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06/06/1996 | FRANCE | N°93NC01024

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 06 juin 1996, 93NC01024


Vu, enregistrée au greffe le 11 octobre 1993, la requête présentée par la Société Nouvelle des Couleurs Zinciques (S.N.C.Z.), dont le siège social est ..., en la personne de son président directeur général, M. X... ;
La S.N.C.Z. demande à la cour,:
- d'annuler le jugement en date du 30 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du commandement à payer émis à son encontre le 13 janvier 1992 par le percepteur de Bouchain pour avoir paiement de divers impôts ;
- d'annuler la décision en date du 7 févrie

r 1992 par laquelle le Trésorier-payeur général du Nord a rejeté le recours...

Vu, enregistrée au greffe le 11 octobre 1993, la requête présentée par la Société Nouvelle des Couleurs Zinciques (S.N.C.Z.), dont le siège social est ..., en la personne de son président directeur général, M. X... ;
La S.N.C.Z. demande à la cour,:
- d'annuler le jugement en date du 30 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du commandement à payer émis à son encontre le 13 janvier 1992 par le percepteur de Bouchain pour avoir paiement de divers impôts ;
- d'annuler la décision en date du 7 février 1992 par laquelle le Trésorier-payeur général du Nord a rejeté le recours qu'elle avait formé en vue d'obtenir l'annulation dudit commandement ;
- d'annuler ce commandement ;
- de condamner l'administration à lui payer 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 2 janvier 1995 et présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget, porte parole du Gouvernement, chargé du ministère de la communication ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Vu, enregistré le 17 mai 1995, le mémoire complémentaire présenté pour la société requérante ;
La société y maintient ses conclusions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 1996 :
- le rapport de M. GOTHIER, Président-Rapporteur,
- et les conclusions de M.COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement :

Considérant que, suite à la remise en cause par l'administration de la position d'entreprise nouvelle qu'elle avait cru devoir prendre en application des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, la société S.N.C.Z. a fait l'objet de redressements au titre de l'impôt sur les sociétés se rapportant aux exercices clos en 1985, 1986, 1987 et 1988 et au titre de l'imposition forfaitaire annuelle se rapportant aux mêmes années ; que les impositions en résultant, assorties de majorations pour insuffisance de déclaration, ont été mis en recouvrement les 31 octobre et 30 novembre 1991, selon avis de mise en recouvrement parvenu à la société le 6 janvier 1992 ; que le percepteur de Bouchain a émis un commandement le 13 janvier 1992 pour avoir recouvrement de ces impositions ; que la société requérante a régulièrement formé opposition contre ce commandement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : "Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables du Trésor ... doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que :
1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ;
2° Soit sur l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le tribunal de grande instance, dans le second cas, devant le juge de l'impôt, tel qu'il est prévu à l'article L. 199" ; qu'aux termes de l'article L. 255 du même livre : "Lorsque l'impôt n'a pas été payé à la date limite de paiement et à défaut d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement avec constitution de garanties dans les conditions prévues par l'article L. 277, le comptable du Trésor chargé du recouvrement doit envoyer au contribuable une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais" ; qu'aux termes enfin de l'article L. 260 du même livre : "Dans le cas où une majoration de droit ou des intérêts de retard ont été appliqués pour non-déclaration ou déclaration tardive ou insuffisante des revenus et bénéfices imposables, le comptable du Trésor peut faire signifier un commandement au contribuable dès l'exigibilité de l'impôt sans que la lettre de rappel prévue à l'article L.255 soit préalablement notifiée ...";

Considérant que la contestation par laquelle un contribuable critique l'émission d'un commandement par un comptable du Trésor, par le motif que ce comptable a fait un recours irrégulier à la possibilité, que lui ouvrent les dispositions sus rappelées de l'article L. 260 du livre des procédures fiscales, de ne pas faire précéder ce commandement de l'envoi de la lettre de rappel prévue à l'article L. 255 ne porte pas sur la régularité en la forme du commandement, mais repose sur l'un des motifs autres que ceux tirés de l'obligation de payer, du montant de la dette ou de l'exigibilité de la somme réclamée pour lesquels les dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales déterminent la compétence du juge de l'impôt ; que, par suite, eu égard aux motifs sur lesquels elle repose, et compte tenu de la nature des impositions en cause, la contestation élevée par la société S.N.C.Z. relevait de la compétence des juridictions administratives ; que la société requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que ce jugement doit, en conséquence, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions de la requête présentée par la société S.N.C.Z. devant le tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé des conclusions de la société S.N.C.Z. :
Considérant que lorsque l'administration remet en cause le régime d'exonération des entreprises nouvelles prévu à l'article 44 quater du code général des impôts sous lequel une entreprise a souscrit ses déclarations de résultats, les impositions primitives et rehaussements d'impôt qui en résultent procèdent, contrairement à ce que soutient la société requérante, et alors même que celle-ci serait de bonne foi, d'une insuffisance de déclaration au sens des dispositions sus rappelées de l'article L. 260 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la société S.N.C.Z. n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées reposeraient sur une erreur de droit ;
Mais considérant que les dispositions de l'article L. 260 du livre des procédures fiscales, alors même que la condition légale que les majorations d'imposition en cause trouvent leur source dans une absence, un retard ou une insuffisance de déclaration serait satisfaite, laissent au comptable du trésor une marge d'appréciation qui doit être rapportée à la mission qui lui incombe d'assurer le recouvrement des impôts ; qu'en l'espèce, l'administration n'a invoqué, à l'appui de la décision du percepteur de Bouchain d'émettre directement un commandement sans envoi préalable d'une lettre de rappel, aucun motif tiré notamment de l'état de solvabilité ou du comportement fiscal de la société ; que par suite, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la société S.N.C.Z. est fondée à faire opposition au commandement émis à son encontre le 13 juillet 1992 et à demander à être déchargée de l'obligation de payer qui en procède ;

Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'en demandant la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 20.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure pénale, la société S.N.C.Z. doit être regardée comme ayant invoqué en réalité les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, aux termes duquel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considération, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que, sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la société S.N.C.Z. une somme de 10.000 F ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 30 juillet 1993 est annulé.
Article 2 : La Société Nouvelle des Couleurs Zinciques est déchargée de l'obligation de payer résultant du commandement émis à son encontre le 13 janvier 1992.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à la Société Nouvelle des Couleurs Zinciques la somme de dix mille francs (10 000 F).
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société Nouvelle des Couleurs Zinciques et au ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 93NC01024
Date de la décision : 06/06/1996
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR DES TEXTES SPECIAUX - ATTRIBUTIONS LEGALES DE COMPETENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - COMPETENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES EN MATIERE FISCALE ET PARAFISCALE - EN MATIERE FISCALE - Recouvrement - Absence de compétence de la juridiction judiciaire - Contestation de poursuites exercées sans l'envoi d'une lettre de rappel (article L - 260 du livre des procédures fiscales).

17-03-01-02-03-01, 19-01-05, 19-02-01-01 Article L. 260 du livre des procédures fiscales prévoyant que, dans certains cas, le comptable du Trésor peut engager des poursuites sans que la lettre de rappel prévue à l'article L. 255 du même livre soit préalablement notifiée. La contestation par un contribuable de la mise en oeuvre de poursuites n'ayant pas été précédée d'une lettre de rappel ne porte pas sur la régularité en la forme du commandement et relève donc de la compétence du juge administratif. En l'absence de motif tiré de l'insolvabilité ou du comportement fiscal du redevable, la décision du comptable du Trésor d'engager des poursuites sans envoyer au préalable une lettre de rappel repose sur une appréciation erronée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - Poursuites exercées sans l'envoi d'une lettre de rappel (articles L - 260 du livre des procédures fiscales) - a) Contestation - Compétence de la juridiction administrative - b) Contrôle du juge sur les motifs justifiant le recours à cette procédure.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - COMPETENCE JURIDICTIONNELLE - Recouvrement - Poursuites exercées sans l'envoi d'une lettre de rappel (article L - 260 du livre des procédures fiscales) - Contestation - Compétence de la juridiction administrative.


Références :

CGI 44 quater
CGI Livre des procédures fiscales L281, L255, L260
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Hertgen
Rapporteur ?: M. Gothier
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-06-06;93nc01024 ?
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