La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/1993 | FRANCE | N°91NC00480

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 02 décembre 1993, 91NC00480


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 1991, présentée pour la société GARAGE CARLEN dont le siège est situé ... représentée par son gérant en exercice ;
La société demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 85-1018-86757 en date du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge des rappels de T.V.A afférents à la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1980 et à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été

assujettie au titre des années 1979 à 1982 ;
2°/ de lui accorder la décharge sollic...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 1991, présentée pour la société GARAGE CARLEN dont le siège est situé ... représentée par son gérant en exercice ;
La société demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 85-1018-86757 en date du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge des rappels de T.V.A afférents à la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1980 et à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 à 1982 ;
2°/ de lui accorder la décharge sollicitée;
3°/ de lui accorder le remboursement des frais de procédure ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 1993 :
- le rapport de M. DARRIEUTORT, Président-rapporteur,
- les observations de Me GOEPP, avocat de la société à responsabilité limitée GARAGE CARLEN,
- et les conclusions de M. DAMAY, Commissaire du Gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 16 novembre 1993 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin a prononcé la décharge du complément de T.V.A mis à la charge de la société GARAGE CARLEN au titre de la période 1979-1980 ; que les conclusions de la requête de la société GARAGE CARLEN relatives à la T.V.A. sont, par suite, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de rectification d'office au titre des années 1979 et 1980 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.75 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : "Les bénéfices ou les éléments qui servent au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires déclarés par les contribuables, peuvent être rectifiés d'office dans les cas suivants : ...b) Lorsque des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées sont constatées dans la comptabilisation des opérations effectuées par les contribuables" ;
Considérant que pour rejeter la comptabilité de la société GARAGE CARLEN, le vérificateur s'est fondé sur le fait que la comptabilité était tenue selon les encaissements alors que le règlement de certaines factures intervenait dans un délai pouvant aller jusqu'à deux semaines, que les achats ne faisaient pas l'objet d'un enregistrement chronologique et que les stocks de cycles étaient inexistants ; qu'il était en outre relevé que le compte des clients débiteurs était déterminé d'une façon approximative à la clôture de chacun des deux exercices, que des écritures de régularisation de fin d'exercice n'étaient pas justifiées et que des irrégularités affectaient le compte "achats" ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la caisse enregistreuse faisait état de l'ensemble des ventes au comptant et à crédit et que les bandes de caisse servaient effectivement de base à la tenue de la comptabilité ; que, par ailleurs, la société requérante fournit une explication vraisemblable à l'absence de stocks de cycles ; que les irrégularités constatées dans les écritures de régularisation pouvaient faire l'objet de redressements ponctuels sans que la comptabilité fut écartée dans son ensemble ; qu'enfin, seule la comptabilisation d'une facture d'achat d'un montant de 21 128 F a été omise ; que, dans ces conditions, si des irrégularités affectaient les écritures comptables, celles-ci demeuraient limitées eu égard notamment au chiffre d'affaires annuel de l'entreprise qui s'établissait à environ 3 000 000 F ; que ces irrégularités ne suffisent pas, en elles-même, à établir que la comptabilité était entachée d'erreurs graves et répétées au sens des dispositions précitées ; que, par suite, l'utilisation de la procédure de rectification d'office a été , en l'espèce, irrégulière ; que, pour ce motif la société est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 ;
En ce qui concerne la procédure d'imposition concernant les années 1981 et 1982 :

Considérant d'une part, que la société requérante, faute d'avoir déposé ses déclarations de résultats, était en situation de taxation d'office, pour les années 1981 et 1982 ; que cette situation n'a pas été révélée à l'occasion de la vérification de sa comptabilité ; que, par suite, la requérante ne peut utilement faire valoir que la procédure d'imposition serait irrégulière au motif qu'elle aurait été privée d'avoir sur place un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales relatif à la notification des impositions d'office : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination" ; que si la notification de redressement en date du 18 novembre 1983 ne reproduit pas dans le détail toutes les opérations du vérificateur et notamment les relevés de prix effectués, elle comporte les modalités de détermination des recettes et des résultats reconstitués qui ont servi de base aux impositions supplémentaires contestées ; que la requérante n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que la notification des bases d'imposition est insuffisamment motivée au regard des dispositions législatives précitées de l'article L.76 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que comme il a été dit ci-dessus, la société GARAGE CARLEN a été régulièrement taxée d'office au titre de l'impôt sur les sociétés pour les années 1981 et 1982 ; qu'il lui appartient, dès lors, de démontrer le caractère exagéré des impositions ;
Considérant que les coefficients retenus par le vérificateur pour déterminer le montant des différentes opérations réalisées par la société résultent du rapprochement opéré dans l'entreprise entre les prix d'achat et de vente pour chaque catégorie d'articles ; que, par suite, la requérante ne saurait valablement critiquer cette méthode en soutenant que pour la reconstitution des recettes il aurait été utilisé des coefficients sans rapport avec l'activité de l'entreprise vérifiée et que ladite reconstitution aurait été viciée dans son principe même ;
Considérant, par ailleurs, que si la société critique le coefficient de 1,25 appliqué aux achats de cycles, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier les coefficients qu'elle propose de retenir ; que, les coefficients de bénéfice brut relatifs aux reventes de produits en l'état ayant été déterminés à partir d'achats et de recettes hors taxes, ceux-ci n'ont pu être affectés par le changement de taux de la T.V.A intervenu en 1982 ; que si la société estime avoir réalisé sur les ventes de carburant une marge inférieure à celle qui a été notifiée au motif que les pompes distributrices n'enregistraient pas les centimes, elle n'établit pas, à défaut de précision suffisante, le caractère exagéré de la reconstitution portant sur ces reventes en l'état ;

Considérant enfin, que le chiffre d'affaires reconstitué des prestations de main-d'oeuvre a été déterminé à partir du coefficient de 2,33 arrondi à 2,30, représentant le rapport entre le chiffre d'affaires "prestations" et les salaires déclarés de l'année 1980 ; qu'en admettant même que le vérificateur ait retenu à tort, au titre des heures de travail productives, la rémunération de M. Jean-Georges X..., il résulte de l'instruction, et notamment des explications détaillées données par le vérificateur dans sa réponse aux observations de la société en date du 22 décembre 1983, que la correction de cette erreur, qui impliquait de réduire le montant des salaires servant de base à la reconstitution mais aussi de majorer corrélativement le coefficient applicable, n'aurait pas abouti à la détermination d'un chiffre d'affaires-prestations inférieur à celui qui a été retenu en définitive ;
sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à la société GARAGE CARLEN la somme de 15 000 F ;
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société GARAGE CARLEN dirigées contre le complément de T.V.A. mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1980.
Article 2 : La société GARAGE CARLEN est déchargée des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 juillet 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article deux ci-dessus.
Article 4 : L'Etat (ministre du budget) versera à la société GARAGE CARLEN une somme de quinze mille francs (15 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société GARAGE CARLEN et au MINISTRE DU BUDGET.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 91NC00480
Date de la décision : 02/12/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE POURSUITE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L75, L76
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DARRIEUTORT
Rapporteur public ?: M. DAMAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1993-12-02;91nc00480 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award