VU la requête, enregistrée le 8 octobre 1992 au greffe de la Cour, présentée pour la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE (Marne), représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de ladite commune, par la S.C.P. NORDMANN-LEVY, avocats au barreau de Paris ;
La COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Chalons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 22 novembre et 4 décembre 1991 par lesquelles le comité de délimitation des secteurs d'évaluation du département de la Marne a fixé le découpage du département en secteurs d'évaluation dans le cadre de la révision générale des évaluations cadastrales prévue par la loi du 30 juillet 1990 ;
2°) d'annuler les décisions précitées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°) d'ordonner si besoin est une expertise ou un transport sur les lieux ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 1993, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 12 mars 1993, présenté pour la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ; la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 18 juin 1993, présenté par le ministre du budget ; le ministre conclut aux même fins que son mémoire en défense ;
VU le mémoire complémentaire en réplique, enregistré le 21 juillet 1993, présenté pour la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ; la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE conclut aux mêmes fins que sa requête ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 24 décembre 1993, présenté pour la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ; la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 14 mars 1994, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire complémentaire en réplique, enregistré le 7 juin 1994, présenté pour la COMMUNE de CHALONS-SUR--MARNE ; la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 18 avril 1995, présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
VU le mémoire complémentaire, enregistré le 28 avril 1995, présenté pour la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ; la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 ;
VU le décret n° 90-1091 du 4 décembre 1990 ;
VU le décret n° 92-245 du 17 mars 1992 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 1995 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- les observations de Me X..., de la S.C.P. NORDMANN-LEVY, avocat de la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux adminis-tratif, les cours administratives d'appel sont compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs à l'exception notamment de ceux portant sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les actes réglementaires ; que l'exercice par les cours de leur compétence pour connaître des recours pour excès de pouvoir autres que les recours précités a été précisé par le décret susvisé du 17 mars 1992 dont l'article 1er prévoit qu'"à compter du 1er septembre 1992, les cours administratives d'appel seront compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre ... les décisions non réglementaires prises en matière d'impôts et taxes" ; que les décisions par lesquelles le comité prévu à l'article 43 de la loi susvisée du 30 juillet 1990 arrête, en vertu de l'article 11 de ladite loi, la délimitation des secteurs d'évaluation pour les propriétés bâties, n'ont pas le caractère d'actes réglementaires ; que les décisions précitées étant au nombre de celles prises en matière d'impôts et taxes, la cour administrative d'appel de Nancy est ainsi compétente pour connaître de la requête de la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE, enregistrée le 8 octobre 1992 et tendant à l'annulation du jugement du 7 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté ses conclusions en annulation des décisions des 22 novembre et 4 décembre 1991 par lesquelles le comité de délimitation des secteurs d'évaluation du département de la Marne a arrêté le découpage du département en secteurs d'éva-luation ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 30 juillet 1990 : "La délimitation des secteurs d'évaluation est arrêtée par le comité prévu à l'article 43. Celui-ci se prononce au vu d'un rapport, retraçant l'ensemble des données recueillies sur l'état du marché locatif et établi, après consultation des commissions communales des impôts directs ... par le directeur des services fiscaux" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commission communale des impôts directs de Châlons-sur-Marne a été saisie le 18 septembre 1991 des propositions du directeur des services fiscaux relatives au découpage du département en secteurs d'évaluation pour l'évaluation cadastrale des propriétés bâties ; que ces propositions étaient assorties d'explications précises concernant la méthodologie employée et notamment le mode de sélection des échantillons retenus pour analyser le marché locatif des immeubles relevant du premier et du troisième groupes des propriétés bâties ; que le nombre de locaux constituant cet échantillon, leur surface totale et le loyer moyen correspondant étaient indiqués pour chacune des 44 sections cadastrales que comporte la commune ; qu'il n'est pas établi que la commission communale aurait demandé à l'administration de lui fournir des informations complémentaires et que celle-ci n'aurait pas déféré à une telle invitation ; qu'en tout état de cause, le directeur des services fiscaux n'était pas tenu de remettre à la commission les déclarations de droit de bail à partir desquelles a été constitué l'échantillon précité ; que, par suite, la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE n'est pas fondée à soutenir que la décision du comité de délimitation des secteurs d'évaluation est intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que la commission communale des impôts directs, qui a d'ailleurs remis un avis précis et circonstancié sur le projet de l'administration, n'aurait pas été mise à même d'apprécier le bien-fondé de l'échantillonnage retenu ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort de l'article 3 de la loi du 30 juillet 1990 susvisée que les propriétés sont réparties entre quatre groupes : un premier groupe formé par les immeubles à usage d'habitation, à l'exception des immeubles relevant de la législation des habitations à loyer modéré, qui constituent le deuxième groupe, les immeubles à usage professionnel étant classés dans le troisième groupe, à l'exception des immeubles industriels appartenant aux entreprises astreintes à déclarer leurs résultats auprès de l'administration fiscale, qui constituent le quatrième groupe ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite loi : "Il est constitué, au sein de chaque département, des secteurs d'évaluation distincts pour les immeubles relevant de chacun des trois premiers groupes ... Un secteur d'évaluation regroupe les communes ou parties de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène" ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode adoptée pour l'étude du marché locatif :
S'agissant du principe même de l'échantillonnage :
Considérant que ni les dispositions législatives précitées, ni celles des articles 3 et 4 du décret du 4 décembre 1990 susvisé, selon lesquelles les secteurs d'évaluation sont déterminés en ce qui concerne les immeubles des trois premiers groupes à partir des baux écrits ou des locations verbales en cours à la date de référence de la révision, conclus librement à des conditions de prix normales et afférents aux locaux des catégories de chacun de ces groupes les plus représentées dans le département, n'imposent au comité de prendre en compte l'ensemble des actes de location pour déterminer les secteurs d'évaluation ; qu'ainsi, la commune requérante n'est pas fondée à prétendre que le comité de délimitation n'était pas en droit de déterminer les secteurs d'évaluation à partir d'un échantillon statistique des locaux loués ;
S'agissant de la représentativité des échantillons retenus pour les immeubles du premier groupe :
Considérant en premier lieu que, comme il vient d'être dit, les dispositions susrappelées du décret du 4 décembre 1990 font obligation au comité de délimitation de fonder sa décision à partir des actes de location afférents aux locaux relevant des catégories les plus représentées dans le département ; qu'en l'espèce, seuls ont été retenus les locaux appartenant aux catégories 5, 5M et 6, qui regroupent, dans le département de la Marne, la majorité des immeubles loués relevant du premier groupe ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les locaux affectés à un usage mixte d'habitation et professionnel, les locaux appartenant à l'Etat, aux collectivités locales et à diverses entreprises publiques ainsi que les locaux à loyer réglementé ont été exclus a priori de l'échantillon retenu pour l'ensemble du département ; qu'eu égard aux conditions particulières dont peuvent être assorties les locations des immeubles de cette nature, l'administration a pu légalement, conformément aux dispositions susrappelées de l'article 4 du décret du 4 décembre 1990, qui ne méconnaissent aucune disposition de la loi du 30 juillet 1990, les exclure de l'échantillon en les regardant comme susceptibles de n'avoir pas été conclues à des conditions de prix normales ; qu'en l'absence de toute particularité alléguée à cet égard concernant la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE, il n'est en tout état de cause pas établi qu'une telle opération aurait faussé la représentativité de l'échantillon retenu concernant ladite commune ;
Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à ce qui précède, c'est également à bon droit que l'administration n'a pas retenu dans l'échantillon les locaux loués à des prix s'écartant par trop de la moyenne ; qu'il résulte du document précité de la direction des services fiscaux de la Marne que la moyenne par rapport à laquelle est déterminé l'écart respectif de 100 % au-delà et 50 % en deça duquel ont été exclus les loyers les plus élevés ou les plus faibles n'a pas été calculée au niveau de l'ensemble du département, mais pour différents types de communes, natures et catégories d'habitations ; qu'en particulier, une moyenne propre à chaque nature d'habitation et à divers groupes de catégories de logements a été calculée pour les communes d'une population supérieure à 30 000 habitants ; que, par suite, la commune requérante ne peut utilement soutenir que les loyers anormaux ainsi mis en lumière refléteraient non un écart injustifié par rapport aux prix du marché, mais des particularités locales du marché locatif, dont elle n'établit pas au demeurant l'existence sur son territoire ;
Considérant, en dernier lieu, que la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ne saurait à bon droit faire valoir que la méthode consistant à réduire, selon un mode de sélection aléatoire, l'échantillon pris en considération au quart des locaux obtenus à l'issue des opérations précitées ne présenterait pas des garanties suffisantes de représen-tativité, dès lors que l'échantillon final ainsi obtenu demeure composé de 1 041 locaux répartis dans les diverses sections cadastrales de la commune ;
S'agissant de la représentativité des échantillons retenus pour les immeubles du troisième groupe :
Considérant qu'en se bornant à se référer aux obser-vations qu'elle a développées concernant les locaux du premier groupe, la commune requérante ne met pas la Cour à même d'apprécier la légalité de la décision attaquée sur ce point ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de représentativité de l'échantillon doit être également écarté en tant qu'il s'applique aux immeubles du troisième groupe ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe d'homogénéité :
Considérant, en premier lieu, que, pour apprécier si les communes ou parties de communes présentent un marché locatif homogène de nature à justifier, conformément aux dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 30 juillet 1990, leur classement dans un même secteur d'évaluation, le comité de délimitation doit se fonder principalement sur les éléments statistiques issus de l'exploitation des conventions de location lorsque ceux-ci sont disponibles et peut légalement se fonder exclusivement sur de telles données lorsqu'elles portent sur un échantillon suffisamment représentatif ; qu'eu égard au nombre de locaux pris en considération par l'administration pour constituer les échantillons des premier et troisième groupes, le comité de délimitation a pu se fonder uniquement sur les éléments statistiques précités en ce qui concerne la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE ; qu'en se bornant à indiquer devant la Cour que le découpage proposé ne concorderait pas avec les "données relatives à l'habitat et à la population", ladite commune n'énonce au demeurant aucun élément précis de nature à faire apparaître que des facteurs socio-économiques ne se traduisant pas dans le montant des loyers auraient pu exercer une influence sur le marché locatif ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les loyers moyens des locaux d'habitation constituant l'échantillon pris en considération par le comité de délimitation, établis pour chacune des 44 sections cadastrales de la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE, présentent une dispersion importante de nature à justifier la répartition desdits locaux dans des secteurs d'évaluation distincts ; que, par suite, la commune requérante n'est pas fondée à demander que le territoire communal relève d'un seul secteur pour les immeubles relevant du premier groupe ; que le loyer moyen afférent à chacun des deux ensembles constitués au sein de la commune présente un écart de 15 % suffisant pour justifier le rattachement de la commune à deux secteurs distincts ; qu'eu égard au loyer moyen dégagé par chaque secteur institué par la décision attaquée, le rattachement de ces deux ensembles respectivement au secteur d'évaluation n° 1 et au secteur d'évaluation n° 2 constitués au sein du département de la Marne n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; que les circonstances que des habitations de même type ou construites à la même époque seraient représentées dans les deux secteurs, que des habitations vétustes seraient classées en secteur n° 1 alors que des immeubles récents et en bon état seraient rattachés au secteur n° 2, correspondant à un prix moyen inférieur à celui du secteur n° 1, et qu'une section cadastrale classée en secteur n° 1 serait composée pour partie d'un terrain de football ne sont pas de nature à établir que chacun des secteurs constitués sur le territoire de la commune ne présenterait pas un marché locatif homogène ; qu'eu égard à la différence de structure de l'habitat entre les communes de Châlons-sur-Marne et de Reims, le fait que seul le dixième du territoire de cette dernière commune soit classé en secteur n° 1 alors que la moitié du territoire de Chalons-sur-Marne y figurerait ne révèle pas une erreur d'appréciation du comité de délimitation ; qu'enfin, la commune requérante ne saurait utilement opposer aux données issues de l'échantillonnage pratiqué par l'administration les résultats de l'étude qu'elle produit, dont la représentativité n'est pas établie en l'absence d'indi-cation des critères ayant présidé au choix des locaux concernés ;
En ce qui concerne le moyen tiré des conséquences de la révision :
Considérant que le moyen tiré des conséquences que comporterait la répartition des habitations entre les secteurs considérés sur l'évaluation cadastrale des propriétés et, par voie de conséquence, sur l'imposition des contribuables, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE, qui n'est en tout état de cause recevable à demander l'annulation des décisions attaquées qu'en tant qu'elles la concernent, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons--sur-Marne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le comité prévu à l'article 43 de la loi susvisée a procédé au découpage du département de la Marne en secteurs d'évaluation pour l'évaluation cadastrale des propriétés bâties ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que l'Etat n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions de la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE tendant à ce que ce dernier lui verse une somme de 15 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1 : La requête de la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera communiqué à la COMMUNE de CHALONS-SUR-MARNE et au ministre de l'économie et des finances.