alsace des professions indépendantes tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DU BAS-RHIN, à M. Arnaud DE A..., à la caisse maladie régionale d'Alsace des professions indépendantes et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.