(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 1er juin 1993 au greffe de la Cour, présentée par M. X... BRULEZ, demeurant rue de Prieuré à Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne) ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 1993, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 4 février 1994, présenté par M. Y... ; M. Y... conclut aux mêmes fins que sa requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 1er avril 1994, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense ;
VU le mémoire complémentaire en réplique, enregistré le 17 mai 1994, présenté par M. Y... ; M. Y... conclut aux mêmes fins que sa requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 14 juin 1994, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 28 septembre 1995 au greffe de la Cour, présenté par M. Y... ; M. Y... conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 9 octobre 1995, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et du plan ; le ministre conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 ;
VU la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 1995 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article L.313-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 : "Les opérations de restauration immobilière comportant des travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour conséquence la transformation des conditions d'habitabilité d'un ensemble d'immeubles, lorsque ces opérations sont entreprises à l'intérieur d'un périmètre fixé par décision de l'autorité administrative prise après enquête publique et sur avis favorable de la ou des communes intéressées, sont réalisées, soit conformément aux dispositions de l'article L.313-3, soit dans les conditions qui seront fixées par un règlement d'administration publique" ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article 156 du code général des impôts : " ... le montant total du revenu net annuel ... est déterminé ... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ... toutefois, n'est pas autorisée l'imputation ... 3° des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des articles L.313-1 à L.313-15 du code de l'urbanisme ..." ; qu'il ressort des dispositions précitées du code général des impôts que l'imputation du déficit foncier sur le revenu global n'est susceptible d'être effectuée que par les seuls propriétaires qui, pour exécuter les travaux afférents aux opérations susrappelées prévues par le code de l'urbanisme, ont été ou se sont placés dans le cadre d'un groupement ayant pris l'initiative desdits travaux ;
Considérant, d'une part, que s'il résulte de l'instruction que les travaux effectués sur les parties communes et les parties privatives des immeubles situés ... à Charenton-le-Pont ont été réalisés dans le cadre d'un périmètre de restauration immobilière créé par arrêté ministériel du 14 août 1975 en application de l'article L.313-4 précité du code de l'urbanisme, il est constant qu'avant même la constitution des associations syndicales de propriétaires, intervenue respectivement les 27 décembre et 26 mars 1984, la société de promotion immobilière C.M.R.I., qui avait acquis lesdits immeubles en vue de les revendre, avait procédé à la division par lots de chaque immeuble et à l'établissement des règlements de copropriété correspondants suivant les plans dressés par l'architecte à sa demande et effectué notamment les démarches nécessaires à l'obtention des permis de construire requis préalablement à l'exécution des travaux, qui ont abouti à la délivrance ultérieure de permis libellés à son nom ; que, par suite, alors même que les statuts desdites associations mentionnent que celles-ci ont pour objet la réalisation de travaux de restauration immobilière, les opérations dont s'agit doivent être regardées comme ayant été menées non à l'initiative des acquéreurs de lots groupés en association syndicale, mais à celle de la société C.M.R.I. et ne sauraient ainsi se rattacher à une opération groupée de restauration immobilière, au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner si lesdits travaux avaient donné lieu à l'autorisation expresse prescrite par les dispositions de l'article R.313-25 du code de l'urbanisme, c'est à bon droit qu'en se prévalant des dispositions précitées de l'article 156-I-3° du code général des impôts, l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. Y... au titre des années 1984, 1985 et 1986 les sommes qu'il en avait déduites, correspondant aux déficits fonciers résultant des travaux réalisés dans les appartements qu'il a acquis auprès de la société C.M.R.I. au sein des immeubles susmentionnés ;
Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de toutes conclusions subsidiaires tendant à ce que les dépenses litigieuses soient déduites des seuls revenus fonciers qu'aurait perçus le requérant, la circonstance que les travaux dont s'agit pourraient donner lieu à déduction sur le fondement de l'article 31-I-1° du code général des impôts est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition ;
Sur le moyen tiré de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant, en premier lieu, que le requérant ne précise pas la disposition de la circulaire interministérielle du 3 mars 1977 relative à l'aménagement des centres et quartiers urbains existants, publiée au Journal officiel de la République française du 10 mars 1977, de laquelle il ressortirait expressément que la notion d'"opération groupée de restauration immobilière" dût être interprétée comme signifiant non pas que les opérations en cause proviendraient nécessairement de l'initiative d'un groupement de propriétaires, mais simplement que celles-ci devraient être menées à l'intérieur d'un périmètre de restauration immobilière ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'administration se soit abstenue de remettre en cause la qualification des acquisitions opérées par M. Y... telle qu'indiquée par les actes de vente conclus entre lui et la société C.M.R.I. et de soumettre ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait constituer une interprétation formelle de la loi fiscale dont le requérant peut se prévaloir sur le fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ; qu'en indiquant dans sa décision de rejet de la réclamation de M. Y... que la charge des travaux peut être confiée aux vendeurs de lots dès lors que lesdits travaux ont été décidés et exécutés à l'initiative d'une association syndicale de copropriétaires, le directeur des services fiscaux de la Haute-Marne n'a par ailleurs émis aucune interprétation dérogeant à la loi dans un sens favorable au contribuable ;
Considérant, en dernier lieu, que le requérant ne saurait davantage utilement se prévaloir de l'instruction ministérielle du 17 mai 1995, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts sous la référence 5D 5-95, qui prévoit de faire application aux litiges en cours des dispositions de l'article 156-I-3° issues de la loi susvisée du 29 décembre 1994, dès lors que ces dispositions ne dérogent en rien à l'exigence susrappelée relative à l'initiative des travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
Article 1 : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et du plan.