Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance n° 2200337 du 18 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, a, à la demande de l'université de Toulon, ordonné une expertise, confiée à M. B... A..., en présence de l'université, de la société SNAPSE, de la société Athedia et de la société SMED, aux fins notamment de déterminer les causes des désordres qui affectent le bâtiment de la faculté de droit, à la suite de travaux d'étanchéité de la toiture- terrasse effectués dans le cadre d'un marché public conclu en septembre 2013.
Par une ordonnance n° 2200337 du 1er septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, a, toujours à la demande de l'université de Toulon, étendu les opérations d'expertise aux sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA, en leur qualité d'assureurs des sociétés Athedia et SNAPSE.
L'expert, M. A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon d'étendre, de nouveau, les opérations d'expertise à la société Cofely Services aux droits de laquelle s'est substituée la société Engie Energie Services, à la société Mediaco Var, à la société Aéraulique et Systèmes Aérosys, à la société Medisol, à la société Sapec, à la société Acte Iard en sa qualité d'assureur de la société Medisol et à la compagnie Areas Dommages en sa qualité d'assureur de la société Sapec et de la société Aéraulique et Systèmes Aérosys.
Par une ordonnance n° 2200337 du 14 mai 2024, il a été fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai et 2 août 2024, la compagnie d'assurances Areas Dommages, représentée par Me Sinelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 14 mai 2024 ;
2°) statuant en référé, de rejeter toute demande d'extension des opérations d'expertise à son endroit et de la mettre en conséquence hors de cause ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Toulon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'extension demandée par l'expert se heurte à l'absence de démonstration de l'utilité de la demande à l'égard des sociétés Sapec et Aéraulique et Systèmes Aérosys, donc par voie de conséquence à son égard ; qu'elle se heurte, en tout état de cause, à l'absence de production d'élément justifiant sa qualité d'assureur de la société Aéraulique et Systèmes Aérosys ; que l'extension demandée par l'expert se heurte enfin à l'extinction de l'action éventuelle de l'université de Toulon à son encontre, aucun acte interruptif de la prescription décennale n'ayant été valablement entrepris à la requête de l'université de Toulon à son encontre, avant le 18 décembre 2023, dix ans après la date de réception des travaux ; que la société Aéraulique et Systèmes Aérosys, radiée en 2016, n'a pas valablement été mise en cause en première instance ; qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ; qu'ainsi, une ordonnance de référé a un effet interruptif de prescription à l'égard des seules parties appelées à la procédure initiale, pour les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige.
Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2024, l'université de Toulon, représentée par Me Del Prete, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la compagnie Areas Dommages, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande d'extension des opérations d'expertise sollicitée par l'expert, à sa demande, a nécessairement eu pour effet d'interrompre le délai de prescription à l'égard des personnes morales ainsi visées et donc à l'égard de la compagnie Areas Dommages ; que cette demande d'extension a été soumise au juge des référés dès le 24 novembre 2023, soit antérieurement au 18 décembre 2023 ; que cette extension est utile dès lors que les désordres constatés sont susceptibles de donner lieu, de sa part, à une éventuelle action en responsabilité de l'ensemble des constructeurs, notamment des titulaires des lots n° 1 et n° 2 ainsi que de leurs sous-traitants ; que la qualité de la compagnie Areas Dommages d'assureur des sociétés Sapec et Aéraulique et Systèmes Aérosys au titre des responsabilités décennales et civiles est parfaitement démontrée par les attestations de police d'assurance, déjà produites en premières instance ; que les sociétés Sapec et Aéraulique et Systèmes Aérosys ont toutes deux participé au programme de réfection des toitures-terrasses de la construction en qualité de sous-traitants de Cofely et déclarées comme telles par DC4 ; que l'objet des mesures d'expertise étant précisément de faire la lumière sur les différentes imputabilités afin de déterminer le contour de la responsabilité de chaque constructeur, il est nécessaire qu'elles se déroulent au contradictoire de l'ensemble des intervenants et de leurs assureurs respectifs susceptibles d'être appelés en garantie dans le cadre d'un contentieux au fond ; que l'expert lui-même préconise explicitement la mise en cause de tous les intervenants ayant participé au programme de réfection ainsi que leurs assureurs ; que la circonstance que la société Aéraulique et Systèmes Aérosys ait été radiée est sans effet dès lors qu'elle dispose d'une action directe à l'encontre de son assureur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise à laquelle elle a été convoquée, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées (...) ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par une ordonnance du 18 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, a, à la demande de l'université de Toulon, confié à M. B... A... une expertise aux fins notamment de déterminer les causes des désordres qui affectent le bâtiment de la faculté de droit à la suite de travaux d'étanchéité de la toiture-terrasse effectués dans le cadre d'un marché public conclu en septembre 2013. Cette expertise a alors été ordonnée en présence de l'université, de la société SNAPSE et de la société Athedia, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, ainsi que de la société SMED, titulaire du lot n° 1 relatif à la réfection de l'étanchéité et la mise en place de protections. Les opérations ont été, une première fois, étendues par une ordonnance du 1er septembre 2023, aux sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA, en leur qualité d'assureurs des sociétés Athedia et SNAPSE. Puis, par l'ordonnance attaquée, elles ont été étendues, à la demande de l'expert lui-même, à la société Engie Energie Services qui vient aux droits de la société Cofely Services, titulaire du lot n° 2 relatif à la reprise des réseaux, et à ses quatre entreprises sous-traitantes : la société Mediaco Var, la société Medisol ainsi qu'à son assureur, la société Acte Iard, la société Aéraulique et Systèmes Aérosys et la société Sapec, ainsi qu'à leur assureur, la compagnie Areas Dommages. La compagnie Areas Dommages doit être regardée, en dépit de ses conclusions principales tendant à l'annulation pure et simple de l'ordonnance attaquée, comme ne cherchant à obtenir l'annulation de cette ordonnance qu'en tant que les opérations d'expertise ont été étendues à son égard.
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile (cf. CE, 4.02.2021, n° 441593). Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui se heurtent à la prescription (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).
4. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance communiqué à la Cour par le greffe du tribunal administratif que l'université de Toulon a produit, en première instance, deux attestations d'assurance émanant de la compagnie Areas Dommages indiquant respectivement que la société Aérauliques et Systèmes Aérosys et la société Sapec sont titulaires auprès d'elle d'un contrat multirisque des entreprises de la construction depuis le 1er janvier 2013. Les allégations de la société requérante selon lesquelles il n'est pas établi qu'elle était l'assureur de la société Aéraulique et Systèmes Aérosys ne sont assorties d'aucune précision de nature à mettre en cause la réalité ou l'effectivité de cette attestation.
5. En deuxième lieu, la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles la société Aéraulique et Systèmes Aérosys, radiée du registre des commerces et des sociétés ainsi qu'en atteste le bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 9 juin 2016, a été mise en cause par le greffe du tribunal administratif, pour contester la régularité de l'extension de la mesure d'expertise prononcée à son égard, quand bien même il s'agit de son assurée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ".
7. Il ressort du dossier de première instance communiqué à la Cour par le greffe du tribunal administratif que, suite à la demande d'extension formulée par l'expert le 27 novembre 2023 visant notamment la société Aéraulique et Systèmes Aérosys et la société Sapec, ainsi que leur assureur, la compagnie Areas Dommages, le dossier de la procédure d'expertise initiée par l'université de Toulon a été communiqué à cette dernière par une lettre du 29 novembre 2023 qu'elle a reçue le 4 décembre suivant, ainsi qu'en témoignent les mentions portées sur l'accusé de réception postal. Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2024, elle a, du reste, contesté l'utilité de cette extension, en sa qualité d'assureur de ces deux sociétés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucune demande, au sens de l'article 2241 du code civil, n'a été formée à son encontre, en sa qualité d'assureur de la société Aéraulique et Systèmes Aérosys, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception du lot n° 2 des travaux d'étanchéité de la toiture-terrasse du bâtiment de la faculté de droit de l'université de Toulon, intervenue le 18 décembre 2013. En l'état de l'instruction, le juge des référés ne peut donc, dans le cadre de son office, tenir la prescription d'une éventuelle action en responsabilité décennale à l'encontre de compagnie Areas Dommages comme acquise.
8. En dernier lieu, peuvent être appelées en qualité de parties à une expertise ordonnée sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, les personnes qui ne sont pas manifestement étrangères au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise. En outre, le juge du référé peut appeler à l'expertise en qualité de sachant toute personne dont la présence est de nature à éclairer ses travaux (cf. CE, 26.09.2008, n° 312140).
9. Il est constant que la société Aéraulique et Systèmes Aérosys et la société Sapec ont participé aux travaux d'étanchéité de la toiture-terrasse du bâtiment de la faculté de droit de l'université de Toulon, en qualité de sous-traitantes de la société Cofely Services, titulaire du lot n° 2 de ce marché. En conséquence, la présence de leur assureur aux opérations d'expertise apparaît utile dès lors que ces sociétés ne peuvent être regardées, en l'état de l'instruction, comme manifestement étrangères au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise.
10. Il résulte de ce qui précède que la compagnie Areas Dommages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a étendu à son égard les opérations de l'expertise confiée à M. B... A..., par ordonnance du 18 avril 2023.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université de Toulon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de compagnie Areas Dommages la somme demandée par l'université de Toulon au titre de ces dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la compagnie Areas Dommages est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université de Toulon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à compagnie Areas Dommages, à l'université de Toulon et à M. B... A..., expert.
Fait à Marseille, le 6 août 2024
N° 24MA012772
LH