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09/07/1992 | FRANCE | N°90NC00021

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 juillet 1992, 90NC00021


Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 1990 au greffe de la Cour, présentée pour le DEPARTEMENT DE L'YONNE, représenté par le président du conseil général, demeurant en cette qualité à l'Hôtel du département d'Auxerre 89000 à ce dûment habilité par délibération du bureau du conseil général en date du 12 avril 1985 . Le DEPARTEMENT DE L'YONNE demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Dijon, d'une part, a condamné la société Sogal à lui verser la somme de 38 354 F assortie des intérêts de droit à

compter du 25 juin 1985 en réparation du préjudice subi du fait des malfaçons a...

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 1990 au greffe de la Cour, présentée pour le DEPARTEMENT DE L'YONNE, représenté par le président du conseil général, demeurant en cette qualité à l'Hôtel du département d'Auxerre 89000 à ce dûment habilité par délibération du bureau du conseil général en date du 12 avril 1985 . Le DEPARTEMENT DE L'YONNE demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Dijon, d'une part, a condamné la société Sogal à lui verser la somme de 38 354 F assortie des intérêts de droit à compter du 25 juin 1985 en réparation du préjudice subi du fait des malfaçons affectant les bâtiments de la station agronomique de l'Yonne, d'autre part, a mis les frais d'expertise à sa charge à raison de 23 794 F et à celle de ladite société à raison de 5 949 F ;
2°) de condamner conjointement et solidairement MM. B..., Z... et C..., la société Gettec, l'entreprise Charrier ainsi que la société Sogal à lui payer la somme de 497 381 F avec intérêts de droit à compter du 25 juin 1985 et à prendre en charge les frais d'expertise ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 1990, présenté pour la société Gettec ; la société Gettec conclut à sa mise hors de cause et à ce que le DEPARTEMENT DE L'YONNE soit condamné à lui verser une somme de 10 000 F à titre de frais irrépétibles ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 1990, présenté pour M. X... ; M. X... conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que les architectes ainsi que la société C.E.P soient condamnés à le garantir de toute condamnation mise à sa charge ;
Vu le mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 15 janvier 1991, présenté pour la société Sogal ; la société Sogal conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 1992, présenté pour la Société CEP ; la Société C.E.P conclut à sa mise hors de cause et à ce que M. X... soit condamné à lui verser une somme de 10 000 F à titre de frais irrépétibles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 1992 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller,

- les observations de Me PEGOSCHOFF-BERTRAND, substituant Me GAUCHER, avocat du DEPARTEMENT DE L'YONNE ; de Me RAFFIN, avocat de la Société Gettec ; de Me E..., substituant la SCP PICARD-BONANDRINI, avocat de l'entreprise Charrier ; de Me Y..., de la SCP DEMONJOUR, DUPARC, DOREY, avocat de la Société Sogal, et de Me A..., de la Société d'avocats LAISNEY et associés, avocat de la société C.E.P ;
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement, désigné en application du 2e alinéa de l'article 18 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ajouté par l'article 5 de la loi n°90-511 du 25 juin 1990 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, saisi d'une demande d'indemnisation au titre de la garantie décennale des constructeurs, il revenait au tribunal administratif d'examiner au besoin d'office si les désordres invoqués relèvent du champ d'application de cette garantie ; que par suite, le DEPARTEMENT DE L'YONNE n'est pas fondé à prétendre qu'en relevant que les désordres affectant les peintures des locaux de la station agronomique de l'Yonne n'étaient pas en raison de leur nature susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs, alors même qu'aucun défendeur n'a soulevé, en réponse à la requête du DEPARTEMENT DE L'YONNE, le défaut de réunion des conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité décennale, les premiers juges auraient statué en méconnaissance du cadre de l'instance ;
Sur la recevabilité de la demande du DEPARTEMENT DE L'YONNE devant le tribunal administratif :
Considérant qu'en vertu de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête concernant toute affaire sur laquelle le tribunal administratif est appelé à se prononcer doit contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que les conclusions des parties ; que ces dispositions n'imposent pas aux parties de spécifier la cause juridique à laquelle se rapportent les moyens qu'ils soulèvent ni de désigner les dispositions légales qu'elles invoquent ;
Considérant que dans sa requête devant le tribunal administratif, le DEPARTEMENT DE L'YONNE a précisé que les réceptions définitives des travaux étaient intervenues, que les décollements de peintures avaient été constatés sur l'ensemble du bâtiment en avril et mai 1983, soit après la réception définitive, que les dégradations sont telles qu'elles rendent les locaux impropres à leur destination et que les concepteurs ainsi que l'entreprise chargée des travaux sont responsables des dégradations constatées ; que si le DEPARTEMENT DE L'YONNE n'a ainsi pas expressément désigné le fondement juridique de sa demande, celle-ci doit être regardée comme fondée sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et se présente comme suffisamment motivée au regard des prescriptions sus rappelées de l'article R 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
En ce qui concerne les plafonds :
Considérant qu'en application des principes régissant la garantie décennale, seuls peuvent donner lieu à l'application de cette garantie les désordres qui compromettent la stabilité de l'ouvrage ou qui sont de nature à rendre celui-ci impropre à sa destination ;

Considérant que s'il résulte du rapport de l'expert commis par le juge des référés et du constat d'huissier produit par le département que les locaux de la station agronomique de l'Yonne, qui ont fait l'objet des travaux litigieux, présentent des dégradations généralisées de la peinture constituant le revêtement des plafonds, il n'est pas établi, nonobstant les attestations produites par le personnel de la station, que l'effritement et la chute de particules de peinture, auxquels il aurait pu être remédié par des mesures provisoires dès le début du phénomène et auquel il a d'ailleurs été partiellement remédié, ait été de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, alors même que des analyses d'un haut degré de précision y sont effectuées ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les défendeurs, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les désordres dont s'agit n'étaient pas susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs conformément aux principes dont s'inspirent les article 1792 et 2270 du code civil ; que dès lors, le DEPARTEMENT DE L'YONNE n'est pas fondé à rechercher la responsabilité conjointe et solidaire de M. X..., entrepreneur chargé du lot "peintures" et de M. B..., de l'atelier Larousse-Quent et de la société Gettec en raison de ces désordres ;
En ce qui concerne les murs et cloisons :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que quelques murs et cloisons sont affectés par le même phénomène de décollement de la peinture, en particulier au niveau de certains dessous d'appuis de fenêtre ; qu'à supposer que ces désordres soient dus à des infiltrations liées à une exécution défectueuse d'une partie des travaux d'étanchéité de la terrasse et des fenêtres, lesdits désordres conservent toutefois une ampleur limitée et ne sont ainsi en tout état de cause pas de nature à rendre les immeubles concernés impropres à leur destination ; qu'ainsi la société Sogal, chargée du lot "étanchéité", est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que sa responsabilité était engagée à raison des malfaçons affectant l'étanchéité des châssis de façades et des acrotères ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise, taxés à une somme de 29 743 F, à la charge exclusive du DEPARTEMENT DE L'YONNE ; Sur les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles :

Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel issu de l'article 75-II de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, applicable à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L 8-1 et de condamner le DEPARTEMENT DE L'YONNE à verser à la société Gettec une somme de 4 000 F sur le fondement des dispositions précitées ; qu'il y a également lieu de condamner M. X... à verser à la société C.E.P une indemnité de 3 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 24 octobre 1989 est annulé.
Article 2 : La demande du DEPARTEMENT DE L'YONNE devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge du DEPARTEMENT DE L'YONNE.
Article 4 : Le DEPARTEMENT DE L'YONNE versera à la société Gettec une somme de 4 000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : M. X... versera à la société C.E.P une somme de 3 000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la société Gettec et de la société C.E.P tendant au remboursement des frais irrépétibles est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE L'YONNE, à M. X..., à Maître D..., syndic à la liquidation judiciaire de la société Sogal, à M. B..., à l'atelier Larousse-Quent, à la société Gettec, à la société C.E.P et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 90NC00021
Date de la décision : 09/07/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - N'ONT PAS CE CARACTERE -Désordres de faible importance - Désordres n'étant pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et n'affectant pas sa solidité - Décollement de peintures des plafonds d'un bâtiment à usage de station agronomique.

39-06-01-04-03-01 Alors même que des analyses d'un haut degré de précision y sont effectuées, les désordres affectant les locaux d'une station agronomique, consistant en une dégradation généralisée de la peinture constituant le revêtement des plafonds, à laquelle il aurait pu être remédié dès le début du phénomène et il a d'ailleurs été partiellement remédié, ne sont pas de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination.


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87, L8-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Vincent
Rapporteur public ?: M. Pietri

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1992-07-09;90nc00021 ?
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