Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 3 février 1992, présentée par la société civile immobilière DE VIETEL, dont le siège social est à "La Ferme Saint-Jacques" ..., représentée par son gérant en exercice ;
La société DE VIETEL demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 3 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 dans les rôles de la commune de Senlis ;
2°/ de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°/ d'ordonner que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur son recours il soit sursis à l'exécution des avis de mise en recouvrement correspondants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 1993 :
- le rapport de M. SIMON, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Sur le principe de l'assujettissement de la société DE VIETEL à la taxe foncière sur les propriétés bâties :
Considérant qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : "La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code" ; qu'aux termes de l'article 1384 du même code : "I. Les constructions neuves affectées à l'habitation principale sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant une durée de quinze ans à compter de l'année qui suit celle de leur achèvement lorsqu'elles ont fait l'objet d'un prêt selon le régime propre aux habitations à loyer modéré ... II. Pour bénéficier de l'exonération, le propriétaire doit produire une demande dans les quatre mois de l'ouverture des travaux, selon les modalités fixées par décret" ; que selon l'article 314 de l'annexe III audit code cette demande "doit être déposée à la mairie de la commune où seront effectués les travaux et indiquer la nature du bâtiment, sa destination et la désignation, d'après les documents cadastraux, du terrain sur lequel il doit être construit" ; que l'article 1406 du même code dispose : "I. Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties ou non bâties sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. II Le bénéfice des exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties est subordonné à la déclaration de changement qui les motive. Lorsque la déclaration est souscrite hors délais, l'exonération s'applique pour la période restant à courir après le 31 décembre de l'année suivante" ; qu'en application de l'article 321 E de l'annexe III audit code les changements de consistance visés à l'article 1406 sont déclarés par les propriétaires sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles fixés par le ministre de l'économie et des finances ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'elle affirme, la société DE VIETEL n'apporte pas la preuve lui incombant que les travaux qu'elle a réalisés dans l'immeuble dont elle est propriétaire ..., à supposer qu'ils aient opéré un changement de consistance tel que ceux visés à l'article 1406 précité du code général des impôts, aient fait l'objet de la demande d'exonération de taxe prévue à l'article 314 de l'annexe III au code général des impôts, comme de la déclaration de changement de consistance qui devait être souscrite, dans le délai de quatre-vingt-dix jours, ou même hors délais, conformément aux modalités fixées par l'article 321 E de la même annexe, pour obtenir le bénéfice d'une exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties ; que la circonstance que l'administration ait fait connaître à la société requérante, par lettre du 25 mars 1981 dont celle-ci se prévaut, qu'elle donnait suite à sa demande en lui accordant à compter du 1er janvier 1982 une exonération temporaire sur laquelle elle est revenue, ne suffit pas à établir que les formalités substantielles prévues par les dispositions susrappelées des articles 314 et 321 E de l'annexe III au code général des impôts aient été accomplies ; que la preuve de la déclaration de changement de consistance ne peut résulter de la production des copies des deux déclarations "modèle H 2" portant la date du 9 février 1981, non signées, et qui ne mentionnent pas les travaux concernés, lesquels, en tout état de cause, ont été achevés avant le 31 décembre 1977 ; que, de surcroît, l'absence de déclaration modèle H 2 a été relevée par l'administration dans ses lettres du 4 mars et du 21 septembre 1985 rejetant pour la première fois sa demande d'exonération, sans que la société DE VIETEL l'ait alors contesté ;
Sur la légalité de la décision initiale d'exonération prise par l'administration et l'interprétation donnée à la loi fiscale :
Considérant d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société DE VIETEL, la décision d'exonération temporaire du 25 mars 1981 dont elle se prévaut sur le fondement de l'article L.80.A du livre des procédures fiscales, prise par un agent des services fiscaux qui s'est borné à apprécier inexactement une situation de fait, n'a comporté aucune motivation valant interprétation formelle des dispositions combinées des articles 1384 et 1406 du code général des impôts ; qu'en tout état de cause cette décision résultant d'une mise en oeuvre erronée de ces articles n'était pas de nature à lier l'administration qui est tenue d'appliquer strictement la loi fiscale, en revenant au besoin sur une décision contraire à cette loi ;
Considérant, d'autre part, que la société requérante ne peut utilement invoquer, ainsi que les premiers juges l'ont estimé, les décisions de dégrèvement dont elle a bénéficié au titre des années 1978 et 1979, dès lors que celles-ci n'ont pas constitué une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article L.80.A du livre des procédures fiscales ;
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution des avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses :
Considérant qu'il n'y a pas lieu à statuer sur ces conclusions dès lors que la Cour se prononce sur le fond du litige ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DE VIETEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 ;
Article 1 : La requête de la société DE VIETEL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société DE VIETEL et au ministre du budget.