Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 21 septembre 1992 sous le n° 92NC00726, présentée par M. Jean X... demeurant ... LES VILLAS ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 23 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1985 ;
2°/ de prononcer la décharge des impositions contestées;
Vu le mémoire en défense enregistré le 29 mars 1993 présenté par le ministre du budget tendant à ce que la Cour :
1°/ déclare irrecevable la requête de M. X... ;
2°/ confirme le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en ce qu'il a reconnu fondées et régulières les impositions issues du contrôle fiscal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1993 :
- le rapport de M. JACQ, Conseiller ;
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le ministre :
Considérant que si, aux termes de l'article 152 de la loi n° 85-28 du 25 janvier 1985, "Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la duré de la liquidation judiciaire par le liquidateur", la règle ainsi posée portant interdiction au débiteur, postérieurement au jugement prononçant le règlement judiciaire, de faire seul, sans l'assistance du liquidateur, un des actes visés par le texte n'est édictée que dans l'intérêt des créanciers ; que, dès lors, seul le liquidateur peut se prévaloir de cette disposition pour exciper de l'irrecevabilité du débiteur à se pourvoir seul contre un jugement préjudiciable à l'intéressé ; que, par suite, le ministre n'est pas recevable à soutenir que M. X..., ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 30 janvier 1989, n'aurait pas eu qualité pour présenter seul, sans l'assistance du liquidateur, une réclamation au directeur relative aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1985 ; que le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a admis que la réclamation au directeur était recevable ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les années 1982, 1983 et 1985 :
Considérant que le requérant se prévaut des dispositions de l'article L.67 du livre des procédures fiscales aux termes duquel : "La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L.66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure" ; que, sans contester qu'il n'a pas souscrit en temps utile les déclarations de résultats auxquelles il était tenu, M. X... soutient que ces dispositions sont applicables en l'espèce et que, par suite, ayant régularisé sa situation dans le trente jours de notification des mises en demeure, la procédure d'évaluation d'office a été irrégulière ;
Considérant que l'obligation d'adresser une mise en demeure avant d'utiliser la procédure d'évaluation d'office n'a été imposée que par l'article 81-II de la loi 86-1317 du 30 décembre 1986 qui est entrée en vigueur le 2 janvier 1987 ; que les redressements effectués ayant été notifiés le 18 novembre 1986, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer ;
Considérant que le requérant ne peut utilement invoquer, en se fondant sur l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, une instruction ministérielle du 17 janvier 1978, qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une "interprétation de la loi fiscale" au sens de cet article ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les impositions contestées n'ont pu légalement être établies par voie d'évaluation d'office pour les années 1982, 1983 et 1985 ;
Considérant que M. X... ayant été régulièrement imposé par voie d'évaluation d'office pour les années contestées, il ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
En ce qui concerne l'année 1984 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que l'administration a informé le requérant par courrier du 5 octobre 1987 que la suppression de la procédure de rectification d'office en ce qui concerne l'exercice 1984 l'autorisait à saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans l'hypothèse où il maintiendrait son désaccord ; que le requérant, qui n'a pas répondu dans le délai de 30 jours, doit être regardé comme ayant accepté tacitement les redressements ; que, par suite, l'imposition contestée a été mise en recouvrement le 29 février 1988 après une procédure régulière ; que, dès lors, il appartient à M. X... de produire tous éléments comptables ou extra-comptables de nature à établir l'exagération de l'évaluation administrative ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe, le requérant se prévaut de sa comptabilité ; que les critiques de l'administration concernant la comptabilité de M. X... ne sont pas suffisants pour établir que cette comptabilité n'est ni régulière, ni probante ; que, par suite, en l'absence d'autres éléments susceptibles de remettre en cause les recettes déclarées par le contribuable, ce dernier est en droit de soutenir que sa comptabilité lui permet d'apporter la preuve que les redressements opérés en 1982, 1984 et 1985 n'étaient pas fondés ;
Article 1 : M. Jean X... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1982, 1984 et 1985 à hauteur respectivement de 51 641F, 153 065F et 114 962F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 23 juin 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X... et au ministre du budget.