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23/03/1995 | FRANCE | N°89NC00944;89NC01477;89NC01495;89NC00399;91NC00659;91NC00799

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 23 mars 1995, 89NC00944, 89NC01477, 89NC01495, 89NC00399, 91NC00659 et 91NC00799


I VU, sous le N° 89NC00944, la décision en date du 19 janvier 1989 enregistrée au greffe de la Cour le 18 mai 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par M. Pierre VILAIN ;
VU la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 décembre 1988 et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 18 mai 1989, présentés par M. Pierre VILAIN agissant tant en son no

m personnel qu'en qualité de gérant de la S.C.I. SIMENIN, domicilié à ...

I VU, sous le N° 89NC00944, la décision en date du 19 janvier 1989 enregistrée au greffe de la Cour le 18 mai 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par M. Pierre VILAIN ;
VU la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 décembre 1988 et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 18 mai 1989, présentés par M. Pierre VILAIN agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la S.C.I. SIMENIN, domicilié à LUXEMBOURG (Grand Duché de Luxembourg), ... ;
M. Pierre VILAIN demande à la cour administrative d'appel :
1°) - d'annuler le jugement en date du 18 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Lille, statuant sur sa demande en décharge, par voie de mutation de cote des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, établie au nom de la S.C.I. SIMENIN au titre de l'année 1980 et en son nom personnel au titre des années 1981 à 1984, dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT, a, avant-dire-droit, prescrit un supplément d'instruction afin d'être en mesure de répartir cette imposition entre la succession de M. Louis VILAIN et l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;
2°) - d'annuler la décision de mutation de cote du 10 avril 1981 mettant à la charge de M. Pierre VILAIN les impositions litigieuses et prononcer leur décharge au titre des années 1981 à 1984 ;
3°) - d'ordonner la décharge de la taxe foncière établie au nom de la S.C.I. SIMENIN pour l'année 1980 ;
4°) - de transférer la charge de la taxe aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ; à titre subsidiaire, dire que les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais sont redevables de la taxe pour le sol, et la S.C.I. SIMENIN pour les constructions et réformer les documents cadastraux de HENIN-BEAUMONT en conséquence ;
VU, enregistré au greffe le 15 octobre 1992, le mémoire complémentaire par lequel M. Pierre VILAIN demande en outre que ses co-héritiers, sauf M. Bernard VILAIN, soient condamnés à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme de 9 000 F correspondant à celle qui lui est réclamée par le Trésor Public, assortie des intérêts ;

II - VU, sous le n° 89NC01477, la requête enregistrée au greffe le 9 octobre 1989, présentée par M. Pierre Y... demeurant ... (Grand Duché de Luxembourg) ;
M. Pierre VILAIN demande à la Cour :
1°) - de réformer le jugement en date du 7 août 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille lui accorde décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles a été assujettie la S.C.I. SIMENIN au titre de l'année 1980 et lui-même au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT, et transfère par voie de mutation de cote 94 % de ces cotisations à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... ;
2°) - de décharger l'indivision VILAIN et de remettre les cotisations litigieuses à la charge de l'établissement des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ou de l'Association Saint-Louis ;

III - VU, sous le N° 89NC01495, la requête enregistrée le 20 octobre 1989 présentée par Mme Marie-Louise X... demeurant à BEAURAINS (Pas-de-Calais), ... ;
Mme X... demande à la Cour :
1°) - de réformer les jugements des 18 février 1988 et 7 août 1989 par lesquels le tribunal administratif de Lille, par voie de mutation de cote, a mis à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... 94 % des cotisations de taxe foncière établies au nom de la S.C.I. SIMENIN au titre de l'année 1980 et de M. Pierre VILAIN au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT ;
2°) - de prononcer la décharge desdites impositions au profit de l'indivision VILAIN ;

IV - VU, sous le N° 91NC00399, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 avril 1991 et 17 juillet 1991 présentés par M. Henri VILAIN demeurant à FREMICOURT (Pas-de-Calais), ... ;
M. Henri VILAIN demande à la cour administrative d'appel :
1°) - de réformer le jugement du 7 août 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille, par voie de mutation de cote, a mis à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... 94 % des cotisations de taxe foncière établies au nom de la S.C.I. SIMENIN au titre de l'année 1980 et de M. Pierre VILAIN au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT ;
2°) - de décharger de ces impositions l'indivision VILAIN et de les rétablir à la charge de l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;
VU, enregistré au greffe le 2 décembre 1991, le mémoire complémentaire par lequel M. Henri VILAIN demande à la Cour que ses frères et soeurs, sauf Bernard, soient condamnés à lui verser une somme de 53 522 F, augmentée de 30 000 F à titre de frais exposés dans la procédure ;
VU, enregistré au greffe le 29 septembre 1993, le mémoire complémentaire par lequel M. Henri VILAIN demande à la Cour de condamner M. Pierre VILAIN à lui verser deux provisions de 100 000 F et 300 000 F pour agissements frauduleux ;
VU, enregistré au greffe le 2 mars 1995, le mémoire complémentaire, par lequel M. Henri VILAIN complète ses conclusions initiales, en demandant à la Cour de remettre aussi à la charge de la succession Louis VILAIN la taxe foncière relative au terrain attenant à l'école Saint-Louis, cadastré AL 83 S ;

V - VU, sous le N° 91NC00659, enregistrés au greffe les 12 et 13 septembre 1991, la requête et le mémoire complémentaire présentés par Mme Marie-Louise X... demeurant à BEAURAINS (Pas-de-Calais), ... ;
Mme X... demande à la cour administrative d'appel :
1°) - d'annuler le jugement en date du 18 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Lille, statuant sur la demande de M. Pierre VILAIN en décharge, par voie de mutation de cote des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, établie au nom de la S.C.I. SIMENIN au titre de l'année 1980 et en son nom personnel au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT, a, avant dire droit, prescrit un supplément d'instruction afin d'être en mesure de répartir cette imposition entre la succession de M. Louis VILAIN et l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;
2°) - de transférer la charge de la taxe aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;

VI - VU, sous le N° 91NC00799, enregistrée le 28 octobre 1991, la requête présentée par M. Henri VILAIN demeurant à FREMICOURT (Pas-de-Calais), 6, Grand-Rue ;
M. Henri VILAIN demande à la cour administrative d'appel, comme dans le recours n° 91NC00399 :
1°) - de réformer le jugement du 7 août 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille, par voie de mutation, a mis à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... 94 % des cotisations de taxe foncière établies au nom de la S.C.I. SIMENIN pour l'année 1980 et de M. Pierre VILAIN au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT ;
2°) - de décharger de ces impositions l'indivision VILAIN, et de les rétablir à la charge de l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais et de l'association Saint-Louis ou de l'indivision Louis VILAIN résultant de l'inexistence de la S.C.I. SIMENIN ;
3°) - de condamner les consorts Y... à lui verser 15 000 F à titre de dédommagement au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
VU, enregistré au greffe le 29 septembre 1993, le mémoire complémentaire présenté par M. Henri VILAIN, pour demander à la Cour, qu'elle condamne M. Pierre VILAIN à lui verser des provisions de 100 000 F et 300 000 F pour fraude ;
VU, enregistré au greffe les 18 et 24 mai 1994, les mémoires en réponse par lesquels le ministre du Budget conclut au vu des six requêtes sus-analysées :
1°) - à titre principal :
- dans la mesure où la Cour estimerait qu'il y a lieu de maintenir aux rôles la succession de M. Louis VILAIN, de rejeter les requêtes de Mme Marie-Louise X... et MM. Henri et Pierre Y... ;
2°) - à titre subsidiaire :
- si la Cour ordonnait, avant le 1er août 1994, la mutation des cotes litigieuses au nom de M. Pierre VILAIN en application de l'article 1404 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 juillet 1994,
- ou si la Cour mettait à la charge de M. Pierre VILAIN les cotisations litigieuses par voie de rôles, à compter du 1er août 1994, en application de l'article 1404 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 85 de la loi de finances pour 1994 applicable à partir de cette date,
de rejeter les requêtes de M. Pierre VILAIN et de décider que les requêtes de Mme Marie-Louise X... et de M. Henri VILAIN sont devenues sans objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

VU les jugements attaqués ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 1995 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller ;
- les observations de Mme X... et de M. Henri VILAIN ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la jonction des requêtes :
Considérant que les requêtes susvisées des consorts Y... sont dirigées contre un jugement avant-dire-droit du 18 février 1988 et un jugement du 7 août 1989, par lesquels le tribunal administratif de Lille a transféré, par voie de mutation de cote, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 1980 à 1986 dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
Considérant que, saisi d'une requête présentée par M. Pierre VILAIN agissant en son nom personnel et en qualité de gérant de la S.C.I. SIMENIN tendant à être déchargé des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, le tribunal administratif a prononcé le transfert de 94 % des impositions litigieuses à la charge de la "succession de M. et Mme Louis Y...", sans que cette dernière ait été représentée en tant que telle, ni mise en cause dans l'instance ; qu'il en résulte que les membres de la succession des époux Y... sont fondés à soutenir que le principe général du caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté ; qu'ainsi le jugement susvisé du 7 août 1989 doit être annulé en tant que par les articles 2 et 3 de son dispositif, le tribunal administratif a accordé décharge à M. Pierre VILAIN, à concurrence de 94 % de leur montant des cotisations de taxe foncière litigieuses dont il a prononcé le transfert, par voie de mutation de cote, à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... ;
Considérant que les héritiers de M. et Mme Louis Y... étant appelants devant la cour administrative d'appel ou ayant été mis en cause et l'affaire étant en état, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur leur demande par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de M. Pierre VILAIN agissant à titre personnel ou en qualité de gérant de la S.C.I. SIMENIN ;
Sur les conclusions à fin de mutation de cote :
Considérant que, d'une part, M. Pierre VILAIN agissant à titre personnel et en qualité de gérant de la S.C.I. SIMENIN, et d'autre part, les représentants de la succession de M. Louis VILAIN contestent respectivement leur assujettissement au titre des années 1980, 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986, à la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les rôles de la commune de HENIN-BEAUMONT, à raison d'un immeuble sis ... comprenant un établissement d'enseignement privé, dit "Ecole Saint-Louis" ainsi que deux appartements et un garage ; qu'ils concluent ensemble ou distinctement au transfert des impositions, alternativement à la charge de l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, de l'association Saint-Louis, de la S.C.I. SIMENIN ou de M. Pierre VILAIN à titre personnel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un acte en date du 31 octobre 1933 transcrit à la conservation des Hypothèques de BETHUNE le 17 janvier 1934, la société des Mines de DOURGES, aux droits de laquelle se présente aujourd'hui l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, a donné à bail à M. Louis VILAIN, père des requérants, afin d'y édifier un établissement scolaire, un terrain situé à HENIN-BEAUMONT, actuellement cadastré section A.L. n° 349 ; que cet acte stipule qu'à l'expiration du bail, qui d'une durée de trente ans est de plein droit renouvelable deux fois, la société bailleresse a l'obligation alternative soit de reprendre les constructions pour elle-même, soit d'abandonner le terrain loué à M. VILAIN ou ses ayants-droit, un prix étant fixé contradictoirement dans l'un et l'autre cas ; que par un acte en date du 10 mars 1934, M. Louis VILAIN a loué le groupe scolaire qu'il avait fait construire à l'Association Saint-Louis, pour une durée de 29 ans et 7 mois, susceptible d'être prorogée dans les mêmes conditions que le contrat conclu avec la société des Mines de DOURGES ; qu'à la suite du décès accidentel en 1967 de M. et Mme Louis Y..., il a été procédé aux opérations de partage de la succession desdits époux ; qu'à cette occasion, le tribunal de grande instance de BETHUNE, par un jugement du 23 juin 1970, a indiqué "que Louis VILAIN avait ... reçu à bail ... un terrain nu pour y ériger une école et que le bail a été rétrocédé à l'association Saint-Louis ; qu'ainsi l'ensemble appartient aux Houillères, y compris l'école érigée par l'association" et qu'en conséquence "les cohéritiers n'ont, sur l'école Saint-Louis et le terrain attenant de 322 m2, qu'une créance mobilière à faire valoir" ; que, par un arrêt en date du 6 juillet 1971, la cour d'appel de DOUAI a confirmé ce jugement en retenant que les bâtiments ont été édifiés sur un terrain loué par M. Louis VILAIN et que, par voie d'accession, ils sont donc devenus la propriété du bailleur en la personne de l'établissement public des Houillères Nationales qui viennent aux droits de la société des Mines de DOURGES, laquelle d'ailleurs à l'article 3 du bail, prend la qualité de propriétaire des immeubles à construire ; que dans le partage de la succession publié à la conservation des Hypothèques de BETHUNE, M. Pierre VILAIN a reçu les droits dont il s'agit et en a fait apport le 29 décembre 1978 par un acte également publié au fichier immobilier à la S.C.I. SIMENIN dont il était gérant ; que toutefois, par un arrêt du 12 mars 1980, la cour d'appel de DOUAI, statuant entre M. Henri VILAIN, appelant et notamment la S.C.I. SIMENIN et les autres héritiers VILAIN, intimés, a constaté l'inexistence de la S.C.I. SIMENIN et ordonné la réintégration de son patrimoine dans celui de la succession de M. Louis VILAIN ;
Considérant, d'une part, aux termes de l'article 1400 du code général des impôts : "I - Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. II - Lorsqu'un immeuble est grevé d'usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, la taxe foncière est établie au nom de l'usufruitier, de l'emphytéote ou preneur à bail à construction ..." ;

Considérant, en premier lieu, que s'il a été jugé par la Cour d'appel de DOUAI le 6 juillet 1971, par une décision au demeurant non opposable à l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais qui n'était pas partie à l'instance, que les bâtiments dont la propriété est en litige étaient demeurés la propriété du bailleur, "Les Houillères nationales" alors que "les consorts Y... n'avaient qu'une créance mobilière à faire valoir", cette décision ne saurait en tout état de cause faire obstacle à la qualification juridique qu'exige l'application de la loi fiscale ; qu'ainsi ladite décision ne saurait être utilement invoquée par les consorts Y... pour soutenir que les impositions litigieuses devaient être établies au nom de l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;
Considérant, en second lieu, que le bail du 31 octobre 1933 conclu entre la société des Mines de DOURGES et M. Louis VILAIN présente clairement le caractère d'un bail à construction au sens de l'article 1400-II précité du code général des impôts ; que, par suite, la taxe foncière afférente aux bâtiments édifiés par le preneur à bail sur le terrain ainsi loué doit être établie à son nom dès lors que, contrairement aux allégations des requérants, le nouveau bail non cessible portant sur ces locaux, ultérieurement consenti le 10 mars 1934 par M. Louis VILAIN au profit de l'association Saint-Louis, ne présente pas le caractère d'un bail emphytéotique ;
Considérant, d'autre part, aux termes de l'article 1404 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige "I - Lorsqu'un immeuble est imposé au nom d'un contribuable autre que celui qui en était propriétaire au 1er janvier de l'année de l'imposition, la mutation de cote peut être prononcée soit d'office, dans les conditions prévues par l'article 1951, soit sur la réclamation du propriétaire ou de celui sous le nom duquel la propriété a été cotisée à tort. Toutefois, dans les communes à cadastre rénové, les mutations de cote sont subordonnées à la publication au fichier immobilier de l'acte ou de la décision constatant le transfert de propriété. II - Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme les demandes en décharge ou réduction de la taxe foncière. S'il y a contestation sur le droit à la propriété, les parties sont renvoyées devant les tribunaux civils et la décision sur la demande en mutation de cote est ajournée jusqu'après jugement définitif sur leur droit à la propriété" ,

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de ces dispositions, combinées avec celles de l'article L.173 du livre des procédures fiscales et de l'article R.211 du même livre, que lorsque le contribuable sous le nom duquel une taxe foncière a été établie à tort a introduit une réclamation régulière, l'administration doit transférer la cotisation litigieuse au nom du nouveau propriétaire du local concerné, sans que puisse y faire obstacle le fait que le transfert de droits s'effectue à une date à laquelle serait expiré à l'égard du nouveau propriétaire le délai de reprise dont dispose l'administration des impôts en vertu de l'article L.173 susmentionné ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que la taxe foncière litigieuse, initialement établie au titre de l'année 1980 au nom de la S.C.I. SIMENIN, et au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 au nom de M. Pierre VILAIN a été régulièrement contestée par les intéressés ; que, par suite, M. Pierre VILAIN n'est pas fondé à soutenir que la prescription est acquise au débiteur légal dès lors, au surplus et en tout état de cause, que les dispositions de l'article 85 de la loi de finances pour 1994 ne sont pas applicables aux années d'imposition en litige ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions précitées de l'article 1404 du code général des impôts trouvent en particulier à s'appliquer, nonobstant l'état des inscriptions au fichier immobilier, lorsqu'une décision de justice passée en force de chose jugée a prononcé avec effet rétroactif l'annulation ou la résolution d'un acte portant transfert de propriété ;
Considérant que par un arrêt du 12 mars 1980, la Cour d'appel de DOUAI, après avoir constaté l'inexistence de la société SIMENIN à qui les droits de propriété litigieux avaient été apportés, a ordonné la réintégration du patrimoine de cette société dans celui de la succession de M. Louis VILAIN ; que les droits dont il s'agit, qui, ainsi qu'il est dit ci-dessus, doivent être regardés comme constituant des droits de propriété sur la construction, sont par suite revenus rétroactivement dans l'actif de ladite succession ; qu'il convient, en conséquence, en l'absence de toute précision sur un éventuel partage ultérieur, dès lors que la société déclarée inexistante ne saurait être regardée comme étant en formation, et sans qu'il y ait lieu de renvoyer les parties devant les tribunaux civils pour y voir régler la question de la propriété, d'accorder à M. Pierre VILAIN la décharge qu'il sollicite à titre personnel et de mettre à la charge de la succession de M. Louis VILAIN, par voie de mutation de cote, les impositions litigieuses à la taxe foncière sur les propriétés bâties afférentes aux constructions dont les bases, telles que réparties par le tribunal administratif, ne sont pas contestées ;
Sur les autres conclusions des parties :
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de procéder à la répartition entre les co-héritiers des charges d'impositions relatives aux biens indivis ;
Considérant, en deuxième lieu, que les conclusions de M. Henri VILAIN tendant à la condamnation de ses co-héritiers à lui verser des dommages et intérêts doivent être rejetés comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant, enfin, que les conclusions de la requête de M. Henri VILAIN relatives à la taxe afférente à un terrain attenant à l'école Saint-Louis sont présentées pour la première fois en appel, et sont, de ce fait, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. Henri VILAIN ;
Article 1 : Les six requêtes susvisées de MM. Pierre et Henri Y... et de Mme Marie-Louise X... sont jointes.
Article 2 : Sont annulés l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 7 août 1989 en tant qu'il a accordé décharge à M. Pierre VILAIN à concurrence de 94 % de leur montant des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti, au nom de la S.C.I. SIMENIN pour l'année 1980 et personnellement au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 à raison de l'immeuble sis ..., ainsi que l'article 3 du même jugement.
Article 3 : Il est accordé décharge à M. Pierre VILAIN, à concurrence de 94 % du montant des impositions, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au nom de la S.C.I. SIMENIN pour l'année 1980, et personnellement au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 à raison de l'immeuble sis ....
Article 4 : Les cotisations visées à l'article 2 ci-dessus sont mises à la charge de la succession de M. et Mme Louis Y... par voie de mutation de cote.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre VILAIN, à Mme Marie-Louise X..., à M. Henri VILAIN, aux autres membres de l'indivision, aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, à l'association Saint-Louis et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC00944;89NC01477;89NC01495;89NC00399;91NC00659;91NC00799
Date de la décision : 23/03/1995
Sens de l'arrêt : Annulation partielle décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - REGULARITE DE LA PROCEDURE - Caractère contradictoire - Mutation de côte d'une taxe foncière sur les propriétés bâties - Taxe mise à la charge d'une indivision - Nécessité d'un débat contradictoire avec tous les propriétaires indivis.

19-02-03-03 Méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure devant le tribunal administratif, dès lors qu'une taxe foncière a été mise à la charge de co-héritiers indivis sans que ces derniers aient été tous appelés à formuler leurs observations éventuelles, en présence notamment d'une contestation sur le droit de propriété de l'immeuble. La présence à l'instance d'un seul des co-héritiers à titre personnel ne suffit pas à assurer ce caractère contradictoire de la procédure d'autant que ses intérêts propres s'opposaient à ceux des autres copropriétaires indivis.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES - Débiteur de l'impôt - (1) Notions de bail à construction et de bail emphythéotique - (2) Date d'entrée en vigueur de l'article 1404-I dans sa rédaction issue de la loi n° 93-1352 du 20 décembre 1993 - (3) Mutation de côte prononcée par décision judiciaire sans transcription au fichier immobilier.

19-03-03-01(1) Constitue un bail à construction au sens de l'article 1400 II du code général des impôts la convention par laquelle le propriétaire du sol autorise le preneur à édifier une construction dont il est susceptible d'acquérir la propriété en fin de bail, même si la date de l'engagement est antérieure à la loi du 16 décembre 1964 ayant institué ledit bail à construction. N'est pas titulaire d'un bail emphythéotique, de nature à la rendre redevable de la taxe, l'association gérant une école édifiée sur le sol d'autrui, dès lors que son bail est incessible.

19-03-03-01(2) La suppression de la procédure des mutations de côte résultant de l'article 85 de la loi de finances pour 1994 codifiée à l'article 1404-I du code général des impôts est entrée en vigueur à compter du 1er août 1994. La nouvelle législation est inapplicable à des impositions établies au titre d'années antérieures à la date d'entrée en vigueur de ce texte.

19-03-03-01(3) En application des dispositions de l'article 1402 du code général des impôts, les immeubles sont en principe taxés au nom des propriétaires inscrits au fichier immobilier, et une mutation de côte implique une rectification préalable des mentions de ce fichier. Le juge administratif peut toutefois prononcer lui-même une mutation de côte si une décision judiciaire ayant autorité de chose jugée même non transcrite au fichier, a définitivement tranché la question de la propriété sur le bien taxé.


Références :

CGI 1400, 1404
CGI Livre des procédures fiscales L173, R211
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Darrieutort
Rapporteur ?: M. Bathie
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1995-03-23;89nc00944 ?
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