Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 17 avril 1991 sous le n° 91NC00230, présentée pour M. Léandre X..., demeurant ... (Pas-de-Calais) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 2 avril 1991 par laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'expertise tendant à faire des constatations relatives aux taux et à l'assiette des droits d'occupation du domaine public dont il est redevable pour son commerce de fleurs ;
2°) d'ordonner l'expertise demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 1991 :
- le rapport de M. Damay, conseiller ;
- les observations de Me Wattez, avocat de M. Léandre X... ;
- et les conclusions de Mme Felmy, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que par une requête enregistrée le 18 février 1991 au greffe du tribunal administratif de Lille, M. X... avait formé une opposition à une saisie-exécution diligentée à son encontre pour un montant de 161 527 F et avait demandé, en application de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs, devenu article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la désignation d'un expert afin de rechercher tous éléments utiles permettant au tribunal d'apprécier le taux et l'assiette du droit de voirie dont il était redevable à raison de l'occupation de la voie publique par son commerce de fleurs ;que par une ordonnance du 2 avril 1991 le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté la requête dont le tribunal avait été saisi ;
Considérant que le président du tribunal administratif statuant en la forme des référés en application de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne constitue pas une juridiction distincte par rapport aux autres formations du tribunal administratif ; que par suite, lorsqu'une requête comporte simultanément une demande au fond et une demande d'expertise adressée au juge des référés, il revient à celui-ci de se prononcer sur les conclusions relevant du juge des référés et de renvoyer à une formation de jugement du tribunal administratif la contestation relative au fond du litige ; qu'ainsi, en rejetant pour incompétence les conclusions de M. X... tendant à ce que soit déclarée sans fondement la saisie-exécution diligentée à son encontre, sans les renvoyer à une formation de jugement du tribunal administratif, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif a entaché d'illégalité son ordonnance ; que par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté les conclusions susmentionnées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions dirigées contre la saisie-exécution diligentée à l'encontre de M. X... et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de ce dernier ;
Sur le bien-fondé de la contrainte :
Considérant que les communes sont fondées à recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des redevances calculées en fonction de la surface occupée, ou de la nature de l'activité exercée du caractère permanent ou occasionnel de cette occupation ; que lorsqu'elles instituent plusieurs catégories de tarifs de redevances en fonction des critères sus-rappelés, elles doivent veiller à ce que ces différents tarifs ne présentent pas un caractère discriminatoire ou qu'ils ne soient disproportionnés les uns par rapport aux autres, compte tenu des caractéristiques d'occupation du domaine public en fonction desquelles ils sont appliqués ; que si elles ont la possibilité de s'opposer à une occupation privative ou de mettre fin aux autorisations de stationnement qu'elles ont délivrées, dans la mesure où l'occupation en cause n'est pas compatible avec la destination du domaine public concerné, et de poursuivre le cas échéant les contrevenants, elles ne peuvent par contre assujettir les occupations irrégulières à un taux majoré présentant le caractère d'une pénalité qu'il ne leur appartient ni d'instituer ni de recouvrer ;
Considérant que, par arrêté en date du 14 février 1989, le maire de la ville de Lens a fixé une redevance annuelle de 1 446 F pour les occupations "régulières" de plus de 10 m concernant les étalages n'excédant pas une largeur de 1,50 m et à 10,50 F le m pour les occupations "irrégulières" ; que par arrêté du 18 mai 1989 les droits d'occupation ont été fixés à 10,50 F le m et par jour pour les largeurs excédant 1,50 m ; qu'enfin, par arrêté en date du 22 février 1990, la redevance pour les étalages ne dépassent pas une largeur de 1,50 m a été fixée, en cas d'occupation supérieure à 10 m, à un montant annuel de 1 502 F et pour les étalages excédant 1,50 m de large à 11 F le m ; que la disproportion entre le tarif des étalages d'une largeur inférieur à 1,50 m et ceux d'une largeur excédant 1,50 m révèle le caractère de pénalité de ce dernier tarif ; que l'illégalité affectant celui-ci justifie que les propriétaires d'étalages auquels cette redevance est réclamée s'opposent à son application ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le commerce de fleurs de M. X... occupait en permanence une surface d'au moins 50 m sur le trottoir et la chaussée de la rue 4 septembre à Lens ; que les étalages en cause dépassant une largeur de 1,50 m et une longueur de 10m, M. X... a été assujetti au paiement de droits de voirie au cours de la période du 1er novembre 1989 au 30 juin 1990 par application à la surface du domaine public occupée chaque jour un tarif de 10,50 F puis de 11 F par m2, fixé par les arrêtés municipaux des 14 février 1989, 18 mai 1989 et 22 février 1990 ; que si la commune n'a pas délivré à l'intéressé d'autorisation de voirie et si elle disposait de la possibilité de mettre fin à cette occupation dans la mesure où celle-ci était incompatible avec la destination de la voie publique elle ne s'est pas opposée au stationnement sur la voie publique des étalages du commerce de M. X..., lequel s'est poursuivi pendant plusieurs années, et n'allègue pas lui avoir enjoint de cesser ni même de réduire son occupation privative du domaine public, se bornant à mettre en recouvrement des redevances au titre de cette occupation ;
Considérant que la commune ne pouvait appliquer légalement au requérant, au motif que ses étalages dépassaient une largeur de 1,50 m, un tarif présentant le caractère d'une pénalité dont l'application a donné lieu à la mise en recouvrement d'un montant de 160 618 F pour une période de 8 mois de novembre 1989 à juin 1990 ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, qui ne pourrait d'ailleurs aboutir à des constatations utiles sur la superficie exacte occupée par l'intéressé au cours de la période en cause, et compte tenu de ce qu'il est constant que M. X... a déjà réglé des sommes supérieures pour l'année 1989 à 1 446 F et pour l'année 1990 à 1 502 F, telles que prévues pour les occupations du domaine public de plus de 10 m pour des étalages d 'une largeur supérieure à 1,50 m par les arrêtés sus-mentionnés, il y a lieu de déclarer sans fondement la contrainte diligentée à l'encontre de M. X... par voie de saisie-exécution ;
Article 1 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 2 avril 1991 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions à fins d'opposition à contrainte présentées par M. X....
Article 2 : La contrainte exercée à l'encontre de M. X... par voie de saisie-exécution est déclarée sans fondement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et le surplus de la demande présentée devant le tribunal administratif de Lille sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Léandre X... et à la commune de Lens.