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29/09/1992 | FRANCE | N°91NC00332

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 29 septembre 1992, 91NC00332


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1991 au greffe de la Cour, présenté pour l'organisme dénommé "ALLGEMEINE ORTSKRANKENKASSE FUR DAS SAARLAND" (A.O.K. SAARLAND), dont le siège est 1, Halbergstrasse à Saarbrucken - 6600 (Allemagne) ;
L'A.O.K. SAARLAND demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à ce que l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines soit condamné à lui verser la contrevaleur en francs français d'une somme de 18 382,13 DM avec intérêts légaux ;
2°) de

condamner l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines à lui payer la contrevaleu...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1991 au greffe de la Cour, présenté pour l'organisme dénommé "ALLGEMEINE ORTSKRANKENKASSE FUR DAS SAARLAND" (A.O.K. SAARLAND), dont le siège est 1, Halbergstrasse à Saarbrucken - 6600 (Allemagne) ;
L'A.O.K. SAARLAND demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à ce que l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines soit condamné à lui verser la contrevaleur en francs français d'une somme de 18 382,13 DM avec intérêts légaux ;
2°) de condamner l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines à lui payer la contrevaleur de cette somme, avec les intérêts de droit, sur 6 935,27 DM à compter du 11 juillet 1985, et sur 11 446,86 DM à compter du 21 janvier 1991 ;
3°) de condamner ledit hôpital aux frais et dépens ;
4°) de réserver ses droits en ce qui concerne les soins futurs prodigués à l'enfant Benjamin X... en relation avec les lésions occasionnées par l'hôpital du Parc ; Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour, portant clôture de l'instruction à compter du 20 août 1992 à 12 heures ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le règlement C.E.E. n° 1408/71 du 14 juin 1971 ;
Vu le règlement C.E.E. n° 574/72 du 21 mars 1972 ;
Vu la loi n° 71-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 1992 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller,
- les observations de Me RIETSCH, avocat de l'A.O.K. SAARLAND et de Me ADRIEN, avocat de l'hôpital civil de Sarreguemines,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le jeune Benjamin X... a été victime d'une paralysie sciatique consécutivement à une injection intra-musculaire de gardénal prescrite pour le traitement d'un ictère néonatal ; qu'il n'est pas contesté que l'infirmité qui en est résulté est imputable à une faute dans le fonctionnement du service hospitalier, engageant la responsabilité de l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines ; que l'ALLGEMEINE ORTSKRANKENKASSE FUR DAS SAARLAND (A.O.K. SAARLAND), auprès de laquelle le père de la victime était affilié au titre de l'assurance maladie en qualité de travailleur frontalier et qui supporte en cette qualité la charge de prestations en nature versées aux ayants-droits de ses assurés, demande la condamnation de l'hôpital à lui rembourser le montant desdites prestations ;
Sur l'exception tirée de la prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes ... sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public" ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son requérant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ..." ; que l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines, qui figure au nombre des établissements publics visés par les dispositions légales précitées, oppose la prescription quadriennale à la créance que fait valoir l'organisme requérant ;
Considérant que, sans qu'il soit besoin de déterminer si l'A.O.K. SAARLAND disposait, en vertu de la législation allemande applicable en l'espèce aux termes de l'article 93 du règlement C.E.E. N° 1408/71 du 14 juin 1971, d'un droit propre à réparation envers l'auteur de l'accident ou était subrogée dans les droits de son assuré, les frais et débours consentis par la caisse requérante en relation directe avec la faute commise par l'hôpital civil du parc de Sarreguemines ont fait naître une créance à son profit au plus tard à la date des premières prestations fournies à M. X... ; qu'elle peut être regardée comme ayant légiti-mement ignoré cette créance et ne pas avoir été en mesure de poursuivre son recouvrement auprès du tiers responsable jusqu'à la date à laquelle elle pouvait être informée des faits qui sont à l'origine de l'infirmité dont le jeune Benjamin X... a été atteint ; qu'une telle information était à sa disposition à partir du moment où des prestations lui ont été demandées ; qu'ainsi, en application des dispositions susrappelées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription a en l'espèce commencé à courir non pas à compter de la date de la consolidation des blessures du jeune Benjamin X..., mais à partir de la date à laquelle l'A.O.K. SAARLAND, ayant été appelée à verser des prestations, doit être regardée comme ayant eu connaissance de l'existence d'une créance à son profit ;

Considérant qu'il ressort du dossier que la caisse requérante a eu connaissance de sa créance, non le 19 juin 1985, date à laquelle elle a été informée par la caisse primaire d'assurance maladie de Sarreguemines de ce que cette dernière avait versé des prestations pour son compte, mais le 13 février 1981, date du premier décompte de prestations établi par l'A.O.K. SAARLAND ; que par suite, le délai de prescription ne doit pas être décompté à partir du 8 février 1979, date de consolidation de l'état du jeune Benjamin X..., mais à partir seulement du 13 février 1981 ; qu'il s'ensuit que la prescription qua-driennale ne pouvait être regardée comme acquise à l'égard de l'A.O.K. SAARLAND que le 1er janvier 1986 ; que la demande de la ladite caisse tendant à rechercher la responsabilité de l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines ayant été présentée le 11 juillet 1985 auprès de l'hôpital et de son assureur, la caisse requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que ledit tribunal a rejeté sa requête en tant que la prescription quadriennale a été valablement opposée à la créance litigieuse ;
Sur la réparation :
Considérant que l'A.O.K. SAARLAND soutient avoir pris en charge des prestations, soit directement, soit par voie de remboursement de celles versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Sarreguemines, à concurrence d'un montant de 18 382,13 DM ; que ce montant n'est pas contesté par l'hôpital du Parc et que les pièces produites par la caisse postérieurement à la clôture de l'instruction se bornent à apporter des précisions sur les prestations concernées ; que l'A.O.K. SAARLAND est ainsi fondée à demander la condamnation de l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines à lui verser la contrevaleur en francs français, d'une part, d'une somme de 6 935,27 DM au taux de change en vigueur le 30 décembre 1985, date de dépôt de sa demande devant le tribunal administratif, d'autre part, d'une somme de 11 446,86 DM au taux de change en vigueur le 22 janvier 1991, date de la demande complémentaire formulée à cet effet devant les premiers juges ;
Considérant en tout état de cause que la seule allusion à la circonstance que la victime aurait besoin de soins à vie, non assortie d'une quelconque précision sur son état de santé actuel et sur la nature et la fréquence des soins prévisibles nécessités par cet état, ne saurait conférer un caractère certain aux prestations que l'A.O.K. SAARLAND pourrait être amenée à assurer ultérieurement ; qu'ainsi les conclusions de la requérante tendant à ce que soient réservés ses droits au remboursement des prestations dont s'agit doivent être rejetées ;
Sur les intérêts :
Considérant en premier lieu que l'A.O.K. SAARLAND a droit aux intérêts de la contrevaleur en francs français d'une somme de 6 935,27 DM à compter du 11 juillet 1985, date de la demande préalable formulée auprès de l'hôpital ;

Considérant en second lieu que la caisse requérante a droit aux intérêts de la contrevaleur en francs français de la somme de 11 446,86 DM à compter du 22 janvier 1991, date de la demande présentée à cet effet par la requérante devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de l'A.O.K. SAARLAND tendant au remboursement des frais exposés dans le cadre de la présente procédure :
Considérant que les conclusions présentées par la caisse requérante et tendant à ce que lui soient remboursés les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, faute d'être chiffrées, sont irrecevables ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 février 1991 est annulé.
Article 2 : L'hôpital civil du Parc de Sarreguemines est condamné à verser à l'A.O.K. SAARLAND la contrevaleur en francs français d'une somme de 6 935,27 DM au taux de change en vigueur le 30 décembre 1985 et d'une somme de 11 446,86 DM au taux de change en vigueur le 22 janvier 1991. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter respectivement du 11 juillet 1985 et du 22 janvier 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'A.O.K. SAARLAND, à l'hôpital civil du Parc de Sarreguemines et au ministre de la santé et de l'action humanitaire.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91NC00332
Date de la décision : 29/09/1992
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - POINT DE DEPART DU DELAI - Dettes extracontractuelles d'une collectivité publique - Début de l'année suivant la date à laquelle un organisme de sécurité sociale a eu connaissance de l'existence de sa créance du fait de la demande de prestations formulée par son assuré.

18-04-02-04 La caisse de sécurité sociale appelée à verser des prestations en nature à son assuré en relation directe avec la faute commise par le service hospitalier peut être regardée comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance et ne pas avoir été en mesure de poursuivre son recouvrement auprès du tiers responsable jusqu'à la date à laquelle elle pouvait être informée des faits à l'origine de l'infirmité de l'ayant-droit de son assuré. Par suite, le délai de prescription n'a pas commencé à courir l'année suivant la date de la consolidation des blessures de ce dernier, mais le 1er janvier de l'année suivant la date du premier décompte correspondant au versement des prestations.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - MODALITES DE FIXATION DES INDEMNITES - CONVERSION DU MONTANT D'UN PREJUDICE EVALUE EN MONNAIE ETRANGERE - Indemnisation de la victime d'une faute du service hospitalier.

60-04-03-07-007 Le préjudice exprimé en monnaie étrangère subi par une caisse de sécurité sociale d'un pays membre de la C.E.E. ayant versé sur plusieurs années des prestations en nature à un travailleur frontalier français victime d'un accident provoqué par la faute du service hospitalier, soit directement, soit par voie de remboursement des prestations versées par la caisse de sécurité sociale française, est réparé, compte tenu de l'impossibilité pour le juge de déterminer en l'espèce les dates auxquelles certaines prestations ont été assurées, sous forme de la contre-valeur en francs français du montant demandé au taux de change en vigueur à la date du dépôt de la demande devant le tribunal administratif.


Références :

CEE Règlement 1408-71 du 14 juin 1971 Conseil art. 93
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 3

1.

Rappr. CE, Assemblée, 1967-05-12, Ministre des armées c/ de Corbier, p. 211 ;

CE, 1968-05-17, Ministre des affaires étrangères c/ Lanson, p. 318


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Vincent
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1992-09-29;91nc00332 ?
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