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04/10/1994 | FRANCE | N°91NC00044

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 04 octobre 1994, 91NC00044


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel les 24 janvier et 2 mai 1991, présentés pour l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" dont le siège social est ...Ecole à Nordhouse (Bas-Rhin) par Me J.P. APPRIL, avocat à Strasbourg ;
L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" demande à la Cour :
1°/ d'annuler les trois jugements n° 88.2093, 88.2094 et 88.2242 en date du 29 novembre 1990 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes en décharge des cotisations d'impôt sur les société

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Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel les 24 janvier et 2 mai 1991, présentés pour l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" dont le siège social est ...Ecole à Nordhouse (Bas-Rhin) par Me J.P. APPRIL, avocat à Strasbourg ;
L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" demande à la Cour :
1°/ d'annuler les trois jugements n° 88.2093, 88.2094 et 88.2242 en date du 29 novembre 1990 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986, de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période de 1984 à 1986 et de la taxe professionnelle qui lui a été assignée au titre des années 1985 à 1987 ;
2°/ de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°/ de condamner l'Etat aux entiers frais et dépens de l'instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 1994 :
- le rapport de M. DARRIEUTORT, Président-rapporteur,
- les observations de Me APPRIL, avocat de l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE". - et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité des jugements attaqués :
Considérant qu'il ressort des jugements susvisées que le tribunal administratif a retenu que l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" a été constituée en 1980 par fusion-absorption de la SARL PROMICA et que, par ailleurs, l'association avait acquis un patrimoine agricole de 85 hectares de terres ; que, toutefois, il résulte des pièces du dossier que, si l'association a été créée le 2 novembre 1980, la fusion-absorption n'a été réalisée qu'en décembre 1981 ; qu'aucune pièce n'établit, par ailleurs, qu'elle ait été propriétaire de 85 hectares de terres ; que, toutefois, ces erreurs, qui affectent des éléments de motivation présentés comme surabondants dans lesdits jugements, sont restées sans influence sur la régularité de ceux-ci dès lors que les premiers juges ne se sont pas mépris sur les données essentielles du litige et ne peuvent, par suite, justifier l'annulation desdits jugements ;
Sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE", qui a pour objet de "favoriser l'action personnelle, bénévole ou non, de chacun de ses membres pour aider son prochain" a été créée le 2 novembre 1980 et inscrite au registre des associations le 21 mai 1981 ; que par l'effet de la fusion-absorption réalisée le 11 décembre 1981 de la SARL PROMICA, société de gestion d'immeubles dont le président de l'association assurait la gérance, elle a repris un immeuble sis ... pour 700 000 F, un appartement situé dans la même ville, ... pour 200 000 F et un terrain industriel situé à Sarreguemines pour 500 000 F ; que l'appartement situé rue d'Upsal a été vendu le 13 juin 1983 pour une somme de 300 000 F et l'immeuble du ..., le 4 juillet 1986, pour la somme de deux millions de francs ; que le terrain situé à Sarreguemines a fait l'objet en 1983, 1984 et 1986 d'options d'achat respectivement pour un montant de 200 000 F, 300 000 F et 1 150 000 F ; que l'administration, sans remettre en cause le caractère non lucratif de l'association, estime que ces profits la rendent passible de l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions des articles 209 et 39-I- 1°/ du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : ..."les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 ..." ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : "I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ..." ; que l'article 209 précité dispose seulement que la détermination des bénéfices des sociétés commerciales s'effectue selon les mêmes règles que celles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux, et n'a ni pour objet ni pour effet d'assujettir les personnes morales à des impositions spécifiquement réservées aux personnes physiques et aux sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu ; que, l'article 35-I du code a pour seul objet de ranger dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les profits réalisés par les personnes physiques qui se livrent à certaines opérations immobilières ; que, par suite, lesdites dispositions ne pouvaient légalement servir de fondement à l'assujettissement de l'association requérante à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, par ailleurs, que si le ministre fait valoir que sont assujetties à la T.V.A en vertu de l'article 257-6° du code général des impôts, non seulement les personnes physiques mais également les personnes morales qui réalisent des affaires portant sur des immeubles et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, ces dispositions, qui visent uniquement le champ d'application de la T.V.A, ne peuvent utilement être invoquées dans le présent litige qui porte sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens relatifs à la procédure d'imposition, qu'il y a lieu de décharger l'association "ENTENTE ET DETENTE" des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 ;
Considérant, toutefois, que le ministre, qui est en droit, à tout moment de la procédure, d'invoquer tout moyen de nature à justifier le maintien d'une imposition et, notamment, de substituer à cette fin une base légale nouvelle à celle qui avait été initialement retenue, fait valoir que les impositions contestées peuvent être maintenues sur le fondement des dispositions des articles 209 et 38 du code général des impôts ;
Mais considérant que le ministre n'expose à l'appui de cette demande aucun moyen de nature à en établir le bien-fondé et à permettre, par suite, au contribuable de le discuter utilement ; qu'ainsi, il ne met pas la Cour en mesure d'apprécier si les conditions nécessaires pour la substitution de base légale proposée sont réunies ; que, dès lors, les conclusions subsidiaires du ministre ne peuvent être accueillies ;

Considérant, enfin, qu'en vertu des articles 206-5 et 219 bis I, sont assujetties à l'impôt sur les sociétés au taux de 24 % les associations et collectivités sans but lucratif en raison notamment de la location d'immeubles bâtis et non bâtis dont elles sont propriétaires, de l'exploitation des propriétés agricoles et forestières et des revenus de capitaux mobiliers dont elles disposent ;
Considérant qu'abstraction faite des bénéfices agricoles d'un montant de 1 062 675 F dont la réalité n'est nullement établie, l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" a perçu des loyers, à concurrence de 107 560 F en 1984, 141 320 F en 1985 et 72 320 F en 1986 ; qu'au titre de ces mêmes années, elle a disposé de revenus de capitaux mobiliers s'élevant à 38 836 F, respectivement en 1984 et 1985 et à 48 710 F en 1986 ; qu'à raison de ces revenus, soit 146 396 F pour 1984, 180 156 F pour 1985 et 121 030 F pour 1986, l'administration est fondée à demander la compensation entre les dégrèvements prononcés au titre des cotisations d'impôt sur les sociétés au taux de droit commun et l'imposition des sommes susindiquées au taux de 24 % ; que les droits en principal qui resteront ainsi à la charge de l'association doivent être assortis des pénalités prévues à l'article 1733-1 du code général des impôts en cas de taxation d'office dès lors, d'une part, que les déclarations des années 1984 et 1985 ont été souscrites après l'expiration du délai de trente jours suivant les mises en demeure du 28 novembre 1987 et, d'autre part, en l'absence de toute déclaration au titre de l'année 1986 en dépit de l'envoi d'une mise en demeure du 4 mai 1987 ; qu'il y a lieu, par suite, d'allouer à la requérante les dégrèvements correspondants ;
Sur l'assujettissement à la T.V.A et à la taxe professionnelle :
Considérant que la perception par l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" de revenus de la location d'immeubles et de revenus mobiliers, ne permet pas, eu égard au caractère civil attaché à ces opérations, de l'assujettir à la T.V.A en vertu des articles 256 et 257 du code général des impôts ; qu'il y a lieu, par suite, de la décharger des impositions correspondantes ;
Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, "La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée" ; que la simple gestion, comme en l'espèce, d'un patrimoine mobilier et immobilier n'est pas de nature à rendre passible la requérante de la taxe professionnelle ; que, par suite, il y a lieu de la décharger des impositions correspondantes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est seulement fondée, dans la limite des réductions et décharges prononcées, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête ;
Article 1er : L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est assujettie à l'impôt sur les sociétés au taux de 24 % sur des bases fixées à 146 396 F, 180 156 F et 121 030 F, respectivement pour les années 1984, 1985 et 1986. Les cotisations correspondantes seront assorties des pénalités prévues à l'article 1733-1 du code général des impôts.
Article 2 : L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est déchargée de la différence entre l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est déchargée de la T.V.A mise à sa charge au titre de la période de 1984 à 1986.
Article 4 : L'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est déchargée de la taxe professionnelle mise à sa charge au titre des années 1985, 1986 et 1987.
Article 5 : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg n° 88.2094 et n° 88.2242 en date du 29 novembre 1990 sont annulés.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 88.2093 en date du 29 novembre 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à l'association "FONDATION ENTENTE ET DETENTE" et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 91NC00044
Date de la décision : 04/10/1994
Sens de l'arrêt : Réduction décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BENEFICES IMPOSABLES -Personnes morales imposables - Associations - Associations et organismes à but non lucratif - Association à but non lucratif procédant à des cessions - Illégalité de l'assujettissement des profits réalisés à l'impôt sur les sociétés sur le fondement des articles 209 et 35-I-1° du C.G.I..

19-04-01-04-01 La cession de plusieurs immeubles par une association de droit local dont le caractère non lucratif n'est pas contesté ne permet pas de la regarder comme passible de l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 209 et 35-I-1° du code général des impôts dès lors que ces dernières dispositions ont pour seul objet de ranger dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les profits réalisés par les personnes physiques se livrant à certaines opérations immobilières. En revanche, les revenus retirés par l'association de la location d'immeubles et les revenus de capitaux mobiliers dont elle a disposé la rendent passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-5 du code général des impôts.


Références :

CGI 209, 35, 257, 206, 219 bis, 1733, 256, 1447


Composition du Tribunal
Président : M. Léger
Rapporteur ?: M. Darrieutort
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-10-04;91nc00044 ?
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