Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, enregistrée sous le n° 2003856, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées y a fait figurer, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et lui a refusé la qualité de grand mutilé prévue à l'article L. 132-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de supprimer la mention de " discopathies dégénératives lombaires étagées " de sa décision du 20 juin 2018, de lui reconnaître la qualité de grand mutilé, et de procéder à la liquidation de ses droits à pension à compter du 17 septembre 2012.
Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2009825, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, ainsi que la décision du 30 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du
18 novembre 2019, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles " à 30 % et celui de l'infirmité " Coxarthrose de hanche droite " à 30 %, de procéder à la liquidation de ses droits à pension et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension pour une période triennale ou à titre définitif, et enfin, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit.
Par deux jugements distincts n° 2003856 et n° 2009825 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. A....
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA01547 les 28 mai 2022, 8 mars 2023 et 29 mars 2023, M. A... demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2003856 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées a inséré, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et lui a refusé la qualité de grand mutilé prévue à
l'article L. 132-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
3°) de supprimer la mention de " discopathies dégénératives lombaires étagées " de la décision du 20 juin 2018, et de la remplacer par la mention " Infirmité n° 5 : Lombalgies : lombo cruralgies et sciatalgies gauche, discopathies lombaires étagées, taux 20 % dont 10 %
non imputable - blessure aggravée par la maladie - Admise par décision judiciaire - hors guerre - En relation médicale certaine, directe, avec l'infirmité n° 4 " ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'allocation de grand mutilé à compter du 19 mars 2019.
Il soutient que :
- dans le cadre d'une procédure accélérée, son conseil en première instance a été contraint de répondre aux observations de l'administration sans en avoir pris connaissance ; pour les mêmes raisons, il n'a pas été en mesure de plaider comme il l'aurait souhaité ;
- pour modifier le libellé de l'infirmité n° 5, il convient de s'en tenir exclusivement à l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence du 12 mars 2018 ;
- en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'allocation de grand mutilé, la décision du
20 juin 2018 méconnaît l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors qu'il a formulé sa demande le 22 mars 2019, de sorte que l'entrée en jouissance doit se faire à cette date et non en 2012 ou en 2015 ;
- cette décision méconnaît les articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors qu'il est titulaire d'une carte d'ancien combattant délivrée le 1er octobre 2015 et qu'il est titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 90 % et justifie de cinq infirmités dont les trois premières totalisent 90 % et dont trois résultent d'une même blessure et totalisent 60 % ; il n'était pas nécessaire que les blessures aient été contractées en unité combattante ou en temps de guerre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février et 22 mars 2023, le ministère des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un courrier du 9 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Un mémoire, enregistré le 3 avril 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 5 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA01590 les 4 juin 2022, 3 mars et 27 mars 2023, M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2009825 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au ministre des armées de dresser une nouvelle fiche descriptive des infirmités, d'une part en retenant un taux de 17 % d'aggravation pour l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles ", d'autre part en retenant l'imputabilité de la coxarthrose de la hanche droite comme étant en lien direct et certain avec l'infirmité n° 4 " séquelle de fracture du genou gauche " avec un taux d'invalidité de 30 %, et, enfin, de procéder à la liquidation de la pension militaire d'invalidité pour sa demande d'aggravation et de reconnaissance d'une infirmité nouvelle à compter de la date d'enregistrement de ses demandes ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale afin de déterminer si le taux d'invalidité de l'avant-bras, du poignet et de la main, justifie une aggravation de 17 %, et de vérifier si l'infirmité de coxarthrose de la hanche droite est bien imputable à l'infirmité n° 4 " séquelle de fracture du genou gauche " et justifie un taux de 30 %.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- son conseil en première instance a été contraint de répondre aux observations de l'administration sans en avoir pris connaissance ; pour les mêmes raisons, il n'a pas été en mesure de plaider comme il l'aurait souhaité ;
- en ce qui concerne l'aggravation pour l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles ", la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une expertise bâclée et contredite par deux expertises médicales privées ; l'expertise a été rendue seize mois après la demande de révision et l'expert ne s'est pas placé à la date de cette demande pour se prononcer, en méconnaissance de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; cette expertise se caractérise par une absence de recherche, notamment en ce qui concerne la prise en compte de l'âge ;
- les articles L. 152-1 et L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont été méconnus ;
- il existe des contradictions entre les conclusions de l'expertise et l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité qui auraient dû justifier que ce dernier ne retienne pas également une aggravation de 5 % seulement ;
- l'expertise privée qu'il a fait réaliser par un spécialiste de la main et expert judiciaire conclut à ce que l'ankylose du poignet justifie à elle seule un taux d'invalidité de 40 % ; cette ankylose n'avait pas été prise en compte lors des précédentes expertises ;
- en ce qui concerne l'infirmité nouvelle " coxarthrose de hanche droite ", l'article L. 152-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre a été méconnu ;
- depuis l'année 2017, il a été obligé d'utiliser sa jambe droite du fait des traumatismes sur son genou gauche et d'une sciatalgie chronique invalidante ;
- c'est à l'administration de justifier la non imputabilité au service de la pathologie ;
- il convient d'appliquer un taux de 30 % à cette invalidité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février, 22 mars et 27 mars 2023,
le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de première instance était tardive et, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un courrier du 9 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 5 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 5 avril 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de M. A....
Une note en délibéré a été présentée par M. A..., dans les deux instances,
le 28 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., militaire de carrière entre 1965 et 1994, s'est vu concéder, par un arrêté du 30 octobre 2006, une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 70 % pour les infirmités " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles ", " acouphènes avec incidence sur le sommeil et le psychisme ", et " séquelles de traumatisme du genou gauche ". Le 17 septembre 2012, il a présenté une demande de révision de sa pension en se prévalant de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche ", et de trois infirmités nouvelles, à savoir des " discopathies lombaires ", des " cervicalgies ", et une " coxarthrose gauche ". A la suite de l'arrêt rendu le
12 mars 2018 par la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence, la ministre des armées, par un arrêté du 4 juin 2018 et une décision du 20 juin 2018, a concédé à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux global de 90 % décomposée comme suit : " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles " au taux de 35 % ; " acouphènes avec incidence sur le sommeil et le psychisme " au taux de 30 % + 5 ; " coxarthrose gauche " au taux de 30 % + 10 ; " séquelles de traumatisme du genou gauche " au taux de 20 % + 15 ; " discopathies lombaires - lombo-cruralgies gauche. Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées : " au taux de 10 % + 20
(taux global de 20 % dont 10 % non imputable). Par ce même arrêté, la ministre des armées a refusé de reconnaître à M. A... le bénéfice des dispositions des articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par sa requête n° 22MA01547, M. A... relève appel du jugement n° 2003856 du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision en tant que la ministre des armées a retenu la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées " et lui a refusé la qualité de grand mutilé ou de grand invalide.
2. Par ailleurs, le 19 mars 2018, M. A... a demandé la révision de sa pension, en se prévalant de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles ". Et le 1er octobre 2018, l'intéressé a de nouveau sollicité une révision, en invoquant une infirmité nouvelle, une
" Coxarthrose de hanche droite ". Par une décision du 18 novembre 2019, la ministre des armées a rejeté ces demandes, au motif, d'une part, que le taux d'aggravation pour la première infirmité était inférieur à 10 %, et, d'autre part, que l'imputabilité au service n'était pas établie concernant la seconde infirmité. M. A... a exercé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision devant la commission de recours de l'invalidité, qui a rejeté son recours par une décision du 30 septembre 2020. Par sa requête n° 22MA01590, M. A... relève appel du jugement n° 2009825 du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 18 novembre 2019 et 30 septembre 2020.
3. Les recours nos 22MA01547 et 22MA01590 concernent la pension d'un même militaire. Il y a lieu par suite d'y statuer par un seul et même arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal dans l'instance n° 2003856, que le premier mémoire en défense du ministère des armées a été enregistré par le greffe le
22 novembre 2021, qu'il a été mis à disposition du conseil du requérant le jour même, que
celui-ci en a pris connaissance le 15 décembre 2021, et que la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat par ordonnance du 3 janvier 2022 en application de l'article
R. 613-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, dans l'instance n° 2009825, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que les mémoires en défense de l'administration enregistrés les 10 septembre 2021 et 13 janvier 2022 ont été communiqués les 10 septembre 2021 et
19 janvier 2022 au conseil du requérant, et que celui-ci en a pris connaissance les
13 septembre 2021 et 26 janvier 2022. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que dans chacune de ces instances, le tribunal aurait méconnu le caractère contradictoire de l'instruction, ni que son conseil n'aurait pas été mis à même de préparer au mieux sa plaidoirie lors de l'audience qui s'est tenue, dans les deux instances, le 22 mars 2022. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé par M. A... à l'appui de ses deux requêtes d'appel, et tiré de ce que les jugements attaqués seraient intervenus à la suite d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne l'infirmité n° 5 " discopathies lombaires - lombo-cruralgies gauche. Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées " :
6. S'agissant de l'infirmité n° 5 " discopathies lombaires ", M. A... sollicite à la fois l'annulation de la décision du 20 juin 2018 en tant que celle-ci comporte la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et la modification du libellé de cette infirmité afin, principalement, de supprimer la mention du caractère " dégénératif " des discopathies lombaires, et d'insérer la mention " sciatalgies gauche ".
7. Toutefois, et d'une part, M. A..., qui admet lui-même le caractère dégénératif de sa pathologie, ne tire aucune conséquence d'une éventuelle suppression de la mention d'un tel caractère dans la décision en litige, tant sur le taux d'invalidité, qui a été fixé à 20 % dont 10 % non imputable en ce qui concerne l'infirmité n° 5, que sur ses droits à pension.
8. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de l'ensemble des pièces médicales versées au dossier, sur le fondement desquelles s'est d'ailleurs prononcée la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 12 mars 2018, que l'intervention chirurgicale que M. A... aurait subie, selon son affirmation, le
23 novembre 2021, afin de libérer le nerf sciatique et de stabiliser de façon définitive deux vertèbres L3-L4 et L4-L5, aurait eu pour objet de traiter une sciatalgie qui non seulement aurait été objectivée à la date de présentation de sa demande de révision de pension, mais également aurait trouvé son origine dans les discopathies lombaires retenues au titre de l'infirmité en cause. Au demeurant, alors qu'aucune sciatalgie n'est expressément documentée dans les certificats médicaux dont se prévaut M. A..., établis les 1er avril et 16 mars 2016, et qu'un tel symptôme n'est pas davantage mentionné dans l'arrêt précité de la cour régionale des pensions militaires, ni même d'ailleurs dans la demande de révision présenté par l'intéressé le 17 septembre 2012, il résulte au contraire du certificat établi le 27 juillet 2021 par le médecin assurant son suivi médical que ce n'est que depuis deux ans avant cette date qu'une sciatique chronique a été clairement diagnostiquée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées y a fait figurer, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", ni à solliciter la modification du libellé de cette infirmité.
En ce qui concerne le bénéfice des articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires et des victimes de la guerre, applicable au litige : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de l'intéressé pour évaluer ses droits à révision de sa pension militaire d'invalidité.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la demande de M. A... enregistrée le
17 septembre 2012 : " Sont, au regard des dispositions du présent chapitre, qualifiés grands mutilés de guerre, les pensionnés titulaires de la carte du combattant qui, par suite de blessures de guerre ou de blessures en service commandé, sont amputés, aveugles, paraplégiques, blessés crâniens avec épilepsie, équivalents épileptiques ou aliénation mentale ou qui, par blessures de guerre ou blessures en service commandé, sont atteints : Soit d'une infirmité entraînant à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 85 % ; Soit d'infirmités multiples dont les deux premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 85 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les trois premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 90 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les quatre premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 95 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les cinq premières entraînent globalement un degré d'invalidité de 100 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 %. ". Et aux termes de l'article L. 37 de ce code : " Sont admis au bénéfice des majorations de pensions et des allocations spéciales prévues par les articles L. 17 et L. 38, les grands invalides : (...) b) Titulaires de la carte du combattant, pensionnés pour une infirmité entraînant à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 85 % ou pour infirmités multiples entraînant globalement un degré d'invalidité égal ou supérieur à 85 % calculé dans les conditions ci-dessus définies par l'article L. 36 et résultant ou bien de blessures reçues par le fait ou à l'occasion du service, ou bien de maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service, à charge par les intéressés de rapporter la preuve que celle-ci a été contractée dans une unité combattante (...) ".
11. En premier lieu, au nombre des conditions posées par les dispositions législatives citées au point précédent, pour que le militaire pensionné se voit reconnaître la qualité de grand mutilé de guerre ou de grand invalide, figure la détention d'une carte d'ancien combattant. Or, il résulte de l'instruction, et il n'est du reste pas contesté, que la carte d'ancien combattant dont se prévaut M. A... lui a été délivrée le 1er octobre 2015, soit postérieurement au
17 septembre 2012, date à laquelle l'administration était tenue de se placer, en application de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, pour apprécier l'étendue de son droit à pension, et, notamment, les conditions d'attribution des majorations de pension et allocations spéciales prévues aux articles L. 17 et L. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, l'appelant ne peut utilement se prévaloir du bénéfice de ces dispositions pour les besoins de l'examen d'une demande qu'il aurait formulée le 19 mars 2019, c'est-à-dire postérieurement à la décision en litige, intervenue le 20 juin 2018.
12. Au surplus, et en second lieu, en vertu de l'article R. 33 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable : " La qualité de grand mutilé de guerre est reconnue aux pensionnés au titre du présent code, titulaires de la carte du combattant, quand ils sont pensionnés pour les infirmités qui remplissent les conditions d'origine et de gravité définies par l'article L. 36, c'est-à-dire lorsque lesdites infirmités, résultant de blessures de guerre ou de blessures en service commandé reçues au cours des guerres
1914-1918, 1939-1945, ou d'expéditions déclarées campagnes de guerre par l'autorité compétente, figurent parmi les infirmités nommément désignées audit article ou lorsque leur total atteint les degrés d'invalidité prévus par celui-ci. / Les infirmités visées à l'alinéa b de l'article L. 37 ouvrent droit aux allocations spéciales lorsqu'elles ont été contractées au cours des périodes définies à l'alinéa 1er du présent article. (...) ".
13. Il résulte de l'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que du b) de l'article L. 37 de ce code, cités au point 8, et du rapprochement de ces dispositions avec les deux premiers alinéas de l'article R. 33 de ce même code cités au point précédent, que, pour le calcul du pourcentage total auquel est subordonné le droit aux allocations spéciales visées par ces articles, il ne saurait être tenu compte d'une blessure, même si elle a été reçue au cours de l'une des périodes définies à l'alinéa 1er de
l'article R. 33, lorsque le pensionné n'a pas obtenu la carte du combattant au titre de ladite période. Par suite, en se bornant à soutenir que sa carte d'ancien combattant lui a été délivrée à raison de services effectués à Kinshasa au cours de l'année 1991, M. A... n'établit pas que les blessures au titre desquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité seraient survenues au cours de cette période ni, à plus forte raison, au cours d'expéditions déclarées campagnes de guerre par l'autorité compétente.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne remplit pas les conditions pour bénéficier, à la date de sa demande de révision, des majorations de pension et allocations spéciales prévues aux articles L. 17 et L. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en faveur des grands mutilés de guerre et des grands invalides.
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles " :
15. En premier lieu, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir d'une méconnaissance des articles L. 152-1 et L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre à l'appui de sa demande de révision, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
16. En second lieu, aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...) ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 151-2 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision.
17. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement tant des conclusions de l'expertise médicale du 2 août 2019 que des conclusions du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, que M. A... souffre d'une aggravation pour perte de force de serrage de la paume de la main gauche, qualifiée de modérée par l'expert et de significative par le médecin des pensions militaires d'invalidité, mais à l'origine, selon ces deux médecins, d'une aggravation modérée de 5 % seulement de l'infirmité. Pour parvenir à cette conclusion, dont il ne résulte pas des éléments de l'instance qu'elle serait fondée sur des éléments postérieurs à la demande de révision formulée le 19 mars 2018 par M. A..., et dont celui-ci ne démontre pas le manque de sérieux, l'expert a procédé, ainsi qu'il était tenu de le faire, à une analyse suffisamment précise de l'évolution de l'état de l'articulation de M. A... depuis 1998, année au cours de laquelle avait été réalisée l'expertise initiale ayant conclu à une invalidité pour cette infirmité au taux de 35 %. Pour contester cette analyse, M. A... soutient que l'expert, pas plus d'ailleurs que le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, n'aurait pris en compte l'ankylose nouvellement objectivée à compter d'un certificat médical du 9 février 2018 du médecin assurant son suivi, confirmé en cela par un certificat du 16 janvier 2020, ainsi que par une
contre-expertise médicale du 21 mai 2022, selon laquelle cette ankylose, à elle seule, justifierait l'application d'un taux d'invalidité de 40 %. Toutefois il résulte clairement du rapport d'expertise du 12 octobre 1998 que cette ankylose, bien que non expressément citée par l'expert ni mentionnée par la fiche d'invalidité, a bien été prise en compte pour évaluer le taux d'invalidité à 35 %, cette expertise ayant notamment mis au jour, outre de fortes algies, une très grosse limitation fonctionnelle du carpe interdisant toute activité manuelle en force ou répétitive et prolongée, l'impossibilité de gestes de poussée et tractions ou port de charges même de faible poids, une absence de pro-supination active, ainsi que l'existence d'importants craquements du poignet et douleurs à toute mobilisation, même lente et passive. En outre, il ressort tout aussi clairement du compte rendu d'examen des membres supérieurs annexé au rapport d'expertise du 2 août 2019 qu'en exprimant, en degrés, la position pour les doigts et l'articulation touchée, l'expert a bien tenu compte de l'ankylose dont est atteint M. A.... Au demeurant, bien que la contre-expertise dont celui-ci se prévaut mentionne qu'il est possible d'estimer sa " fonction " lors de sa demande de révision déposée en 1998, les conclusions du praticien reposent néanmoins, pour l'essentiel, sur l'examen qu'il a réalisé plus de quatre ans après le dépôt de la demande de révision, au vu de " l'état actuel " du pensionné. Cette expertise ne décrit pas davantage, en tout état de cause, l'existence d'une gêne fonctionnelle supplémentaire, à la date de la demande de révision, qui n'aurait pas été prise en compte, que ce soit dans le cadre de l'expertise précitée du 2 août 2019 ou par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles " de M. A... justifierait l'allocation d'un taux supérieur au taux de 5% retenu par l'administration pour rejeter sa demande de révision de pension, un tel taux étant inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à une révision de pension.
En ce qui concerne l'infirmité nouvelle " Coxarthrose de la hanche droite " :
18. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2-3 de ce code : " (...) la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité
invoquée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de son infirmité et une blessure reçue, un accident subi ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne peut pas résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité ou encore des conditions générales du service.
19. Pour demander la majoration de sa pension militaire d'invalidité en raison d'une infirmité nouvelle, une coxarthrose de la hanche droite, secondaire aux séquelles de traumatisme du genou gauche elles-mêmes imputables au service, M. A... se prévaut d'un certificat de son médecin établi le 26 septembre 2018 et faisant état d'une détérioration rapide de la hanche droite liée à l'appui constant sur ce membre inférieur pour éviter la douleur sur le côté gauche. Toutefois, alors qu'il résulte du certificat médical établi le 10 septembre 2018 par un chirurgien de l'assistance publique - hôpitaux de Marseille, versé au dossier de première instance, que l'intéressé a subi avec succès une arthroplastie de hanche gauche en 2014, et que cette intervention lui a permis de poursuivre ses activités de sport et de loisirs, le seul certificat dont il se prévaut et qui se borne à émettre une hypothèse médicale, ne permet pas d'établir l'existence d'une relation directe et certaine entre la coxarthrose droite apparue en 2017 et la blessure au genou gauche survenu au cours du service en 1993, soit près de 24 ans auparavant. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à réclamer une majoration de sa pension militaire au titre de cette infirmité nouvelle, ainsi d'ailleurs que l'a considéré le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, pour émettre son avis, l'expert désigné par l'administration se serait placé à la date de l'expertise et non à la date du dépôt de la demande de révision de la pension.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées à la demande dans l'instance n° 22MA01547, ni d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, ses deux requêtes d'appel doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023.
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N° 22MA01547, 22MA01590