(Troisième Chambre)
I - Vu, enregistré le 26 avril 1995 sous le n 95NC00803 la requête présentée pour la Société anonyme Anciens établissements DESSE représentée par Me Peyrelongue et Me X... es qualités de syndic au règlement judiciaire de la société DESSE, par la SCP d'avocats Z... ;
La société demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 16 décembre 1994 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a rejeté les conclusions de la société DESSE tendant à l'annulation du bulletin de recettes délivré par le maire de DENAIN le 16 octobre 1987 à l'encontre de Me X..., es qualité, pour la somme de 272 158,34 F, ensemble l'avis à payer émis par le receveur municipal en exécution dudit bulletin, et en ce qu'il a jugé que la commune de DENAIN n'était débitrice que d'un solde de 17 909,62 F ;
2 / d'annuler ce bulletin, ensemble l'avis à payer ;
3 / de condamner la commune à verser la somme de 406 064,37 F ;
4 / de dire que les intérêts échus après le 13 mai 1988 seront capitalisés à chaque échéance annuelle ;
5 / de condamner la commune à verser aux requérants la somme de 20 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
II - Vu, enregistré le 28 avril 1995, les 9 et 12 juin 1995, sous le n 95NC00806 la requête et les mémoires de production présentés pour la ville de DENAIN représentée par son maire dûment habilité par délibération du 24 juin 1988, par Me D. Y..., avocat ;
La ville demande à la Cour :
- de réformer le jugement du 16 décembre 1994 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a déchargé la société DESSE du paiement d'une somme de 58 906,64 F relative au frais d'établissement du décompte final ;
- de dire que les intérêts courront sur la somme de 272 158,34 F à compter du 16 octobre 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1998 :
- le rapport de Mme BLAIS, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du
Gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Lille, et portent sur la même opération de travaux publics ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur le fond :
Considérant que la ville de DENAIN a confié aux établissements DESSE, par un marché passé le 7 juin 1984, la réalisation d'une piscine et de ses annexes ; qu'à l'issue des travaux, le maître d'ouvrage a mis à la charge de la société des pénalités pour retard dans la levée des réserves après la réception, dans la remise du décompte final et dans la remise du dossier des opérations exécutées ; qu'il a également mis à sa charge le coût d'élaboration du décompte final, et, par le biais d'un bulletin de recette émis le 16 octobre 1987, celui des travaux de levée des réserves effectués en régie ; que le tribunal administratif, saisi par la société, a annulé les pénalités pour retard dans la production du décompte définitif et les frais d'établissement du décompte, et condamné la ville de DENAIN à lui payer 191 127,26 F plus les intérêts et intérêts capitalisés ; qu'il a, en revanche, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des autres pénalités et du bulletin de recettes ; que, par les requêtes susvisées, la société persiste dans ses demandes, tandis que la ville de DENAIN se borne à demander, outre le rejet de la requête de la société, le rétablissement à sa charge des frais d'établissement du décompte ;
Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donnent lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; qu'il en résulte que c'est à tort que la commune a émis à l'encontre de la société DESSE, alors même que le marché n'était pas soldé, un titre de recettes séparé pour le montant des travaux de levée des réserves, et que le tribunal a statué séparément sur la validité dudit titre et sur le solde du marché ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement et ledit bulletin de recettes puis, après avoir statué sur les droits des deux parties, d'arrêter le solde du décompte et d'en tirer les conséquences ;
Sur les droits du maître d'ouvrage :
En ce qui concerne la levée des réserves :
Considérant qu'aux termes de l'article 41-6 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : "Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché, ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur" ; qu'il résulte de l'instruction qu'aux termes d'un procès-verbal en date du 13 décembre 1985, la réception des travaux a été prononcée avec effet du jour même, sous réserve de l'exécution de travaux et prestations indiqués en annexe dudit procès-verbal avant le 31 janvier 1986 ; que la société DESSE, ayant été admise à bénéficier du règlement judiciaire, à fait savoir au maître d'ouvrage, par courrier du 14 janvier 1986 émanant de son directeur général et de son syndic, qu'elle assurerait la levée des réserves dans les conditions prévues ; qu'il est constant qu'à la date du 31 janvier 1986 les réserves n'étaient pas levées ; que, dès lors le maître d'ouvrage pouvait, sans autres formalités, faire exécuter les travaux aux frais de l'entreprise ; que l'entreprise DESSE ne peut, par suite, se prévaloir utilement de ce que la procédure suivie serait irrégulière pour n'avoir pas respectée les dispositions de l'article 49-3 du cahier des clauses administratives générales, ni de la circonstance, également invoquée, que certains courriers postérieurs au 31 janvier 1986 n'auraient été notifiées qu'aux syndics ; qu'il résulte de ce qui précède que le coût, non contesté, des travaux exécutés en régie, et le montant, non contesté, des pénalités prévues à l'article 4-3-3 du cahier des clauses administratives particulières applicable, doivent être laissés à la charge de l'entreprise, soit respectivement 272 158,34 F et 25 754 F ;
En ce qui concerne les frais d'établissement du décompte final :
Considérant qu'en vertu de l'article 13-32 du cahier des clauses particulières générales applicable au marché le projet de décompte final doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux, ou, le cas échéant, du procès verbal constatant l'exécution des prestations complémentaires ; qu'il résulte de l'instruction que les réserves n'étaient pas encore levées lorsque l'administration a décidé, le 26 mai 1986, d'établir le décompte général ; que la ville n'était dès lors pas fondée, en tout état de cause, à mettre en demeure l'entrepreneur, à cette date, d'établir le projet de décompte final, et, faute pour elle de l'avoir produit, d'en mettre le coût à sa charge ;
En ce qui concerne la mise du dossier des ouvrages exécutés :
Considérant qu'il est constant que l'entreprise n'a pas remis le dossier des opérations exécutées dans le nombre d'exemplaires prévus par les pièces du marché ; que la commune est par suite fondée à mettre à sa charge les pénalités prévues à l'article 4-5 du cahier des clauses administratives particulières, soit la somme de 55 094 F ;
Sur le solde du décompte :
Considérant que le montant du décompte général régulièrement notifié le 3 mars 1986 s'élève à la somme, non contestée, de 17 326 071,45 F toutes taxes comprises, dont il y a lieu de déduire les acomptes versés et les sommes dues aux sous-traitants, soit respectivement 14 921 143,91 F et 1 998 863,17 F et 134 089,11 F de frais divers non contestés par la société d'où il résulte un solde de 271 975,26 F au profit de l'entreprise ; qu'il y a lieu, par les motifs qui précèdent, de déduire dudit solde le montant des travaux effectués en régie, soit 272 158,34 F, et les pénalités de 25 754 F et 55 094 F, soit au total 353 006,34 F ; qu'il résulte de ce qui précède que l'entreprise DESSE est redevable au profit de la ville de DENAIN d'une somme de 81 031,08 F qu'elle doit être condamnée à lui verser, augmentées des intérêts au taux contractuel à compter du 16 octobre 1987, comme il est demandé ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Les requêtes susvisées sont jointes.
Article 2 : Le jugement du 16 décembre 1994 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 3 : Le "bulletin de recettes" émis le 16 octobre 1987 par la commune de DENAIN pour un montant de 272 158,34 F est annulé ;
Article 4 : La société anonyme anciens établissements DESSE paiera à la commune de DENAIN la somme de 81 031,08 F augmentées des intérêts contractuels à compter du 16 octobre 1987.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société DESSE, à Maître X... et à la commune de DENAIN.