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06/06/1996 | FRANCE | N°93NC00604

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 06 juin 1996, 93NC00604


VU, enregistrée le 28 juin 1993, la requête présentée pour la SNC MASSEIN, dont le siège social est à CROIX (59170), en la personne de son gérant, par la SCP d'avocats SOLAND, DEFLEURANCE, RAPP et CORMONT, avocats au Barreau de LILLE ;
La SNC MASSEIN demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 90234 en date du 1er avril 1993 par lequel le Tribunal Administratif de LILLE a rejeté ses conclusions tendant à obtenir le dégrèvement du versement pour dépassement du plafond légal de densité et de la pénalité auxquels elle a été assujettie pour un montant total de 205 20

0 F, par avis de mise en recouvrement du 6 mars 1989, à raison de la réal...

VU, enregistrée le 28 juin 1993, la requête présentée pour la SNC MASSEIN, dont le siège social est à CROIX (59170), en la personne de son gérant, par la SCP d'avocats SOLAND, DEFLEURANCE, RAPP et CORMONT, avocats au Barreau de LILLE ;
La SNC MASSEIN demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 90234 en date du 1er avril 1993 par lequel le Tribunal Administratif de LILLE a rejeté ses conclusions tendant à obtenir le dégrèvement du versement pour dépassement du plafond légal de densité et de la pénalité auxquels elle a été assujettie pour un montant total de 205 200 F, par avis de mise en recouvrement du 6 mars 1989, à raison de la réalisation de quinze appartements, par modification et surélévation des bâtiments existant au ... ;
- d'annuler le jugement n° 90235 en date du 1er avril 1993 par lequel le Tribunal Administratif de LILLE a rejeté ses conclusions tendant à obtenir le dégrèvement de la taxe locale d'équipement, de la taxe de financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement et de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, pour des montants respectifs de 11 457 F, 458 F et 2 291 F, ainsi que des pénalités, égales aux montants des taxes, auxquelles elle a été assujettie par l'avis de mise en recouvrement du 1er avril déjà citée à raison des mêmes travaux sur les immeubles du ... ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le code général des impôts ;
VU le code de l'urbanisme;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 1996 :
- le rapport de M. GOTHIER, Président-Rapporteur ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les jugements attaqués rendus le 1er avril 1993 par le tribunal administratif de LILLE ont été notifiés par lettre datée du 22 du même mois à la SNC MASSEIN, l'avis de réception postale ayant été signé le 30 ; qu'ainsi la requête en appel de la société, enregistrée au greffe le 28 juin 1993, n'est pas tardive ;
Sur les conclusions de la requête et sur l'appel incident du ministre dirigés contre le jugement n° 90-234 :
En ce qui concerne la surface servant d'assiette au versement pour dépassement du plafond légal de densité :
Considérant que la SNC MASSEIN ne conteste pas le principe de son assujettissement au versement pour dépassement du plafond légal de densité, mais seulement la surface retenue par l'administration et servant d'assiette à ce versement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal dressé le 14 février 1987 que la surface hors oeuvre brute des constructions réalisées par la SNC MASSEIN était d'au moins 114 m2 ; que le versement pour dépassement du plafond légal de densité étant calculé à partir de la surface hors oeuvre nette, ainsi que le prévoit l'article L.112-2 du code de l'urbanisme, il y avait lieu de déterminer cette dernière surface en faisant application des dispositions de l'article R.112-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits ; qu'aux termes de cet article : " ... La surface hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : a) Des surfaces hors oeuvre des combles et des sous-sols non-aménageables pour l'habitation ; b) Des surfaces de plancher hors oeuvre des toitures-terrasses, des balcons, des loggias, ainsi que des surfaces non-closes situées au rez-de-chaussée ; c) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou parties de bâtiments aménagés en vue du stationnement des véhicules ; d) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments affectés au récoltes" ;
Considérant que la société requérante, qui ne pouvait prétendre à aucune déduction de surface au titre des dispositions rappelées ci-dessus, soutient qu'elle pouvait bénéficier des dispositions insérées au dernier alinéa de l'article R.112-2 précité par le décret n° 87-1016 du 14 décembre 1987, lesquelles prévoient que : "Sont également déductibles de la surface hors oeuvre brute dans le cas de la réfection d'un immeuble à usage d'habitation et dans la limite de cinq mètres carrés par logement, les surfaces de plancher affectées à la réalisation de travaux tendant à l'amélioration de l'hygiène des locaux ..." ; que toutefois, ces dispositions, qui résultent d'un texte postérieur au fait générateur du versement contesté, ne s'appliquent qu'aux travaux de réfection et non aux constructions nouvelles, et ne peuvent en toute hypothèse être invoquées en l'espèce ;

Considérant que si la société soutient en outre, en se fondant sur une attestation de géomètres datée du 1er février 1990, que la surface taxable ne serait que de 110,36 m2, il ressort des termes mêmes de ladite attestation qu'elle concerne seulement la surface hors oeuvre brute des mezzanines dont sont équipés sept des 12 appartements nouveaux réalisés et n'est ainsi pas de nature à remettre en cause les énonciations contenues dans le procès-verbal sus-mentionné ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a calculé les impositions contestées en considération d'une surface hors oeuvre nette nouvelle construite de 114 m2, laquelle d'ailleurs repose sur une appréciation particulièrement modeste et favorable au contribuable ;
En ce qui concerne le défaut de motivation de la pénalité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.333-10 du code de l'urbanisme : "Le tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble, statuant soit en matière correctionnelle en application l'article L.480-5 du code de l'urbanisme, soit en matière civile dans le cas visé à l'article L.480-6 du même code, peut ordonner la démolition, totale ou partielle, d'une construction dont la densité excède le plafond légal :
a) Qui a été édifiée sans autorisation ;
b) ... Dans tous les cas où il n'y aura pas démolition, et sans préjudice des sanctions prévues à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, le constructeur sera tenu d'effectuer un versement dont le montant sera trois fois celui qui aurait été dû si la construction avait été légalement autorisée" ;
Considérant que la lettre en date du 22 juin 1989 notifiant à la SNC MASSEIN son assujettissement au versement pour dépassement du plafond légal de densité mentionne que les constructions ont été réalisées en infraction ; que la feuille de calcul jointe à cette lettre se réfère au jugement du tribunal de grande instance de LILLE sanctionnant ladite infraction et détaille le mode de calcul du versement mis à la charge de la société ; qu'ainsi, et à supposer même que le triplement du versement prévu par les dispositions susmentionnées puisse être interprété comme une sanction au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, la société requérante n'est en toute hypothèse pas fondée à soutenir que la décision de lui appliquer la règle du triplement du versement n'a pas été suffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu' il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête de la société relatives au jugement n° 90-234 attaqué et d'accueillir les conclusions incidentes du ministre en rétablissant le versement pour dépassement du plafond légal de densité sur la base de 114 m2 et en réformant en conséquence ledit jugement ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre le jugement n° 90-235 :
En ce qui concerne la taxe locale d'équipement, la taxe perçue au profit du Conseil d'Architecture d'Urbanisme et de l'Environnement, et les pénalités correspondantes, ainsi que la taxe départementale des espaces naturels sensibles :

Considérant que la SNC MASSEIN a été assujettie aux taxes et amendes susvisées sur le fondement des dispositions des articles 1585 A, 1585 D, 1599 B, 1723 quater et 1826 du code général des impôts et de l'article L.142-2 du code de l'urbanisme ; qu'elle demande que ces taxes soient calculées sur la base d'une surface hors oeuvre nette nouvelle créée de 110,36 m2 au lieu de 114 m2 ; que toutefois, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la société requérante n'apporte aucun élément probant de nature à établir que la surface retenue par l'administration à partir des énonciations du procès-verbal dressé le 14 février 1987 serait supérieure à celle effectivement réalisée ;
En ce qui concerne la pénalité de 100 % appliquée à la taxe départementale des espaces naturels sensibles :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.142-2 du code de l'urbanisme : "Pour mettre en oeuvre la politique prévue à l'article L.142-1, le département peut instituer, par délibération du conseil général, une taxe départementale des espaces naturels sensibles. Cette taxe tient lieu de participation aux dépenses du département :
Elle est établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments. Son assiette est définie conformément à l'article 1585 D du
La taxe est soumise aux règles qui gouvernent l'assiette, la liquidation, le recouvrement et le contentieux de la taxe locale d'équipement" ;
Considérant que l'amende fiscale de 100 % qui a été appliquée par l'administration ne se rapporte pas à l'assiette, au recouvrement ou au contentieux de la taxe départementale des espaces naturels sensibles ; que, contrairement à ce qui soutient l'administration, elle constitue une pénalité qui ne peut être simplement analysée en l'application d'une tarif à une base d'imposition et ne peut donc être regardée comme se rapportant à la liquidation de la taxe ; que, dès lors, elle ne peut trouver son fondement légal dans les règles qui gouvernent l'assiette, la liquidation, le recouvrement ou le contentieux de la taxe locale d'équipement ; qu'en l'absence de toute autre disposition législative prévoyant une telle amende fiscale, il appartient à la Cour de relever d'office que cette amende n'a pas de fondement légal ;

Considérant toutefois que, dans sa requête, la société s'est bornée à demander que la taxe en cause, ainsi que l'amende correspondante, soient ramenées de 2 291 F à 2 218 F chacune ; qu'il y a lieu de ce fait de n'accorder à la société qu'une réduction de l'amende mise à sa charge, dans la limite de ses conclusions, soit une réduction de 146 F ;
Sur les conclusions du ministre tendant à ce que la SNC MASSEIN soit condamnée à lui payer 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, dans les circonstances de l'espèce, qu'il n'y a pas lieu de faire droit auxdites conclusions ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre en rétablissant à 205 200 F le versement pour dépassement de plafond légal de densité mis à la charge de la SNC MASSEIN, d'accorder à celle-ci une réduction de 146 F de l'amende afférente à la taxe départementale des espaces verts, de rejeter le surplus des conclusions du ministre et de la société et de réformer les jugements attaqués en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt ;
Article 1er : Le versement pour dépassement du plafond légal de densité mis à la charge de la SNC MASSEIN est rétabli à 205 200 F.
Article 2 : Il est accordé à la SNC MASSEIN une réduction de 146 F de l'amende fiscale correspondant à la taxe départementale des espaces verts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SNC MASSEIN et du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme est rejeté.
Article 4 : Les jugements n° 90-234 et n° 90-235 du tribunal administratif de Lille en date du 1er avril 1993 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC MASSEIN et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 93NC00604
Date de la décision : 06/06/1996
Sens de l'arrêt : Rétablissement du versement pour dépassement de p.l.d. réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET TEXTES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - Principe de légalité des délits et des peines - 1) Applicabilité aux sanctions fiscales (1) - 2) Violation - Illégalité d'une amende fiscale infligée sans base légale.

01-04-005, 19-01-04, 19-03-06 Le principe de légalité des délits et des peines s'applique aux sanctions fiscales (sol. impl.) (1). Par suite, un constructeur qui réalise des travaux sans autorisation ne peut se voir infliger une amende de 100 % au titre de la taxe départementale des espaces naturels sensibles dès lors que ni l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme ni aucune autre disposition législative ne prévoient une telle sanction.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - Principe de légalité des délits et des peines - Application en matière de pénalités fiscales - Illégalité d'une amende fiscale infligée sans base légale (1).

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - AUTRES TAXES OU REDEVANCES - Taxe départementale des espaces naturels sensibles (article L - 142-2 du code de l'urbanisme) - Illégalité d'une amende fiscale infligée à un constructeur qui réalise des travaux sans autorisation.


Références :

CGI 1585 A, 1585 D, 1599 B, 1723 quater, 1826
Code de l'urbanisme L112-2, R112-2, L333-10, L142-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 87-1016 du 14 décembre 1987
Loi 79-587 du 11 juillet 1979

1.

Rappr. Conseil constitutionnel, 1989-01-17, n° 88-248 DC, p. 18


Composition du Tribunal
Président : M. Hertgen
Rapporteur ?: M. Gothier
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-06-06;93nc00604 ?
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