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09/10/1990 | FRANCE | N°89NC00751

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 09 octobre 1990, 89NC00751


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 août 1988 et 20 décembre 1988 sous le numéro 101252 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 21 janvier 1989 sous le numéro 89NC00751, présentés pour la Société d'exploitation des établissements DAVOINE, société anonyme dont le siège social est ... ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 22 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de DIJON a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser

la somme de 993 000,21 F en réparation du préjudice résultant de l'autorisa...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 août 1988 et 20 décembre 1988 sous le numéro 101252 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 21 janvier 1989 sous le numéro 89NC00751, présentés pour la Société d'exploitation des établissements DAVOINE, société anonyme dont le siège social est ... ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 22 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de DIJON a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 993 000,21 F en réparation du préjudice résultant de l'autorisation déclarée illégale donnée par l'inspection du travail le 28 septembre 1978, au licenciement de M. X..., délégué syndical, de son emploi de directeur commercial ;
2°) de lui accorder l'indemnité demandée avec les intérêts de droit à compter du 24 juillet 1985 et la capitalisation des intérêts ;
Vu l'ordonnance du 19 janvier 1989 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 25 septembre 1990 :
- le rapport de M. DAMAY, conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, le 18 janvier 1984, la décision de l'inspecteur du travail en date du 28 septembre 1978 autorisant le licenciement de M. X..., délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise de la société DAVOINE, au motif que le projet de licenciement de l'intéressé était en relation directe avec les fonctions syndicales qu'il occupait ; que par un jugement du 22 juin 1988 dont fait appel la société DAVOINE, le tribunal administratif de DIJON a rejeté les conclusions de ladite société tendant à être indemnisée des préjudices résultant de l'autorisation irrégulièrement accordée ;
Sur la responsabilité :
Considérant que l'illégalité commise par l'administration en autorisant le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de l'employeur ; que dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la requête en indemnisation de la société DAVOINE au motif que l'administration n'avait commis aucune faute lourde ;
Considérant toutefois qu'il résulte de la décision du Conseil d'Etat en date du 18 janvier 1984 sus-évoquée que le projet de licenciement de M. X... était en rapport direct avec les fonctions syndicales qu'il occupait ; qu'en demandant à l'administration d'autoriser un licenciement qui présentait un caractère illégal au regard des dispositions du Code du Travail, la société DAVOINE a commis une faute de nature à exonérer l'Etat de la moitié de la responsabilité encourue ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'aux termes de l'article 412-19 du Code du travail : "- Lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le délégué syndical a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à ladite indemnité qui constitue un complément de salaire."

Considérant qu'à la suite de l'annulation de la décision administrative en date du 28 septembre 1978 autorisant le licenciement de M. X..., la société DAVOINE a été condamnée par un jugement définitif du conseil de prud'hommes de DIJON en date du 20 juin 1985 à verser à l'intéressé une somme de 283 500,87 F à titre de rappel de salaires jusqu'au 15 juin 1984, date de sa réintégration et une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts ; que le versement de ces sommes est en relation directe avec l'annulation de l'autorisation de licenciement de M. X... ; que la société DAVOINE est également fondée à demander que soient incluses dans le préjudice indemnisable les cotisations sociales versées en complément des rappels de salaires pour un montant de 123 003,27 F ; que la société DAVOINE ne saurait par contre être indemnisée pour les préjudices qu'elle prétend avoir subi postérieurement du fait de la réintégration de M. X..., ni pour des charges patronales ou des frais de procédure qu'elle ne justifie pas ; qu'elle ne saurait non plus être indemnisée des intérêts mis à sa charge par le jugement du tribunal des prud'hommes du 20 juin 1985 dès lors que le versement des salaires était dû à M. X... en application des dispositions de l'article 412-19 précité du Code du Travail, indépendamment de l'intervention d'une décision judiciaire ordonnant ce versement ;
Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité auquel il a été ci-dessus procédé, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société DAVOINE une somme de 253 252,07 F qui portera intérêt à compter du 24 juillet 1985, date du dépôt de la demande de première instance et d'annuler le jugement du tribunal administratif du 22 juin 1988 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 22 août 1988 et 28 mars 1990 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de DIJON en date du 22 juin 1988 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société DAVOINE une somme de 253 252,07 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 1985. Les intérêts échus les 22 août 1988 et 22 mars 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus de la requête de la société d'exploitation des établissements DAVOINE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des établissements DAVOINE et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NC00751
Date de la décision : 09/10/1990
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-045 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - RESPONSABILITE -Autorisation irrégulière de licenciement - Action en responsabilité de l'entreprise bénéficiaire de l'autorisation - a) Faute engageant la responsabilité de l'Etat envers l'entreprise - b) Faute exonératoire - Entreprise ayant demandé l'autorisation d'un licenciement en rapport avec les fonctions syndicales du salarié.

66-07-01-045 L'autorisation irrégulièrement accordée par l'administration pour le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de l'employeur. En demandant à l'administration de prononcer le licenciement d'un salarié protégé pour des motifs en rapport avec les fonctions syndicales qu'il occupait, la S.A. Davoine a commis une faute de nature à exonérer l'Etat de la moitié de la responsabilité encourue.


Références :

Code civil 1154
Code du travail L412-19


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Damay
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-10-09;89nc00751 ?
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