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03/07/2023 | FRANCE | N°19MA03382

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 19MA03382


Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles visées par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 mars 2022.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Cecere,

pour la commune de Perols.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la réhabilitation d'un bâtiment municipa...

Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles visées par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 mars 2022.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Cecere, pour la commune de Perols.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la réhabilitation d'un bâtiment municipal pour sa mise à disposition de la crèche associative " Les Pitchouns ", la commune de Pérols a passé un marché public de travaux divisé en neuf lots. La maîtrise d'œuvre a été confiée à M. A..., architecte. Le lot n° 1 " Gros œuvre " a été attribué à la SA CBTP et le lot n° 5 " Revêtement de sol dur et souple " à la société Proceram. Le 19 décembre 2013, M. A... a adressé au maître de l'ouvrage une proposition de réception des travaux du lot n° 5, assortie de certaines réserves. Deux procès-verbaux de chantier du 14 janvier 2014 et du 21 janvier 2014 ont fait état de l'apparition d'un phénomène de bullage sur le revêtement de sol souple. Le 11 février 2014, le maître de l'ouvrage a toutefois réceptionné le lot n° 5 sans émettre de réserves sur ce point, en ne retenant que d'autres réserves proposées par le maître d'œuvre le 19 décembre 2013. Par une ordonnance n° 154412 du 10 août 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert judiciaire qui a constaté le 20 août 2015 la formation de cloques importantes sur le sol de certaines salles dotées d'un revêtement souple ainsi que sur des murs et un taux d'humidité anormalement élevé. L'expert désigné par une ordonnance n° 1504505 du 13 novembre 2015 pour déterminer la nature, l'importance, l'origine des désordres ainsi que la part de responsabilité de chacun des intervenants au marché a déposé son rapport le 24 janvier 2017. Par jugement n° 1700932 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a estimé que la responsabilité de M. A..., maître d'œuvre, pour manquement à son devoir de conseil lors de la réception des travaux était engagée envers le maître d'ouvrage, a évalué le préjudice subi par la commune de Pérols à la somme de 183 211 euros toutes taxes comprises, a estimé que la commune avait commis une imprudence fautive en prononçant la réception des travaux sans émettre de réserve, de nature à exonérer le maître d'œuvre à hauteur de 25 %, puis a condamné M. A... à verser à la commune de Pérols 75 % de cette somme, soit 137 408,25 euros toutes taxes comprises, au titre des désordres affectant la crèche " Les Pitchouns ". La commune de Pérols fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant des condamnations à la somme de 137 408,25 euros toutes taxes comprises. M. A... fait également appel de ce jugement, en demande l'annulation, et sollicite à titre principal le rejet des prétentions indemnitaires présentées par la commune de Pérols.

Sur la jonction :

2. Les affaires enregistrées sous les n°s 19MA03382 et 19MA03517 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger de questions communes. Il y a donc lieu d'y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions d'appel présentées par la commune de Pérols et dirigées contre les sociétés CBTP et Proceram :

3. Il résulte de l'instruction que dans son mémoire du 29 août 2019, présenté dans le cadre de l'instance n° 19MA003382, la commune de Pérols a explicitement abandonné ses conclusions aux fins de condamnation in solidum en tant qu'elles étaient dirigées contre les sociétés CBTP et Proceram, ainsi que ses conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il avait rejeté ses conclusions présentées en première instance contre ces deux sociétés. Il y a lieu de donner acte à la commune de Pérols de ce désistement partiel.

Sur la recevabilité des écritures de la commune de Pérols :

4. Aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. " Et selon l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, [...] par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal... ". Enfin l'article L. 2121-12 du même code précise que : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ".

5. D'une part, la décision du 2 février 2017 par laquelle le maire de Pérols confie à la SCP Margall d'Albenas la défense de ses droits et intérêts et lui demande d'engager une procédure indemnitaire à l'encontre de l'architecte, M. A... et des sociétés Proceram et CBTP vise une délibération du conseil municipal n° 9 du 16 avril 2014, modifiée par délibération n° 7 du 16 décembre 2014, par laquelle le maire de Pérols dispose d'une délégation de pouvoir du conseil municipal pour représenter la commune en justice. Cette délibération, accessible sur le site internet de la collectivité " www.ville-perols.fr ", précise que la délégation est accordée au maire pour la durée du mandat et vise spécifiquement à son point 16 les instances concernant les contrats de la ville dans le cadre des marchés publics. D'autre part, la décision du 29 juillet 2019 par laquelle le maire de Pérols a décidé de confier au même cabinet d'avocats la défense des droits et intérêts de la collectivité dans le cadre de l'appel engagé par le maître d'œuvre en vue d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier vise aussi cette délibération du conseil municipal n° 9 du 16 avril 2014. La décision du 22 mars 2021 par laquelle le maire de Pérols décide de confier au même cabinet la défense des intérêts de la commune devant la Cour non seulement pour demander l'annulation du jugement précité mais aussi en défense, sur l'appel de M. A..., vise par ailleurs une délibération du conseil municipal du 28 juillet 2020 autorisant le maire notamment à " 16° intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle, tant devant les juridictions administratives, judiciaires ou pénales, que ce soit en 1ère instance ou en appel [...] toutes les actions permettant à la commune de Pérols de faire respecter ses droits à l'égard de l'Etat ainsi qu'à l'égard de toutes les autres personnes morales ou physiques... ". La commune justifie donc d'une autorisation d'ester en justice, en demande comme en défense et comme intimée, tant en première instance qu'en appel.

6. M. A... soutient qu'il n'est pas justifié de " ce qu'une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération ait été adressée avec l'éventuelle convocation des membres du conseil municipal, conformément aux dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ".

7. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Si la commune se borne, en réponse à ce moyen à faire valoir que " la note de synthèse ne s'impose pas toujours ", il ne résulte toutefois pas de l'instruction que l'absence de note de synthèse ait privé les membres de l'assemblée délibérante d'une garantie ni exercé d'influence sur le sens de ces délibérations autorisant de manière générale le maire à ester en justice. Il ressort par ailleurs des délibérations précitées des 16 avril 2014 et 28 juillet 2020 que le conseil municipal a été régulièrement convoqué, et la simple allégation de M. A... d'une " éventuelle convocation ", qui n'est appuyée d'aucun élément circonstancié, ne saurait conduire à remettre en cause ces mentions factuelles précises qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Sur la régularité du jugement :

9. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

10. Il ressort de l'examen du point 7 du jugement attaqué que les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage, de nature à exonérer le maître d'œuvre d'une partie de sa responsabilité. Les premiers juges ont relevé que le maître de l'ouvrage avait commis une imprudence en prononçant la réception des travaux sans réserve, alors qu'il était présent lors des réunions de chantier des 14 janvier 2014 et 21 janvier 2014, au cours desquelles le maître d'œuvre avait signalé le bullage et la remontée du sol souple en plusieurs endroits. Les premiers juges ont également mentionné le fait que les désordres en cause étaient parfaitement visibles lors de la réception des travaux. Les premiers juges ont ainsi suffisamment motivé leur jugement sur ce point. Le moyen tiré du défaut de motivation doit par suite être écarté.

11. La commune de Pérols s'étant explicitement désistée de ses conclusions aux fins de condamnation in solidum en tant qu'elles étaient dirigées contre les sociétés CBTP et Proceram, ainsi que de ses conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il avait rejeté ses conclusions présentées en première instance contre ces deux sociétés, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier en tant que les premiers juges auraient retenu l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires dirigées contre les entreprises de travaux titulaires des lots n° 1 et n° 5 doit également être regardé comme abandonné. Il en va de même du moyen tiré de ce que le jugement serait sur ce point entaché d'une contradiction de motifs.

Sur la responsabilité contractuelle de M. A... :

12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres affectant la crèche, qui consistent essentiellement en l'apparition de cloques sur le revêtement de sol souple posé par la société Proceram sur un support réalisé par la société CBTP, trouvent leur origine dans de multiples erreurs de conception et d'exécution des travaux, tenant notamment à l'insuffisance du temps de séchage du support du revêtement, à l'absence de pare-vapeur, de primaire d'accrochage et de couches d'époxy, au mauvais dosage en ciment du mortier à partir duquel a été réalisé le support, aux carences dans les contrôles et tests de siccité ou encore aux insuffisances et non-conformités de certains documents du marché rédigés par le maître d'œuvre.

13. La réception des travaux ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre soit recherchée à raison des manquements à leur obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ou des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

14. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux du lot n° 1 " démolition gros-œuvre " a été prononcée par le maître de l'ouvrage le 11 février 2014, avec réserves. Les réserves concernaient le ragréage des dalles extérieures du local technique et le seuil des baies vitrées, et étaient sans lien avec les désordres en litige. Ces réserves ont été levées le 21 février 2014. Les travaux du lot n° 5 " revêtement sol dur et souple ", dont la société Proceram était titulaire, ont fait l'objet d'un procès-verbal d'opérations préalables à la réception, en l'absence du représentant du pouvoir adjudicateur. Aux termes de ce procès-verbal établi le 11 décembre 2013, les ouvrages ont été déclarés conformes aux spécifications du marché, à l'exception de quatre prestations non conformes listées en annexe 1. Aucune de ces prestations ne correspond aux désordres en litige. Le 19 décembre 2013, le maître d'œuvre a proposé au maître de l'ouvrage de prononcer la réception des ouvrages du lot n° 5, à l'exception de cinq prestations non conformes listées en annexe 1, dont aucune ne correspond aux désordres en litige. Par décision du 11 février 2014, le maître de l'ouvrage a prononcé la réception des ouvrages du lot n° 5, à l'exception des cinq réserves figurant sur la proposition du maître d'œuvre et listées en annexe 1. Aucune de ces réserves ne concernait les désordres en litige.

15. Il résulte de l'instruction qu'un " bullage remontée sol souple plusieurs endroits " a été constaté dans le compte-rendu de chantier du 14 janvier 2014, au titre du lot n° 5. Le compte-rendu de chantier mentionne qu'il devait être remédié à ce problème pour le 28 janvier 2014. Le compte-rendu de chantier du 28 janvier 2014 fait de nouveau état des problèmes relevés dans le compte-rendu de chantier du 14 janvier 2014 concernant le sol souple. Le représentant du maître de l'ouvrage et le maître d'œuvre étaient présents à ces deux réunions du 14 janvier 2014 et du 28 janvier 2014. Si M. A... soutient que les désordres sont apparus après les opérations préalables de réception et après la proposition de réception adressée au maître de l'ouvrage le 19 décembre 2013, il résulte de ce qui précède qu'il a eu connaissance du problème avant que ne soit prononcée la réception, ainsi que le confirme d'ailleurs le courrier adressé à la société Proceram le 11 février 2014, enjoignant à cette dernière de procéder aux reprises avant le 18 février 2014. Il revenait par conséquent au maître d'œuvre d'alerter le maître de l'ouvrage sur les malfaçons affectant le sol souple de la crèche constatées en janvier 2014 et sur l'absence de reprise de ces malfaçons. Si M. A... fait valoir que, par le courrier du 11 février 2014 qui vient d'être mentionné, il a mis en demeure l'entreprise titulaire de faire les travaux de reprise avant le 18 février 2014, cette circonstance est sans incidence sur l'accomplissement de son devoir de conseil vis-à-vis du maître de l'ouvrage pour les opérations de réception. Par ailleurs, l'affirmation de M. A... selon laquelle la société Proceram serait intervenue pour remédier aux désordres avant le prononcé de la réception des ouvrages par le maître de l'ouvrage n'est pas établie. La circonstance que les désordres en cause relèveraient de la garantie de parfait achèvement est sans incidence sur l'exercice par le maître d'œuvre de son devoir de conseil.

16. Enfin, il n'est pas établi que M. A... aurait alerté le maître de l'ouvrage sur l'absence de reprise des malfaçons constatées sur les sols en revêtement souple entre le mois de janvier 2014 et le 11 février 2014 ou sur la nécessité d'émettre des réserves à la réception sur ce point. Ainsi, en s'abstenant d'alerter le maître de l'ouvrage sur les désordres affectant l'ouvrage, le maître d'œuvre qui a manqué à son devoir de conseil, a commis une faute et a engagé sa responsabilité contractuelle, à laquelle la réception des travaux ne fait pas obstacle ainsi qu'il a été dit au point 13.

Sur le montant des préjudices :

En ce qui concerne les travaux de reprise :

17. Il résulte de l'instruction que les travaux de reprise ont été évalués par l'expert judiciaire à la somme de 73 481,06 euros toutes taxes comprises, sur la base de deux devis établis par l'entreprise Bat Cubique et l'entreprise Ballester. La teneur et le montant des travaux préconisés par l'expert ne sont pas sérieusement contestés par les parties.

18. M. A... soutient que le montant de l'indemnité doit être établi hors taxes. Toutefois le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.

19. M. A... qui se borne à se prévaloir du fait que la commune de Pérols doit récupérer la TVA par le biais du fonds de compensation de la TVA ne démontre, ni même n'allègue que le maître d'ouvrage relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Par suite, il y a lieu de fixer le montant du préjudice subi par la commune de Pérols au titre des travaux de reprise à la somme de 73 481,06 euros toutes taxes comprises.

En ce qui concerne les autres préjudices :

20. La commune de Pérols invoque par ailleurs des préjudices correspondant aux frais engagés pour établir un constat d'huissier le 6 août 2015, pour un montant de 414,44 euros, aux honoraires de l'expert intervenu dans le cadre du référé-constat, pour un montant de 1 515,60 euros, à l'allocation provisionnelle de l'expert dans le cadre du référé-expertise, pour un montant de 2 427,98 euros, aux frais d'avocat, pour un montant de 2 052 euros, au coût des travaux de reprise réalisés en 2015, pour un montant de 2 400 euros, et en 2016, pour un montant de 4 994 euros, au coût de la fourniture, de la pose et du raccordement aux réseaux d'un bac à condensat, pour un montant de 405,90 euros, ainsi qu'au coût de l'installation et de la location de bâtiments modulaires pour héberger provisoirement la crèche, pour un montant de 100 000 euros, soit un montant total de 114 210,92 euros toutes taxes comprises.

21. L'allocation provisionnelle de l'expert fait partie des dépens de la présente instance et les frais d'avocat engagés par la commune sont intégrés dans les frais exposés et non compris dans les dépens. C'est donc à bon droit que le tribunal n'a pas retenu les montants correspondants de 2 427,98 euros et de 2 052 euros.

22. Concernant le " coût prévisionnel " pour l'installation et six mois de location de bâtiments modulaires pour héberger la crèche pendant les travaux, si le rapport d'expertise mentionne ces frais exposés par la commune de Pérols, l'expert judiciaire s'est borné à faire état d'un " coût prévisionnel " sans retenir ce montant au titre des préjudices justifiés. Dans sa réponse au dire n° 5 de la commune de Pérols du 13 décembre 2016, figurant à la page 57 du rapport d'expertise, l'expert judiciaire a indiqué que " les travaux restent en l'état d'allégation sans fondement ". La commune de Pérols, qui se borne à invoquer le fait qu'elle a été contrainte de mettre en place une solution palliative, ne démontre pas avoir engagé les frais qu'elle allègue concernant les bâtiments modulaires et ne produit aucun élément de preuve permettant d'établir la réalité de son préjudice sur ce point. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la demande indemnitaire concernant ce chef de préjudice doit être rejetée.

23. En revanche M. A... ne conteste pas sérieusement la somme de 9 729,94 euros mise à sa charge par le tribunal au titre des frais d'huissier (414,44 euros), des honoraires de l'expert intervenu dans le cadre du référé-constat (1 515,60 euros), du coût des travaux de reprise réalisés en 2015 (2 400 euros) et en 2016 (4 994 euros) et enfin du bac à condensat (405,90 euros).

24. Enfin, ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal, si la commune de Pérols indique qu'elle a été contrainte de mettre en place une solution palliative dans l'attente de la réalisation des travaux de reprise en vue d'accueillir les enfants en bas âge dans d'autres locaux, elle ne justifie pas de la réalité d'un tel préjudice résultant du trouble de jouissance lié à l'indisponibilité de la crèche, à hauteur de 10 000 euros.

25. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par la commune de Pérols résultant de la faute commise par M. A... s'élèvent à la somme de 83 211 euros toutes taxes comprises (73 481,06 + 9 729,94).

Sur la faute exonératoire de la commune :

26. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment aux points 14 et 15 qu'à la date de réception des ouvrages, le phénomène de bullage affectant le sol souple était connu du maître de l'ouvrage, qui était représenté aux réunions de chantier des 14 et 21 janvier 2014 et était destinataire des comptes rendus. La commune de Pérols soutient cependant dans ses écritures, sans être utilement contredite sur ce point par M. A..., que le maître d'œuvre lui a indiqué que le phénomène de bullage était un phénomène normal ayant vocation à disparaitre dans un bref délai. A cet égard, les comptes rendus des réunions des 14 et 21 janvier 2014 mentionnent que le bullage du sol souple en plusieurs endroits devait faire l'objet d'une action pour le 28 janvier 2014. Dès lors, la commune de Pérols, qui n'était pas en mesure d'identifier l'origine et la possible aggravation des malfaçons affectant le sol souple, a pu légitimement estimer que le problème de bullage se résorberait de lui-même. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le maître de l'ouvrage aurait commis une imprudence fautive en réceptionnant l'ouvrage sans réserve concernant l'état des sols souples le 11 février 2014.

Sur le montant de l'indemnité :

27. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Pérols est seulement fondée à demander l'indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme de 83 211 euros toutes taxes comprises. M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que la somme mise à sa charge au titre des préjudices subis par la commune de Pérols excède le montant de 83 211 euros toutes taxes comprises.

Sur les intérêts :

28. La commune de Pérols a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 83 211 euros à compter de la date d'enregistrement de sa demande, le 28 février 2017. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 28 février 2017, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 février 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. A... tendant à ce que sa responsabilité soit limitée et celles appelant en garantie les sociétés Proceram et CBTP :

29. M. A..., dont la responsabilité contractuelle est retenue à raison d'un manquement à son devoir de conseil en sa qualité de maître d'œuvre, n'est pas fondé à solliciter un partage de sa responsabilité ni à appeler en garantie les sociétés Proceram et CBTP, qui ont exécuté les travaux. Ses conclusions présentées en ce sens doivent, par suite, être rejetées.

Sur les appels en garantie présentés par les sociétés Proceram et CBTP :

30. Aucune condamnation n'est prononcée à l'encontre des sociétés Proceram et CBTP. Au demeurant, ces deux sociétés n'ont pas vu leur situation modifiée par les appels principaux et incidents présentés par la commune de Pérols et M. A.... Les conclusions d'appel en garantie formées par ces deux sociétés doivent dès lors être rejetées.

Sur la charge définitive des frais d'expertise :

31. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... les frais de l'expertise judiciaire, taxés et liquidés à hauteur de 10 389,07 euros toutes taxes comprises par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2017.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pérols les sommes réclamées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... les sommes réclamées par la commune de Pérols sur le même fondement. Les dispositions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Proceram, qui n'est pas partie perdante, la somme réclamée par la société CBTP sur ce fondement.

34. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Pérols la somme de 1 000 euros à verser à la société Proceram au titre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a également lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros à verser à la société CBTP sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la commune de Pérols de ses conclusions aux fins de condamnation des sociétés Proceram et CBTP et aux fins d'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ces mêmes conclusions.

Article 2 : Le montant que M. A... est condamné à verser à la commune de Pérols au titre des désordres affectant la crèche " Les Pitchouns ", initialement fixé à la somme de 137 408,25 euros toutes taxes comprises, est ramené à la somme de 83 211 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2017. Les intérêts échus à la date du 28 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 10 389,07 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de M. A....

Article 4 : M. A... versera à la société CBTP la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Pérols versera à la société Proceram la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pérols, à la société Proceram, à la SA CBTP prise en la personne de son liquidateur Me Vincent Aussel et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

2

N°s 19MA03382 - 19MA03517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03382
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL A.C.T.A.H. CABINET FERRARI;SELARL A.C.T.A.H. CABINET FERRARI;SCP LEVY - BALZARINI - SAGNES - SERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;19ma03382 ?
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